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Chronique de l’immigration

Être Algérien en France…

Le jeudi 29 mai 1997.

Les Algériens sont exclus de la régularisation des conjoints de Français et des parents d’enfants français qui va avoir lieu. En effet, l’article 12 bis de la loi Debré ne leur est pas applicable car le séjour des Algériens est régi par l’Accord franco-algérien de 1968. Ils ne sont donc pas soumis, comme les étrangers des autres nationalités, à l’ordonnance de 1945. En conséquence, l’article 12 bis, qui modifie l’ordonnance, ne les concerne en aucune façon. Les Algériens vont donc continuer à être dépourvus de titre de séjour. La logique administrative, décidément, est impitoyable !

Les dispositions contenues par l’Accord franco-algérien de 1968 ont longtemps favorisé les Algériens par rapport aux autres étrangers. Cependant, en 1985, un avenant apporté à l’Accord de 1968 a replacé les Algériens dans une situation à peu près équivalente au régime général. Ils devenaient soumis au regroupement familial et leurs certificats de résidence s’obtenaient désormais sur les mêmes critères que la carte de plein droit de l’article 15.

En avril 1994, une nouvelle modification de l’Accord franco-algérien a durci considérablement la législation. Les Algériens se sont alors retrouvés dans une situation qui était bien pire que celle des autres étrangers qui sont soumis à l’ordonnance de 1945. En effet, il a été introduit l’obligation d’un visa de séjour pour tous les ressortissants algériens qui souhaitent séjourner plus de trois mois sur le territoire français. Quand on sait que le refus de visa n’a pas besoin d’être motivé et que c’est la seule décision administrative qui ne peut faire l’objet d’un recours devant les tribunaux, on demeure ahuri par l’ampleur du pouvoir discrétionnaire qui a été accordé à l’administration lorsqu’il s’agit des algériens.

En refusant un visa de long séjour, l’administration française empêche des Français mariés à des Algériens, de faire venir leur conjoint. En refusant un visa de long séjour, l’Administration française empêche des Français dont les parents sont Algériens, de faire venir leurs père et mère. En refusant un visa de long séjour, l’administration française empêche des Français de faire venir leur enfant mineur si celui-ci est Algérien. En refusant le visa de long séjour, l’administration française empêche des enfants de nationalité française de vivre avec leurs parents lorsque ceux-ci sont Algériens. Voilà les violations des libertés individuelles qui se commettent actuellement. Ce ne sont pas des cas isolés qui résultent de l’absurdité de certaines situations administratives. C’est une atteinte aux droits des Français qui a été rendu possible grâce à des accords scélérats.

Le protocole confidentiel, qui a été adopté en matière de délivrance de laissez-passer consulaires, ajoute encore à la honte. Il est destiné à renforcer la collaboration entre la police française et les autorités algériennes afin de faciliter la reconduite à la frontière des Algériens qui se trouvent en France. « Les autorités algériennes se sont engagées à coopérer plus étroitement avec les préfectures chargées de l’exécution des mesures d’éloignement à l’encontre des ressortissants algériens. Des dispositions ont été convenues pour permettre d’améliorer de manière significative la délivrance des laissez-passer par les consulats algériens dans les délais compatibles avec la rétention administrative. En cas de doute persistant sur la nationalité de l’intéressé, les autorités algériennes se sont engagées à procéder à l’audition de l’intéressé dans les locaux de garde à vue, dans les établissements pénitentiaires ou dans les centres de rétention. Cette audition est organisée par les soins de la préfecture en accord avec l’autorité consulaire concernée. En contrepartie de ce dispositif d’identification des présumés nationaux dans les délais utiles de la rétention administrative, la France s’est engagée à reprendre immédiatement et sans formalité les personnes dont il apparaîtrait postérieurement à leur éloignement qu’elles ne sont pas algériennes ». Autrement dit, on renvoie les personnes d’abord et on les identifie ensuite ! Cela donne bien la mesure du caractère expéditif de la reconduite à la frontière des Algériens puisqu’il est déjà prévu dans le texte de l’accord qu’il y aura fatalement une proportion inévitable d’erreurs.

Connaissant les liens très étroits qui unissent les Algériens aux Français du fait du mariage ou de la filiation, on ne peut qu’être effrayé par les dégâts provoqués par de telles pratiques sur le plan de la vie familiale et privée. Par l’utilisation de la reconduite à la frontière et par le moyen du visa de long séjour, c’est en permanence que l’administration française viole les dispositions de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Aujourd’hui, les services consulaires algériens sont devenus de véritables succursales de la préfecture. Ils refusent de délivrer un passeport à leurs ressortissants s’ils ne possèdent pas de titre de séjour, ils refusent de leur fournir les documents nécessaires à prouver leur identité lorsqu’ils veulent se marier ou reconnaître leurs enfants. Enfin, ils renvoient les Algériens en situation irrégulière, venus naïvement les consulter, vers la préfecture de police, où ils se font arrêter.

Les Algériens sont déjà exclus du droit d’asile à cause de l’interprétation restrictive que fait la France de la Convention de Genève. Depuis 1994, l’Accord franco-algérien permet également de les refouler du territoire alors même qu’ils ont des attaches familiales en France. À un moment où les Algériens se trouvent en danger dans leur propre pays, ces dispositions sont criminelles et contraires au droit international.

Claude