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Interview de Tom, militant de la Fédération anarchiste polonaise

Le jeudi 13 mai 2004.

Le Monde libertaire : Comment est née cette initiative et comment s’est-elle organisée ?

Tom : Nous avons pensé à ce contre-forum il y a deux mois. L’idée est née de façon spontanée. C’est la première fois qu’un tel forum se tenait en Pologne. Nous avons donc envoyé des lettres, des courriels, des journaux, des affiches dans toute la Pologne. Nous avons fait le tour des villes et créé un site Internet sur lequel nous proposions deux films sur les contre-forums.

ML : Il faut souligner qu’il s’agit d’une initiative anarchiste.

Tom : Oui, c’est notre initiative, et nous avons eu un débat sur l’opportunité ou pas d’ouvrir la contestation au mouvement social. Ce fut accepté, et nous avons lancé les invitations. La gauche minoritaire, Attac et trois petits partis politiques d’opposition, dont les Verts et la Nouvelle Gauche, ont répondu présents. Les syndicats (Solidarnosc, les paysans individuels et quelques petits syndicats) ont apporté leur soutien moral mais n’ont pas mobilisé pour l’événement. Tout le travail a été fait par les anarchistes.

ML : Quelle est la réalité du mouvement anarchiste ?

Tom : Le mouvement anarchiste n’est pas très fort. Avant 1989, existait un groupe Peace and Freedom qui était surtout antimilitariste. Puis ce mouvement est devenu une organisation intervilles, puis la Fédération anarchiste polonaise. Le mouvement s’est surtout développé dans les grandes villes autour des squats et du mouvement punk. Le mouvement anarchiste est jeune. Aujourd’hui, il commence à se diriger vers les syndicats, ce qui est très bien.

ML : Comment votre initiative a-t-elle été perçue par la population ?

Tom : Les gens étaient très apeurés. Les médias et les politiques avaient institué un climat de psychose. Toute la ville était fermée, barricadée, les magasins surprotégés. C’était la plus grosse mobilisation policière depuis 1989. Malgré tout, nous avons eu un bon impact dans les médias et auprès de la population. Des gens nous ont rejoints en cours de manifestation, applaudissaient, souriaient. Les commerçants commencent à se plaindre : pourquoi leur avoir dit de fermer trois jours ? pourquoi ces frais de sécurisation ? Les habitant se demandent à quoi sert ce Forum économique européen qui coûte des millions et qui n’intéresse que les patrons de l’Ouest. Nous avions tout de même peur que la police n’attaque. Nous sommes allés rencontrés les commissariats, les politiciens, pour leur expliquer que si la police ne se tenait pas trop près, il n’y aurait pas de problème. Nous avions peur des risques autour du point info car nous avons subi de nombreuses pressions et répression avant le contre-forum (menaces, contrôles musclés). Le stand de Food Not Bomb a subi les pressions de la police qui est venue armée pour contrôler leur stand. Le groupe de l’Anarchist Black Cross (ABC_) a subi des vives pressions avec notamment une descente après 22 heures chez une copine qui s’est fait fouiller par les flics (deux choses illégales en Pologne). Il y a des photos, des papiers. Nous comptons porter plainte et si nous gagnions, nous donnerons l’argent à l’ABC.

ML : Comment gérez-vous financièrement ?

Tom : Le mouvement anarchiste n’est pas très riche. Nous avons donné beaucoup d’affiches à diffuser. Des gens de Londres, Berlin, etc. nous ont envoyé de l’argent. Normalement, ça devrait être bon. L’ensemble du contre-forum, affiches, etc. nous a coûté à peu près 5 000 euros.

ML : Qui intervient au contre-forum ?

Tom : Les personnes qui interviennent sont pour la plupart des anarchistes mais il y aussi des gens investis sur la Palestine, l’Irak, des économistes alternatifs, etc. Nous avons eu du mal à l’organiser car la ville faisait pression pour que nous n’ayons pas de salle. Nous avons obtenu ce lieu deux jours avant le début du contre-forum. On a menacé de faire les forums sur les axes principaux de Varsovie. Ils ont eu peur de nous, ce qui nous a aidé à négocier. Nous avons aussi fait des happenings pour dire que nous ne voulions pas tout casser mais simplement discuter avec les intervenants du Forum économique. Nous leur avons proposé un débat en direct à la télé. Ils ont accepté, puis nous leur avons dit que nous voulions bien discuter avec eux à condition qu’ils ouvrent les frontières, libèrent les gens arrêtés et retirent leurs troupes d’Irak. Ils sont partis.

ML : Que retenez-vous de cette manifestation ?

Tom : C’est la plus grosse manifestation depuis 1989 (à peu près 5 000 personnes) dans un pays où il n’y a pas de tradition de manifs. Contre la guerre en Irak, nous ne rassemblions au maximum que 1 500 personnes.