Accueil > Archives > 1997 (nº 1065 à 1104) > 1085 (22-28 mai 1997) > [Élections ?… c’est du bidon]

Élections ?… c’est du bidon

nous n’aurons que ce que nous prendrons
Le jeudi 22 mai 1997.

La décision de dissoudre l’Assemblée nationale aura bien moins surpris les organisations politiques que ce qu’elles ont pu en laisser paraître.

La rumeur se faisait persistante dans les antichambres et Chirac savait qu’au-delà des impératifs européens sa décision arrangerait les affaires des grands chefs de clans.

C’est qu’à droite comme à gauche les ambitions à courir pour son propre compte se multipliaient dangereusement.

À droite, les Pasqua, Bayrou, Madelin et autres forts en gueule, structuraient leurs réseaux et se préparaient à créer de nouvelles organisations.

Idem à gauche, où la myriade de petits partis centristes, écolos, gauchistes et dissidents du PC multipliaient les exigences et les menaces de ruptures.

Attendre une année de plus n’aurait pas manquer de mettre de plus en plus en relief les divergences des uns et des autres, ce qui aurait affaibli sensiblement le crédit, déjà battu en brèche, des RPR, UDF, PS, et PC.

En quelque sorte, le contestation politicienne a été contenue par l’urgence des nécessaires alliances électorales, mais elle est loin d’avoir été écrasée.

Le FN a aussi trouvé son compte dans cette dissolution car au-delà des effets de manche de son gourou, son véritable objectif est de faire une entrée significative dans les Conseils régionaux en 1998. Il s’agit pour le FN de mettre à profit cette élection pour peaufiner l’image de marque de ses futurs candidats aux régionales. Il y aura là un véritable enjeu de pouvoir que le FN a bien l’intention d’utiliser, sauf si les coquins du prochain gouvernement décident de changer les règles du jeu, d’une manière ou d’une autre.

Pour le moment, les sondages, contradictoires à souhait, n’arrivent pas à tenir en haleine une opinion publique bien plus préoccupée à savoir si le soleil brillera le dimanche 25 mai que par l’intérêt que l’on peut encore trouver à passer au bureau de vote.

Il n’y a que les dirigeants des partis politiques qui puissent y trouver leur compte puisque du nombre de voix recueillies par leurs listes dépendra une partie non négligeable de leurs ressources financières. Tous vont à la gamelle, d’où pléthore de candidats.

Les élections renforcent le vide institutionnel !

Chaque nouvel appel aux urnes détruit un peu plus ce système politique construit autour de la démocratie parlementaire. Rappelons que la fonction traditionnelle des élections est de donner une légitimité populaire à ceux qui sont chargés de définir les grandes orientations de la société.

Or aujourd’hui, chacun sait que les décisions sont prises ailleurs qu’au parlement ou au gouvernement et que ceux-ci ne font qu’appliquer et mettre en œuvre des stratégies économiques et politiques décidées dans le secret des conseils d’administrations des transnationales. Plus personne ne se fait d’illusions et cela a des répercutions dans les rapports que chacun entretien avec les institutions républicaines.

Il est peu probable que nos élites dirigeantes puissent assurer longtemps la pérennité dans les rapports que chacun entretien avec les institutions républicaines.

Mais dans la société française, les mécanismes de régulation des tensions des rapports sociaux de production, sont construits sur d’autres bases, avec un autre imaginaire, une [autre] histoire qu’en Amérique.

La lutte de classes reste très présente dans les processus politiques de notre société. Il faudra peu de temps pour que le mécontement diffus mais constant, que les coups de colère, éphémères mais souvent radicaux, s’expriment à nouveau par un mouvement d’ensemble, une révolte sociale dont novembre-décembre 1995 n’aura été qu’une répétition.

Savoir où se situe le seuil de rupture pour les populations est une des grandes inconnues de la donne politique actuelle et elle sous-tend toutes les stratégies politiques.

