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éditorial du nº 1339

Le jeudi 4 décembre 2003.

Monsieur le président de la République l’avait dit. La sécurité est la priorité de son second mandat. Ce qui nous avait peut-être échappé, c’est cette volonté tenace de faire de notre démocratie une république bananière.

Plus vous épluchez cette pôvre banane, plus les libertés publiques volent en éclats. La nouveau projet de loi sur la criminalité organisée, appelée loi Perben, propose toute une série de régressions. La garde à vue passe de 48 à 96 heures : la plus longue de toute l’Europe. La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité est sûrement la plus « belle » de toutes ces attaques à nos libertés. Elle n’est aussi que l’arbre caché de toute une série de mesures faisant de la police une véritable annexe du tribunal. C’est dire que le méchant criminel sera bien aise de se retrouver face à un juge d’instruction tant celui-ci est relégué bien en aval dans la procédure judiciaire : la présomption d’innocence, déjà modifiée, et le droit au procès public et contradictoire sont largement remis en cause.

Ce qui est tout aussi inquiétant dans cette affaire, c’est une fois de plus nos politiciens et leurs œillères centrés sur le court terme, voire l’unique terme : les urnes. Ainsi notre garde des Sceaux en bon élève tente de rattraper les manqués de ces collègues : sur cette loi fourre-tout se greffent des dispositions qui nous rappellent de mauvais moments vécus par notre gouvernement, tels les incendies de forêts, les délits rascistes ou encore les pollutions maritimes.

Mais là où nous touchons le fond, c’est au sujet de l’IVG. Mais qui est donc ce député qui s’acharne sur ce sujet ? Lors de la discussion du projet de loi contre la violence routière, ce député avait déjà tenté de faire adopter un amendement pour créer un délit d’interruption involontaire de grossesse. Le revoilà à la charge et cette fois-ci cela a l’air de fonctionner. L’unique but serait aujourd’hui d’attribuer au fœtus une qualité juridique, en attendant des jours meilleurs où par ce biais il pourra remettre en cause de manière frontale l’IVG. Personne n’est dupe, mais il faut avouer que le travail de sape des lobbies au sein du parlement est d’une efficacité redoutable. Et c’est réellement là où nous pouvons parler d’une république bananière, de démocratie confisquée par des intérêts privés très bien huilés à la mécanique de la délégation du pouvoir. Il est vrai qu’il est facile de faire pression sur des hommes englués dans leurs enjeux politiciens…