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Jetons bas les guignols du pouvoir

Le jeudi 5 juin 2003.

Après Luc Ferry et son livre Qu’est-ce qu’une vie réussie ?, Raffarin dans Qu’est-ce qu’un foutage de gueule réussi ?



La manifestation nationale de ce dimanche 25 mai a été un franc succès, même si certains ont été déçus que le million n’ait pas été atteint. Au point parfois de se persuader que ce nombre a été dépassé, mais que les appareils syndicaux ont eux-mêmes minimisé les chiffres pour ne pas en être redevables devant les travailleurs et justifier leur attitude attentiste qui apparaît aux yeux de beaucoup comme une mollesse coupable. C’est dire si certains veulent en découdre ! Remarquons au passage que sans la présence massive des personnels de l’Éducation nationale, cette réussite aurait été moindre.

La journée de mobilisation du 27 mai a montré aussi que celle-ci ne faiblissait pas, loin s’en faut, et qu’elle dépassait largement le secteur de l’Éducation et de la fonction publique. Les manifs monstres de Marseille (entre autres), où chaque temps fort l’est de plus en plus, ont laissé entendre que le privé lui aussi entre dans la danse et que la question des retraites n’est pas le seul sujet de mécontentement. Rendez-vous donc au 3 juin pour voir si cette colère va se concrétiser par la grève.

En attendant, revenons un peu sur cette journée du 27 mai. En ce qui concerne l’enseignement, qui est le secteur le plus en pointe contre la casse des retraites mais aussi contre la décentralisation à la sauce Raffarin et les coupes budgétaires, les syndicats avaient appelé à une nouvelle journée d’action pour répondre au grand comité interministériel sur l’Éducation. Avant de poursuivre, rappelons aux directions syndicales que des grèves reconductibles il y en a partout et tous les jours, et qu’elles commettent les erreurs de 95, avec ces « temps forts ». Si on fait le compte de toutes ces journées, il aurait été plus simple de les faire à la suite, en grève reconductible nationale et non dispersée, et l’on n’en serait peut-être plus là aujourd’hui…

Pas moins de vingt ministres et sous-ministres à ce grand séminaire gouvernemental, sous la houlette pateline de Raffarin, qui « reprend en main le dossier », manière de faire croire à l’opinion que c’est la faute de la méthode Ferry si ça se passe mal à l’Éducation. Tout en lui renouvelant sa confiance et patati… Comme si ce n’était qu’un problème de personne ou de communication, une affaire de forme et non de fond ! Vouloir réduire ce vaste mouvement à une simple manifestation du malaise enseignant, c’est vraiment nous prendre pour des billes ! Alors on passe la brosse à reluire, on enfile les poncifs et les phrases creuses et compatissantes sur ces pauvres enseignants pas assez reconnus par la République, ça c’est pour la carotte. Le bâton n’est pas loin non plus : pas touche aux examens sinon gare (réquisitions, force publique…) ! C’est oublier un peu vite qu’il n’y a pas que les enseignants dans la lutte ! Et que ces derniers ne se battent pas que pour eux, mais avec et pour les conseillers d’orientations, les personnels d’entretien, etc. La solidarité n’est pas un vain mot. C’est aussi vouloir nous faire croire que les enseignants ne seraient pas des travailleurs comme les autres, sans doute au-dessus ? Désolé, M. Raffarin, ce sont des salarié(e)s, qui défendent leurs droits et leurs acquis comme les autres, que ça vous plaise ou non ! Et la casse de leurs retraites, ça les touche aussi et on ne voit pas pourquoi ils devraient laisser faire…

Du coup, on a pu constater combien certains ont du temps à perdre, parce qu’au soir du 27 mai, qu’en est-il ressorti ? Rien de nouveau ! Le gouvernement a-t-il lâché quelque chose ? Que dalle ! Sur les retraites, tout ce qui a été annoncé était déjà connu, que ce soit le rachat des années d’étude ou la fumeuse seconde carrière ! À 15 000 euros pour racheter une année d’étude pour un enseignant en fin de carrière, et il a « le droit » d’en racheter trois, soit la bagatelle de 45 000 euros (300 000 F), c’est une affaire dont tout le monde va profiter ! Quant à la seconde carrière dans la fonction publique, on est prié de leur faire confiance et d’attendre gentiment que les emplois-vieux se mettent en place ! Sur la décentralisation, ils restent droits dans leurs bottes, et ce report d’une année ça s’appelle reculer pour mieux sauter. Confirmation avec le renvoi au mois de septembre de l’examen du projet Ferry sur les universités. Comme ça commence à bouger dans le Supérieur et pour éviter une jonction avec le mouvement qui ne saurait tarder, on préfère attendre des jours meilleurs car ça faisait peut-être beaucoup à la fois, mais les intentions demeurent, c’est juste un faux recul tactique.

Toutes ces réponses dilatoires montrent bien l’impudence sans limite de ce gouvernement, son arrogance. Où est le dialogue dont il se targue, quand il n’a que le mot non à la bouche pour répondre aux demandes des grévistes ? Tous les moyens lui sont bons pour faire passer, en douceur (par la propagande et la désinformation des médias aux ordres) et surtout en force toutes « ses réformes ». Il est clair que Raffarin a endossé les habits de Mme Thatcher. À nous de lui rabattre son caquet, par une grande claque dans la gueule qui s’appelle grève générale, et de lui faire ainsi comprendre que l’habit ne fait pas le moine !

Éric Gava