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Le CPE est mort… Ouf ! La Frrraance continue

Le jeudi 20 avril 2006.

Le CPE est mort, les volailles sont déconfinées, Sarkozy et Royal sont toujours en tête dans les sondages… Ouf ! La France continue.

Ils avaient la mine réjouie des bons jours, nos journalistes, ce lundi 10 avril, pour annoncer enfin que c’en était fini de la « crise ». Je les écoutais tous ces professionnels de la parlote. Et je te cause de « la » jeunesse et de ces « deux mois qui ont changé la France ». Et je t’invite tous les habitués des plateaux télé. À gauche, on crie à la victoire historique, les économistes de service saluent l’éviction du CPE, soulignent une « mauvaise communication » mais persistent et signent : la flexibilité est nécessaire (« Ordures ! »).

Débats passionnés, invectives, on se croirait en pleine campagne électorale alors que le sujet est un mouvement social… À moins que pour eux ce ne soit le contraire ! Je les écoutais ces politiciens, responsables syndicaux, économistes, philosophes, patrons qui se chamaillaient.

Et plus ils se chamaillaient, plus je me rendais compte qu’au-dessus de leurs egos, de leurs convictions, de leurs petites haines, ils s’appréciaient et se comprenaient.

Ils partageaient le même désir du pouvoir, la même certitude d’être dans le camp des leaders, des décideurs, des meneurs. La même aisance, la même maîtrise de soi, la même pédagogie (démagogie) pour s’adresser à ceux qui n’ont jamais la parole.

Car, faut-il le rappeler, il n’y a jamais d’ouvriers dans les débats télévisés, ni dans aucun média. Le CPE et le CNE, comme l’ensemble de la loi sur l’égalité des chances, touchent en premier lieu les prolos et leurs enfants qui peuplent les lycées professionnels et sont les futurs clients des ANPE avant de rejoindre cette « classe fantôme » de 15 millions de salariés d’exécution : les ouvriers et les employés. Mais eux, les prolos, sont privés de parole. On donne volontiers la parole à un syndicaliste étudiant mais pas à un lycéen du technique, futur ouvrier. La parole aussi aux dirigeants syndicaux mais pas aux syndicalistes de la base, ceux qui ont la rage.

À ce moment-là, je les ressentais précisément comme ils aiment d’ailleurs à se définir : des partenaires sociaux. Et ils sont bien là pour nous faire adhérer au discours « responsable », ce discours qui nie la réalité de la société de classe. Il veulent nous faire gober ce baratin citoyenniste et économiste : nous sommes une grande équipe (la France) et pour relever le défi de la mondialisation il faut flexibiliser. Selon que l’on soit patron, syndicaliste de gestion, de gauche ou de droite, on flexibilise de toute façon : un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, avec ou sans contreparties. Mais attention il faudra dorénavant mieux communiquer à ce pays arc-bouté sur « ses mythes » et « ses réflexes conservateurs ». Il faut dire qu’il y avait 3 millions de malentendants dans la rue !

Novembre-décembre 1995, le mouvement des chômeurs, la lutte des sans-papiers ; l’été 2000 et ses entreprises occupées avec menaces de tout faire sauter ; 2003, les émeutes de banlieue et, depuis deux mois, ce mouvement… La question sociale est bel et bien là ! Et avec elle un gros mot chargé de passéisme, d’archaïsme… la lutte des classes.

Laurent groupe libertaire d’Ivry