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Auchan : accusée à tort, elle est licenciée !

Le jeudi 5 mars 1998.

Le 4 janvier 1996, un panneau est découvert par la direction d’Auchan-Le Havre, dans le hall de la galerie marchande, rédigé en ces termes : « Monsieur le directeur d’Auchan, respectez déjà les articles du code du travail et de la sécurité (ex. : amiante dans le magasin). Un électricien de Forlumen décédé cet été ; un silo de 35 tonnes de ciment enfonçant le côté du magasin ; non-respect du sommeil des habitants aux alentours (travaux de nuit) ; aucun balisage ni sécurité assurés sur le parking avec vos travaux. Pour le code du travail, vous êtes déjà dans le rouge. Respectez votre personnel même s’ils sont CGT. Les horaires sont bafoués ! »…

Le cauchemar va commencer pour Ghislaine L., car soupçonnée d’être l’auteur de ce panneau, elle est convoquée pour interrogatoire par la direction, au terme duquel elle est mise à pied car elle refuse bien entendu de signer de pseudo-aveux déjà rédigés par avance ! En état de choc, un arrêt de travail lui est nécessaire pour encaisser le traumatisme. Mais la direction ne lâche pas prise et le 13 mars 1997, elle est convoquée pour un entretien relatif à une décision de licenciement envisagée (sic !). Outre deux avertissements au mois de janvier, c’est évidemment la pose du panneau qui lui était reprochée, la certitude de sa culpabilité leur étant confirmée par deux experts graphologues ! Histoire d’enfoncer le clou, et pour assurer ses arrières, la direction trouva même quatre « collègues » acceptant de confirmer par écrit, en vue d’une production en justice qui, elle s’en doutait, n’allait pas tarder à venir, que Ghislaine dénigrait l’entreprise… Bien que proclamant son innocence, le 10 avril 1996, elle reçoit sa lettre de licenciement.

Coup de théâtre !

Comme on s’en doutait, le véritable auteur du panneau est retrouvé, et il accepte de bon cœur de déposer en faveur de Ghislaine aux Prud’hommes, en mai et juin 1997 (c’est fou comme la justice est lente quand il s’agit de réparer les torts faits aux salariés…). Bernard Q., « l’écrivain public », était un riverain gêné par le bruit des travaux d’agrandissement d’Auchan, et il en avait profité pour dénoncer aussi le non-respect des clients et du personnel. Bien entendu, la direction d’Auchan essaiera de jeter la suspicion sur ce témoignage, mais curieusement elle ne pourra expliquer pourquoi on ne retrouve aucune trace de la vidéo-surveillance de l’entrée de la galerie ce fameux jour du panneau… Quant à l’expert (un vrai) présenté par Ghislaine, il trouvera scandaleuse la conclusion de « l’expertise » d’Auchan. Le résultat des courses : le 30 décembre 1997, la demande d’indemnisation de Ghislaine est acceptée par les Prud’hommes, et l’exécution provisoire du jugement est ordonnée, Auchan est condamné à payer 300 000 FF à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et 5 925 FF d’indemnités diverses. Par contre, Ghislaine est déboutée de sa demande de réintégration… Ce qui montre par là-même les limites de ce type d’action contre le patronat, mais ces choses étant dites, d’autres dossiers Auchan de cette nature sont en cours de jugement ou vont passer en appel, et notre solidarité de travailleurs libertaires ne doit pas manquer de se manifester ! La guerre d’usure menée par la direction d’Auchan n’a pas eu raison de la combativité de certains licenciés, et cette décision des Prud’hommes doit être vécue comme un encouragement pour tous ceux qui osent encore lever la tête, bien décidés à faire payer Auchan, et cher !

Eric Gava
groupe de Rouen


(Article rédigé grâce aux informations transmises par le groupe libertaire Jules Durand du Havre.)

Pour contacter l’association de défense des licenciés d’Auchan : APLH, 2 rue du Bourbonnais, 76290 Montivilliers.