Accueil > Archives > 1998 (nº 1105 à 1145) > 1113 (5-11 mars 1998) > [« Mère et fils »]

Cinéma

« Mère et fils »

Alexandr Sokourov
Le jeudi 5 mars 1998.

Un travail exceptionnel sur la couleur (des filtres peints et colorés créent des sensations, un sentiment d’étrangeté) donne l’impression de voir le monde à travers un filtre. Le monde est ainsi mis à distance. Nous sommes immergés. Non pas dans des vagues meurtrières, des hélices qui tournent au-dessus de nos pauvres têtes pour mieux nous écraser, le film de Sokourov n’obéit pas à une règle de spectacle titanesque. Tout au contraire, Mère et Fils transmet un univers, celui de la création, un monde, celui de l’amour. Peu importe qu’il s’agisse d’amour maternel et d’amour filial. Le cercle de l’humain est là : la naissance et la mort, l’acceptation de l’humain, l’acceptation de la fin, d’une finitude. Sokourov installe une ouverture, une sortie. C’est une sortie réelle, un bain d’humanité intime et impersonnel, car le fils porte la mère dans le monde, lui fait regarder le monde. Alors ainsi la boucle est bouclée. Elle avait mis le fils au monde, le fils va maintenant porter sa mère à son coucher.

Un autre film de Sokourov s’appelait Le Deuxième Cercle. Un fils apprenait à enterrer son père. Il accédait au rituel, se délivrait d’un poids, pouvait renaître lui-même. Entre coucher de soleil réel ou symbolique, la maison et le paysage, le dedans et le dehors, dans les films de Sokourov, le flux de la vie est magnifiquement capté.

Heike Hurst
émission « Fondu au Noir » (Radio libertaire)