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Prendre les SDF pour des moulins à vent !

Le jeudi 11 janvier 2007.

Chirac qualifie le quotidien des SDF nouvelle grande cause nationale, quatre mois avant les présidentielles ! Evidemment, ça fait plus social et porteur que le délicat des toujours sans papiers ! Annoncer une mesure, applicable en 2012 « le temps de mettre en place un plan d’urgence (!) », ne mange pas de pain. Prenant de court « Sarkozy-de-quoi-je-me-mêle », qui avait nommé il y a 15 jours, le médiatique et habitué des lieux de noces de la capitale, Arno Karlsfeld (celui qui adore poser nu sur son vélo), responsable du dossier, c’est au tour de Borloo de charger Xavier Emmanuelli de remettre son torchon au Premier ministre.

Pourtant, nous, militants de terrain, n’avons pas oublié l’accueil que Borloo nous a réservé, alors qu’en plein mois d’août, nous avons accompagné les SDF sous ses fenêtres. Il nous a reçu avec mépris, refusant de recevoir les portes paroles qu’il confia à un vague sous-fifre. Il est vrai qu’à l’époque, le sujet n’intéressait pas grand monde, sinon deux associations de mal logés et une poignée de militants anarchistes et d’Act-Up Paris ! Je me souviendrais longtemps des SDF, massés sous les fenêtres du ministre, encerclés par autant de flics et de CRS, tandis que ses enfants, qui jouaient dans le bâtiment, leurs faisaient des grimaces !

Puis, c’est sans vergogne que, quelques jours avant la rentrée de septembre 2006, des représentants de Delanoë « notre bon maire de mes deux mairies », comme dirait Léo Ferré, trouvaient ces campings sauvages dignes d’effrayer les touristes étrangers et de faire tâche dans les nouveaux quartiers vendus aux bobos. Ses « négociateurs », après avoir constaté la « mauvaise volonté des sans toits ni droits », refusant d’être répartis dans des centres d’hébergements où la violence règne et les couples sont séparés, envoyèrent les forces de l’ordre les évacuer manu militari. Si les plus chanceux trouvèrent une place dans de rares centres de réinsertion, la plupart finirent au bord du périphérique pollué et dangereux, voire, dans la forêt de Fontainebleau exilés, en lointaine banlieue.

Aussi, quatre mois plus tard, le problème est devenu une urgence et, surtout, un argument électoral choc ! Évidemment, le nouveau et « propre sur lui » mouvement des « enfants de Don-Quichotte », qui a réinvesti le canal Saint-Martin, toujours flanqué du Dal, fait meilleur genre que les va-nu-pieds de l’été. En ce mois de janvier, les tentes ne risquent pas de choquer les touristes qui préfèrent les Caraïbes ou les prestigieuses pistes de ski !

Enfin, qu’apportera une loi, concoctée à la va vite ? Suffirait-elle à convaincre les élus locaux de se bouger les fesses ? Quid du financement de logements pour plus de 3 millions de « sans toits » ? On sait très bien, qu’avec la décentralisation, il reviendra aux communes et départements… Les élus de Neuilly-sur-Seine et autres niches dorées seront-ils sensibles à l’appel à solidarité du bon président des franchouillards ? En 2005, seulement 7 6000 habitations, destinées aux plus précaires, ont été financées, et 90 000, soit disant recensées en 2006 ! Il faudrait donc mettre le turbot, pour atteindre les millions de logements nécessaires, d’ici 2012 ! D’autant qu’il faut en moyenne, selon le Canard, trois ans pour rendre praticable une maison relais et que ceux existants tirent la langue. Plus de la moitié sont en déficit, rognent sur les dépenses d’énergie, alimentaires et en personnel qualifié.

S’agit-il plus simplement du dernier coup de frime d’un dirigeant voulant échapper au vide historique qu’il laissera derrière lui, avec un dernier « coup du lapin, sorti par magie de son chapeau de triste clown » ? Et Sarkopen, pris de vitesse par le « chef », comptait-il, envoyer son copain Karlsfeld, le chouchou du Paris by night, convaincre les instances locales, en maillot de bain et avec une plume dans le derrière ? Allons-nous assister à une surenchère de promesses « opposables », de droite et de gauche ? Je crois surtout, que ce pays s’enfonce dans le ridicule, le gadget médiatique et la manie du scoop. Debout les damnés de la terre : ne comptons que sur nos propres forces et comme on disait déjà au début des années 70 : « on a raison d’occuper les maisons vides » !

Patrick Schindler
Groupe-claaaaaash@federation-anarchiste.org