Juppé affirme qu’il suffirait, pour contrôler les processus sociaux en cours, de relancer sa politique de réformes après avoir obtenu une nouvelle majorité au parlement, ce qui lui laisserait le champ libre pendant cinq ans. Il croit tellement peu à son discours légaliste et démocratique qu’il impulse un renforcement permanent des pouvoirs policiers et militaires.

Les mauvais coups du pouvoir auront lieu cet été, mais il paraît difficile d’imaginer une rentrée sans un durcissement des tensions sociales.

Quand à Jospin, ce n’est pas un hasard qu’il rappelle à ses alliés électoraux que ce sera celui qui aura obtenu le plus d’élus qui dictera sa conduite aux autres.

L’avertissement est clair, en cas de victoire, le PS n’entend pas se laisser déborder sur sa gauche. En cas de défaite non plus. Et nous avons suffisamment de recul historique pour savoir que la gauche a toujours choisi le sabotage des luttes sociales pour préserver et faire valoir son droit à être une « force de gouvernement ».

Une extrême gauche à la rue !

Le parti de Laguiller baigne dans un flou artistique après avoir montré son incapacité à capitaliser et à transformer le vote d’estime des présidentielles en terme de dynamique.

Les Krivine, Fiterman, voir certains militants Verts fondent tous leurs espoirs sur la toujours toute nouvelle stratégie de débordement de la gauche, aussi vieille que le marxisme-léninisme. Du moins, ils font comme si.

En fait, ils ont du mal à masquer leur aspiration à prendre la place occupée jadis par le PC, ce qui les conduits à édulcorer leur verbiage « révolutionnaire ».

Avec des variantes tactiques, ils se sont essayé à signer des alliances qui avec le PS, qui avec le PC, en espérant se donner du poids et de l’élan pour jouer des contradictions post-électorales dans lesquelles se trouvera piégée la gauche institutionnelle. Leur rêve d’une « vraie gauche » 100 % garantie se réduit à la chimère de la constitution d’un gouvernement type « unité populaire » où leur présence garantirait le contenu révolutionnaire du programme politique de la gauche. C’est prendre les socialistes et les communistes pour des benêts et des inconscients.

Et puis, à voir les revendications de cette gauche extrême (32 heures, hausse des salaires, impôts sur les revenus du capital) cela donne plus l’impression d’un cahier de revendications syndicales que la définition d’un programme révolutionnaire.

Ils leur arrive néanmoins d’évoquer avec nostalgie un nouveau juin 36, sauf que nous ne sommes pas dans cette dynamique là. En juin 1936, les travailleurs, encadrés par leurs syndicats, avaient voté à gauche, pour voir satisfaire des revendications bien précises (les 40 heures, les congés payés, etc.) et faute de voir venir quelque chose, l’occupation des usines s’était imposée, jusqu’à satisfaction.

La progessivité de leur mise en place, le profit des capitalistes se réalisant encore en partie dans les colonies et l’arrivée de la guerre rendront supportables et acceptables ces mesures.

Vers la grève générale !

En juin 1997, la situation est tout autre, personne n’a placé d’espoir dans la gauche. Les syndicats sont affaiblis et contestés. Les problèmes auxquels nous sommes confrontés sont le chômage et la précarité, la baisse des coûts de production et la protection sociale.

Les solutions à ces problèmes ne peuvent pas être partielles. Elles impliquent une remise en cause profonde des logiques économiques en cours. C’est un problème sociétaire qui demande des solutions globales, à caractères révolutionnaires.

Nombre de salariés, de chômeurs, de sans-droits, en sont conscients et le résument dans des expressions certes à l’emporte-pièce, mais néanmoins pleines de signification, du genre « faut tout faire péter ».

Décidément, il y a urgence à impulser des dynamiques sociales autogestionnaires s’orientant vers la grève générale expropriatrice et gestionnaire.

Bernard — groupe Déjacque (Lyon)