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Budget 1999

Jospin, le clone de Balladur

Le jeudi 24 septembre 1998.

Réduction du budget militaire

Pendant la campagne des législatives de mai 1997, les socialistes ont affirmé vouloir mener une « autre politique ». Vous me direz, c’est bien le minimum que l’on peut attendre d’une opposition. Mais au-delà de cette affirmation convenue, ils cultivaient le flou tout en prêchant la patience : « de petits pas certes mais sur le bon chemin… ». Leurs alliés de la gauche plurielle jouaient le jeu, fourbissant leur rôle « d’aiguillon » pour se faire mousser sur la scène du pouvoir.

Contrairement à l’effet d’annonce de mesures symboliques et compréhensibles par tous, la préparation du budget de l’État est un long marathon qui parait technique et peu politique. Pourtant, cet exercice est riche d’enseignements. Il permet de cerner la logique de la politique gouvernementale.

40 milliards pour le patronat

Pour le budget 1998, dessiné au cours de l’été 1997, la gauche au pouvoir pouvait avancer des alibis de circonstance. S’il ne portait que très partiellement la griffe « gauche plurielle », Jospin et consorts pouvaient prétendre avoir été pris de cours par la dissolution… Il n’en va pas de même du budget 1999 dont l’ébauche vient d’être présentée, le 9 septembre, devant la commission des finances du Parlement. Même de l’étroit point de vue « gestionnaire » commun aux politiciens de gauche comme de droite, de réelles marges de manœuvres budgétaires existent : 54 milliards de francs de recettes nouvelles sont attendues en 1999 (74 milliards si l’on intègre la hausse des prix).

En effet, et ce malgré la crise qui frappe durement l’Est asiatique et la Russie, les perspectives de croissance demeurent bonnes, tirées par une forte demande en Europe et aux États-Unis. Dans ce contexte, la gauche plurielle saisit-elle l’occasion de mettre en pratique la « nouvelle politique économique » qu’elle appelle de ses vœux ? Au risque de décevoir les naïfs, la réponse est bien évidemment non.

Souvenons-nous qu’en 1993, le PS avait vivement reproché à Balladur de donner purement et simplement, sans la moindre contrepartie, 95 milliards de francs au patronat, sous la forme de la suppression du délai d’un mois dans les remboursements de la TVA. Or, dans le budget 1999, les quelques mesures prises en faveur des ménages sont purement symboliques, particulièrement pour les plus modestes [1]. Pour le patronat, en revanche, l’heure est à la générosité.

Pour la seule année 1999, l’allégement de taxe professionnelle (TP) portera sur 7,2 milliards de francs, à quoi il faut ajouter 5 autres milliards liés au fait que la majoration exceptionnelle de l’impôt sur les sociétés (IS) sera ramenée, en 1999, de 15 % à 10 %. De plus, le gouvernement a annoncé que la baisse de l’IS serait amplifiée en l’an 2000 et celle de la TP durant quatre ans, l’allégement fiscal global pour ces deux prélèvements devant atteindre au total près de 40 milliards de francs [2]. Tous ces cadeaux s’accompagnent bien évidemment d’une absence totale de contrepartie, le gouvernement de gauche se fiant pleinement au grand cœur légendaire du patronat français…

Après l’insignifiante hausse du SMIC en juillet et l’annonce de l’indexation des retraites en 1999 sur la hausse des prix [3], ce projet de budget démontre à nouveau que la gauche plurielle souhaite maintenir une politique libérale d’austérité, évidemment pas pour tout le monde, et ceci malgré les profits florissants qu’affichent les grandes entreprises.

Les critiques convenues du PCF

Dans le jeu de rôle que pratique la gauche plurielle, le PCF a bien sûr sa petite musique, affirmant par la voix d’Alain Bocquet que « le projet de budget pour 1999 manque de l’ambition sociale que devrait avoir le premier budget de la gauche ». Mais les critiques communistes restent modérées ; Jospin a été suffisamment habile pour leur donner un os à ronger : un relèvement symbolique de l’impôt sur la fortune [4]. D’ailleurs, le PCF semble avoir bien du mal à définir une « ligne » politique, le député Christian Cuvillez, membre de la commission des finances, jugeant ce budget « socialement à gauche »…

Du côté des Verts, ceux-ci sont beaucoup plus discrets. Pour les satisfaire, Jospin s’est contenté de les « acheter » en augmentant de 15 % l’enveloppe du ministère de l’environnement. Pour tous les politiciens de la gauche plurielle, l’enjeu réel est ailleurs. Toute leur attention est déjà focalisée sur la préparation de la prochaine échéance électorale, les européennes de juin 1999.

Patrick
groupe Durruti (Lyon)


[1Essentiellement, la baisse à 5,5 % de la TVA applicable aux abonnements EDF-GDF, la gratuité des cartes d’identité et la suppression de la taxe d’examen pour l’obtention du permis de conduire, le tout pour un montant cumulé estimé à 5,2 milliards de francs.

[2Pour comprendre l’importance de ces « petits cadeaux », rappelons que l’impôt de solidarité sur la fortune, alibi fiscal de la gauche, n’a rapporté que 8,9 milliards en francs en 1996.

[3L’indexation sur les salaires est plus favorable pour le pouvoir d’achat des retraités.

[4Selon les prévisions du gouvernement, « la lutte contre l’évasion fiscale des grandes fortunes et le relèvement du taux maximum d’imposition de l’ISF » devrait rapporter 2 milliards de francs supplémentaires. En réalité, cette hausse du rendement prévisible de l’ISF s’explique essentiellement par deux effets mécaniques : le haut niveau des cours de la Bourse et l’arrêt de la baisse des prix de l’immobilier.