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Dimanche 25 mai

Dé-fête des mères

Le jeudi 22 mai 2003.

Quelle fête et pour quelles mères ? Pétain, grand dérouleur de tapis rouge devant l’occupant, officialisa la « fête des mères », dans un esprit tout patriarcal, directement issu des principes de la iiie République. Il s’agissait lors de cette journée de glorifier les vertus de la femme au foyer. Les penseurs nazis relayèrent cette pratique qui atteint son zénith avec le fameux adage des trois K, reléguant les femmes à de très nobles tâches : Kindern, Küche, Kirsche (enfants, cuisine, église). Tout est dit en trois mots. Ceux-ci ayant été largement repris et toujours véhiculés par leurs descendants intégristes et réactionnaires directs, les Le Pen, Mégret et autre Boutin.

Aujourd’hui ce symbole sexiste perdure et est encore fêté (tradition patriarcale, quand tu nous tiens…). Oh ! il ne s’agit pas ici de s’en prendre à l’image d’Épinal qui montre de jolis petits bambins offrant à leur maman un superbe collier de nouilles ou une merveilleuse sculpture en carton pâte, fabriqués à l’école et souvent accompagnés d’un joli poème. Pierre Desproges a mieux que nous exprimé le désarroi de celles qui doivent le recevoir. Non, ce qui nous intéresse plus particulièrement, c’est de découvrir ce qui se cache toujours derrière cette pratique.

Le tout-commerce a repris l’image d’Épinal pour cultiver ses choux gras, parmi tant d’autres prétextes mercantiles. Aujourd’hui, si l’on suit le parcours marketing, l’évolution des images et des mentalités, c’est un robot ménager ou un aspirateur que les bambins doivent acheter à leur mère, pour leur prouver amour et attachement. Et celle-ci se doit naturellement d’accepter ce cadeau avec euphorie pour l’essayer au plus vite.

À quelle vision restrictive et étriquée de la parentalité nous renvoie cette image ? Tout simplement, à une vision de la femme qui privilégie ses enfants et son foyer avant sa propre vie. Qui accepte la maternité comme l’essence suprême de sa présence en ce monde. Tandis que les célibataires par choix ou par impossibilité sont, de fait, culpabilisées et stigmatisées. Ce système entraîne donc l’exclusion d’autres formes possibles de parentalité et impose une vision exclusivement hétérosexuelle du couple.

Plus grave, socialement, le projet gouvernemental visant à supprimer les écoles maternelles se fait l’écho de ces représentations réactionnaires qui voueraient éternellement la femme à rester au foyer pour s’occuper de la progéniture. Pour ces intégristes, il est évident que les femmes sont amenées à stopper le travail puisque leur salaire est, en général, inférieur à celui du « maître de maison ». En 2003, à travail égal, les femmes gagnent toujours 25 % de moins que les hommes. Une bonne raison pour les femmes de rester au foyer, sans indépendance et souvent sans droits, afin de satisfaire le « partage naturel et biologique » des tâches et le fameux « gène du ménage à tendance féminine ». De plus, le gouvernement actuel pense à tout puisqu’il incite, sous couvert de politique familiale, les femmes à la natalité en leur attribuant une prime de 800 euros par enfant, ainsi que l’élargissement de l’APJE et de l’APE au premier enfant. Un salaire maternel au rabais qui confine les femmes au foyer durant 3 ans et qui permet de « libérer des emplois », sans parler de leur non-droit à la retraite.

Piège infernal, puisque l’on voit réapparaître sous des formes pernicieuses la remise en cause du droit à l’avortement libre et gratuit (amendement de la sécurité routière et reconnaissance de l’embryon comme « personne à part entière », voir le ML du 24 avril 2003).

Dénonçons la perpétuation de cette fête pétainiste, ainsi que l’oppression dont sont victimes les femmes. Refusons que celles-ci soient humiliées, vidées de leur individualité et opprimées. Oui à la réappropriation de leur corps par les femmes. Oui au libre choix de leurs modes de vie en dehors du schéma patriarcal et carcéral imposé. Nous donnons rendez-vous aux personnes convaincues, le dimanche 25 mai, place du Châtelet à Paris à 14 heures.

Laëtitia et Patrick Schindler, groupe-claaaaaash@federation-anarchiste.org