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Marseille

Répression contre les antifascistes

Le jeudi 20 mars 1997.

Région frontalière de l’Italie et bordée par la Méditerranée, Provence-Alpes-Côte-d’Azur (PACA) a accueilli bon nombre de migrations. Aujourd’hui une partie des enfants des populations arrivées avant les années soixante souffrent de leurs conditions économiques et sociales et ne se reconnaissent pas dans les nouvelles problématiques des dernières émigrations. PACA offre ainsi au Front national une terre d’expérimentation : les quatre mairies conquises par le parti de la haine s’y trouvent. Bien sûr tous les habitants de cette région n’adhèrent pas aux idées et aux thèses en vogue. Cependant, depuis belle lurette, on a rentré les balais et les seaux de colle, préférant les pastissades à la " militance ".

Une embuscade

Il subsiste bien sûr des foyers de résistance mais ils sont bien minoritaires. Alors ce que Marseille et sa banlieue comptent d’humanistes s’était donné rendez-vous ce mardi 11 mars pour manifester et protester contre la tenue d’un meeting de J.-M. Le Pen, Bruno et Catherine Mégret à Marseille. Entre cinq et sept mille personnes ont pris gentiment la direction de la salle Vallier où se tenait ce meeting. Parmi elles une majorité de jeunes mais aussi des familles et des personnes âgées. Quelques slogans fusent ça et là sans grande violence. Au terme du parcours, le cortège se retrouve pris comme dans une souricière, un guet-apens : nous ne pouvons plus progresser et le volume sonore de la manifestation monte. Il a suffit d’un face à face d’une dizaine de minutes pour que les CRS déclenchent une riposte d’une violence inouïe : lacrymogènes et violence contre une foule désarmée et pacifiste. Certains arrivent à se frayer un chemin et à se sauver. Des riverains solidaires ouvrent les portes des immeubles pour faciliter leur fuite. Mais les plus outrés par l’attitude policière font face à la compagnie 54, réputée pour avoir dans ses rangs beaucoup de sympathisants du FN.

Il va de soi que la lutte est à armes inégales : les manifestants lancent quelques projectiles trouvés dans les poubelles (bouteilles en plastique, boîtes de conserve vides). Les représentants de l’ordre y voient l’agression du siècle, l’humiliation suprême et arrêtent douze manifestants pour les juger en comparution immédiate le lendemain après-midi. Ce mercredi 12 mars à 21 h 30, tous ressortaient libres du Palais d’injustice de Marseille à la grande joie des 150 personnes qui étaient venues manifester leur soutien. Trois d’entre eux ont souhaité être jugés immédiatement et ont écopé de trois mois de prison avec sursis et 1 500 F d’amende pour deux d’entre eux ; 3 000 F pour le troisième (pour un jet de bouteille). Le jeudi 13 mars à l’heure du laitier notre compagnon Richard Martin, directeur du théâtre Toursky est interpellé pour coups et blessures sur agent de l’ordre ayant entraîné une incapacité de travail de huit jours. Les amateurs du tube cathodique ont pu voir au journal de vingt heures les images de l’acte incriminé. Un policier en civil frappait un jeune homme à terre, Richard Martin l’a ceinturé pour l’empêcher de continuer. Ce policier, bénéficiant du monopole de la violence légitime de l’État qu’il représente, en civil comme en uniforme, ne sera jamais jugé. Le 14 mars à 13 heures, Richard Martin sort libre du Palais d’injustice de Marseille devant 150 personnes venues le soutenir. Pour lui comme pour les neuf jeunes, un complément d’information est demandé, et le jugement aura lieu en mai. Le vendredi 14 mars à 18 h 30, le collectif d’associations qui avait appelé à la manifestation sanglante du 11 mars invite à nouveau à une protestation devant la préfecture de Marseille pour demander au préfet d’arrêter les poursuites. Nous sommes 5000 à venir crier à l’injustice. Mais est-ce suffisant devant la toute puissance de l’État et de sa police et devant l’autoritarisme grandissant de notre société. Cette situation dramatique nous contraint à nous battre pour le minimum, pour garder notre dignité d’être humains.

Nous organisons une rencontre avec nos sympathisants le 17 mars au théâtre Toursky. La lutte continue…

Groupe de Marseille