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éditorial du nº 1360

Le jeudi 20 mai 2004.

Si le spectacle vivant se meurt, nul doute, par contre, que la société du spectacle se porte à merveille.

Les intermittents s’invitent à Cannes et le beau monde médiatique attend un bel esclandre. Les plus officiels négocient leurs interventions, tandis que d’autres usent d’un mode plus approprié : l’action directe. Et ce sont alors les forces de l’ordre qui proposent leur scénario : « belles bastons » digne d’un Tarantino pour expulser de dangereux extrémistes d’un théâtre et plus tard devant le commissariat cannois. Préfet et sous-préfet bataillent alors par caméras interposées pour expliquer le comportement de leurs troupes. Les répliques semblent bien mal huilées. Espérons que le ministère remette de la sérénité dans tout ça… quelques dialogues à la Audiard pourraient faire l’affaire. Il aura fallu quand même un journaliste à l’hôpital pour que la cacophonie médiatico-policière s’enflamme… Quant à Michael Moore et José Bové, ils jouent aux starlettes de la convergence autoproclamée des luttes, tandis que les employés du Carlton se contentent des seconds rôles.

De quoi parle-t-on finalement ? De se défendre face à un patronat toujours aussi avide à casser les acquis sociaux. De ce point de vue, depuis presque un an, la lutte des intermittents est exemplaire par sa durée et sa détermination. C’est qu’il s’agit avant tout de la survie de milliers de personnes et non d’une profession fort hétéroclite. Car, sur le débat de la place de la culture dans notre société, la modestie s’impose. Michèle Rollin met en exergue dans son article les enjeux financiers qui dominent cette industrie et nous laisse penser que le débat sur la culture devrait plutôt s’élargir — comme bien souvent — à savoir quelle est notre place au sein de la société libérale…

Spectacle toujours : une nouvelle polémique a pris toute son ampleur lors de la manifestation de dimanche dernier contre l’antisémitisme. Doit-on englober cette lutte dans celle contre tous les racismes ? Les manifestants semblent avoir résolu la question un peu rapidement tant le nombre de drapeaux tricolores était imposant. Aujourd’hui pour seule réponse nous est proposé le nationalisme républicain, jusqu’à ce que demain il soit réduit au seul nationalisme de la bête immonde. À trop avoir joué avec le tout-sécuritaire à grands renforts médiatiques, en cristallisant, là, les maux de la société française, voici dans cette polémique un retour de boomerang intéressant. Mais quitte à se répéter, qui souffle sur les braises du racisme ? Ne serait-ce pas avant tout un État et des politiciens aux abois tentant de sauvegarder leur place, remise en cause chaque jour par un capitalisme leur laissant de moins en moins de marge de manœuvre ?