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Non à la criminalisation du mouvement social !

Le jeudi 5 mars 1998.

Le gouvernement Jospin n’a eu de cesse de chercher à marginaliser le mouvement des chômeurs pour juguler son développement et saper le soutien populaire dont il bénéficie. Dans un premier temps, Jospin a joué le couplet de la compréhension pour emboîter sans attendre sur celui d’un nécessaire pragmatisme. Échaudés par les discours lénifiants de la gauche en 1981, les chômeurs ont à juste titre maintenu les occupations de lieux publics. Une campagne médiatique d’intox fut alors orchestrée afin de minorer le nombre de sites investis et de l’aire silence sur les premières évacuations.

La compréhension affichée avait fait place à la répression. Ainsi le 7 janvier 1998, lors de l’évacuation des locaux lillois de l’ASSEDIC, Christophe Fétat fut frappé au visage puis inculpé. Le lendemain Jospin s’exprimait sur TF1 pour annoncer l’attribution d’un milliard d’aide d’urgence et ordonne en parallèle l’accélération du rythme des évacuations. Ses consignes furent appliquées avec zèle.

Loin de décourager les chômeurs, le mépris affiché pour leurs revendications et la virulence des interventions policières un peu partout en France relance le mouvement de plus belle. Survient à cette époque une nouvelle vague d’intox qui pointe d’un doigt accusateur un mouvement qualifié de minoritaire et une lutte qui serait manipulée par une frange d’activistes tour à tour trotskistes, anarcho-syndicalistes ou autonomes. Dans la foulée, les médias mettent en exergue l’occupation houleuse de la Chambre de commerce de Paris le 13 janvier en omettant de rétablir la réalité des faits et insistent lourdement sur la présence d’Héliette Besse, « ex mama d’Action directe » dans les personnes interpellées le 21 janvier lors de l’occupation du restaurant « Le Fouquet’s » sur les Champs Élysées. Cependant, malgré les efforts du pouvoir le soutien populaire perdure et les actions « coup de poing » se multiplient un peu partout en France. Cependant, suite aux opérations Caddies du comité des chômeurs CGT de Roubaix, Le Figaro titre sur l’appel au pillage. C’est le retour de la classe dangereuse !

Le 11 février, après une action contre le Cash Converters du XIe arrondissement parisien, quatre personnes finirent incarcérées à Fleury-Mérogis. Fixés à la date du 26 février, les procès du Lillois et des quatre Parisiens eurent la même conclusion : le report. En effet, la présidente de la chambre correctionnelle, prétextant le traitement d’une affaire de drogues, signifiait à Christophe que son procès ne pourrait avoir lieu que le 11 juin prochain. De même, parce que le parquet a « oublié » de citer les sept policiers qui ont procédé à leur interpellation, Karim, Jean-Julien, Daniel et Guillaume devront attendre le 26 mars pour être jugés. Leur demande de remise en liberté a toutefois été acceptée à la satisfaction des soutiens.

Dans les deux cas le report du procès après les élections cantonales et régionales enlèvent une épine du pied des autorités. Il importe donc que les comités de soutien relèvent le défi et fassent comprendre au gouvernement qu’il a tort de miser sur l’essoufflement du mouvement. De plus, il serait judicieux qu’ils se coordonnent pour mener une campagne nationale contre la criminalisation du mouvement social. Le comité de soutien à Christophe a d’ores et déjà orienté sa démarche en ce sens puisqu’il fait circuler une pétition pour rappeler que si l’on n’y prend pas garde c’est à terme un véritable délit de solidarité qui risque d’être instauré. Ainsi dans le Nord, le 8 octobre 1997, Patrice Bardet et Christine Eme, tous militants du Comité anti-expulsions de Villeneuve-d’Ascq, ont été condamnés en appel à 3 000 FF d’amende avec sursis pour avoir assisté le 25 octobre 1995 une étudiante qui devait être expulsée de son logement. De même Jacqueline Deltombe a été jugée coupable mais exemptée de peine en appel en novembre 1997 pour avoir hébergé un ami sans papiers. C’est autour de son cas que le 6 février 1997 les cinéastes avaient lancé la campagne de pétition contre l’article 1 de la loi Debré (1). Mais le meilleur soutien qui peut être apporté à toutes les victimes de la répression c’est de faire en sorte que le mouvement social ne cède pas aux intimidations de tous ordres et de continuer à établir des passerelles entre les luttes.

Groupe May Picqueray (Lille)


Pour avoir un compte rendu détaillé des procès de Jacqueline, Patrice et Christine, envoyez une enveloppe et 3 timbres à 3 FF au Comité de soutien à Christophe Fétat. c/o Centre culturel libertaire, 1/2 rue Paul Denis-du-Péage, 59800 Lille.