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Comités de grèves, assemblées générales, comités de quartier, syndicats…

Pour l’auto-organisation des luttes

décembre 1995.

Le gouvernement Juppé récolte ce qu’il a semé. En multipliant sciemment les provocations envers les salariés et les étudiants, il aura déclenché un mouvement dont les conséquences bouleversent déjà la donne des luttes sociales.

L’isolation et l’atomisation des individus, la morosité sociale et les réflexes corporatistes auront largement été battus en brèche. C’est que chacun d’entre nous a bien compris que la grève déclenchée par les cheminots était aussi la sienne et que c’était maintenant ou jamais qu’il fallait se battre si l’on voulait changer le cours des choses. C’est à partir de cette réflexion que les initiatives se sont multipliées. Et si chacun avait de bonnes raisons de descendre dans la me pour exiger la satisfaction de ses revendications particulières, l’ensemble des travailleurs de la Fonction publique, comme du secteur privé et comme l’immense majorité des étudiants, ont vite compris l’intérêt qu’il y a à lutter ensemble et de manière coordonnée.

La conscience de classe en hausse

Cette prise de conscience collective d’avoir les mêmes intérêts à défendre s’est matérialisée très concrètement dès les premières manifestations où grévistes et étudiants ont défilé côte à côte. Il y avait de la joie, une fraternité et le sentiment de vivre un moment particulier qui n’échappait à personne, lorsque les différents cortèges syndicaux se rassemblaient pour n’en former plus qu’un seul.

De manière pratique et réelle, les bases ont été jetées pour qu’un mouvement social de classe et d’envergure s’affirme au fil des luttes en cours et à venir. Plus rien ne sera tout à fait comme avant.

La généralisation de la grève est un impératif

Mais aujourd’hui, seule la généralisation du mouvement de grève peut obliger le gouvernement et le patronat à répondre aux aspirations sociales. Le monde du travail doit mettre toutes ses forces dans cette bataille… le plus vite possible ! Il s’agit donc pour les anarchistes de contribuer à cette mobilisation, partout où ils le peuvent. Notre mot d’ordre est simple : grève générale ! C’est le slogan qui fleurit dans toutes les têtes et qui s’expriment à travers les innombrables initiatives émanant de la base.

On ne compte plus les sections syndicales et les syndicats de base de toutes les branches professionnelles qui se sont exprimées dans ce sens, avec l’appui de la grande majorité des non syndiqués. Les salariés n’ont que faire des étiquettes et des querelles de chapelles, et se moquent de savoir si cela plaît ou non à leurs leaders syndicaux. Ils prennent position par eux-mêmes et pour eux-mêmes, en toute autonomie car la réussite de cette grève générale est une question de survie collective ! La montée en puissance de cette colère sociale est irréversible. Elle peut encore s’amplifier et gagner en détermination.

L’auto-organisation est un moteur de la lutte

Pour continuer à s’étendre et gagner en profondeur, ce mouvement de grèves doit s’auto-organiser et répondre à plusieurs nécessités de plus en plus urgentes :
— créer et susciter des réseaux d’entraide en matériel, en nourriture, en argent doivent s’organiser, car les grévistes ont besoin de manger, et les fins de mois vont encore être plus difficiles que d’habitude. pendant et après la grève ;
— faire circuler l’information, les propositions et les initiatives prises ici et là, car il y a peu de chance que les médias officiels le fassent à notre place.
— débattre et de réfléchir sur les perspectives sociales et politiques de ce mouvement ;
— des structures anti-grève sont mises en place à l’initiative du RPR ou d’autres partis de droite, voire d’extrême droite. Il va sans doute falloir répondre à des campagnes de calomnies et de provocations en tout genre, qui peuvent se développer très rapidement.

En créant sa propre dynamique interne, en s’auto-organisant, en développant toutes les potentialités qui lui donne sa personnalité, ce mouvement se donnera les moyens de toucher toutes les couches de salariés, de chômeurs, d’exclus, d’étudiants, de retraités, d’immigrés, de femmes et autres galériens de cette société, qui forment la grande masse de la population.

Un mouvement profondément social et populaire…

La caractéristique de ce mouvement est qu’il est exclusivement et totalement social et économique. Il n’a que faire des stratégies politiciennes, des prochaines élections, de la dissolution de l’Assemblée nationale ou d’un quelconque référendum. Ce n’est pas son problème.

Pour les salariés du privé et du privé, pour les chômeurs, pour les étudiants, pour tous les exploités :
— il faut en finir avec le chômage, la misère, les inégalités, la précarité des emplois, les prélèvements sociaux, les régressions sociales, le racisme… ;
— il faut en finir avec les privilèges des riches toujours plus riches, l’arrogance et le cynique des classes politiques toujours plus aux ordres du patronat.

C’est cela qui est exprimé avec force et détermination.

C’est ce qui cimente et donne sa cohésion à ce profond mouvement populaire.

Vers un critique radicale et internationale du système capitaliste

De fait, c’est toute une évolution de la société qui est remise en cause. Il s’agit bien d’un refus de se soumettre à la loi du marché mondialisé, aux spéculateurs internationaux, à un mode de production capitaliste qui nie et broie les individus au gré de ses intérêts du moment, produisant un jour ici, un autre jour là-bas, selon le coût local de la main d’œuvre.

En ce sens, il faut avoir conscience que cette lutte va avoir des répercutions considérables au niveau international. Des millions de travailleurs vont se rendre compte que notre grève les concerne directement parce qu’ils vivent et subissent les mêmes drames. Et notre notre peut devenir la leur. Il n’est pas impossible de voir se développer une solidarité internationale des travailleurs qui soit enfin autre chose que de simples déclarations de principe.

Une lutte pour la dignité humaine

Face à de tels enjeux, il faut s’attendre à affronter un gouvernement et un patronat déterminés à tout faire pour briser les grèves. Ils utiliseront tous les moyens en leur possession pour nous diviser, nous acheter, nous désinformer, nous réprimer, nous provoquer. Ils ont de l’argent et la plupart des grands médias à leur disposition. Ils ont aussi avec eux un certain nombre de bureaucrates syndicaux et de politiciens plus ou moins compromis dans leurs combines. De toute façon chacun est face à ses responsabilités, et en temps utile nous tirerons les leçons des prises de position des uns et des autres. Pour nous travailleurs, il est clair que nous avons en tout premier lieu la légitimité ; à savoir le droit à une existence digne et libre. Nous avons aussi le nombre et le fait que c’est de notre travail collectif que sont tirées toutes les richesses produites. Nous avons également la solidarité, l’entraide et la volonté d’obtenir satisfaction. Reste à savoir structurer et organiser notre mouvement dans le temps, car les Juppé, Chirac et compagnie vont résister le plus longtemps possible et essayer de l’emporter à l’usure.

Tous unis dans la grève générale autogestionnaire, nous vaincrons !

Bernard, groupe Déjacque (Lyon) ; dessin par Philippe Caron (« Dans trois mois, je vire tous les vieux avec leurs gros salaires et les jeunes sous-payés prendront la relève ! »)


Le groupe Makhno publie une brochure intitulée : « Les Anarchistes et la Sécu ».
Prix : 20 F (port compris).
Chèque à l’ordre du CESS.
Commande : Groupe Makhno c/o CNT-AIT, Bourse du Travail, cours Victor-Hugo, 42000 Saint-Étienne.