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PACS

ne gravons pas nos noms au bas d’un parchemin ?
Le jeudi 1er octobre 1998.

Union homosexuelle

Michel Bon, avant d’aller danser le French cancan à la Bourse de New-York, avait en tant que chef de l’ANPE suggéré de faire travailler les chômeurs. Cette imbécillité absurde et ubuesque aurait-elle fait école puisqu’aujourd’hui on parle d’unir les concubins ?

Disons-le tout net, le PACS n’est pas une révolution ni une démolition du patriarcat. Le PACS n’est qu’une réforme qui n’aura d’autre utilité que dans les transactions administratives et commerciales. Le PACS n’aura jamais la dimension symbolique publique du mariage. Et c’est tant mieux.

Le PACS est nécessaire ? En réclamer l’instauration est bien sûr du réformisme, mais quel révolutionnaire ne s’est jamais laissé aller à de lâches pensées réformistes en entamant sa quatrième heure d’attente à la CAF ou aux ASSEDIC ?

Nous nous en rendons compte tous les jours : il est de plus en plus difficile de s’en sortir. La misère est partout visible dans ce pays. Le nombre de gens qui partagent des appartements pour des raisons d’économies est en constante augmentation depuis des années.

Un peu creux

Parce que le PACS ne pourra pas être contracté entre frères et sœurs, parce qu’il n’a aucun intérêt pour les unions de circonstance ou de court terme (une année scolaire par exemple), parce qu’il ne sera pas permis à plus de deux personnes de pactiser, nous le trouvons un peu creux et nous pensons qu’il est loin de remplir tout son potentiel. Loin s’en faut.

Pour ce qui est des concubins et cubines hétéros la mesure changera beaucoup de choses en particulier en cas de décès s’il y a des enfants à charge ou si l’un des contractants n’a pas de revenus ou de logement en son nom. À l’heure actuelle, seules les personnes mariées ont droit aux pensions de reversions et autres capital décès de leurs partenaires décédés.

Les couples homosexuels sont de plus en plus nombreux par le simple fait que, de moins en moins honteux, nous pouvons aujourd’hui vivre sans nous cacher et donc envisager des projets de vie commune au lieu de nous satisfaire de rencontre secrètes et furtives. Nos couples ont besoin de garanties vis-à-vis des compagnies d’assurance, des banques, des mutuelles, des bailleurs publics ou privés. À l’heure actuelle, la facilité des démarches tient au hasard de tomber sur une personne compréhensive au guichet. Le PACS lèvera au moins l’incertitude que nous avons dans nos démarches de nous voir refuser le coup de tampon nécessaire sur nos formulaires divers. Ce sera déjà ça.

Finies aussi les discriminations de certaines mutuelles comme la MGEN qui refusent de reconnaître l’existence des partenaires de même sexe (les petits Papon sont légion qui s’auto octroient la mission de sauver l’occident chrétien).

Plus d’évictions des HLM et des appartements privés en cas de décès ou de départ du titulaire du bail.

Et puis, il y a les enfants…

Certains s’inquiètent de voir les couples homos adopter et élever des enfants. L’adoption ne sera donc pas au programme de ce débat législatif qui voudrait ménager la chèvre et le chou et fini par ne satisfaire personne.

Ceci est purement symbolique car de toutes façons, les gays et lesbiennes ont des enfants et les élèvent.

Dans la plupart des cas, il s’agit d’enfants nés d’une union hétérosexuelle précédente. Tout comme dans le cas de personnes qui se remarient, le nouveau partenaire a de facto un rôle éducatif à jouer au côté du père ou de la mère. Ça ne se passe pas toujours bien, quelle que soit l’identité de ce nouvel adulte imposé ; mais il en va du bien être de l’enfant d’être accepté et aimé par son beau-père ou sa belle-mère. Or il est également important que ces adultes, parents par hasard, par procuration, puissent jouer leur rôle : parent d’élève, chez le pédiatre, au commissariat quand il faut aller chercher le petit qui vient de rater son premier vol de disque, ou même en cas d’accident, pour être traité dignement au service des urgences.

Certains couples ou individus s’arrangent avec d’autres pour faire des enfants. D’autres peuvent se faire passer pour célibataires (l’adoption par les célibataires de plus de vingt-huit ans est légale), on peut aussi s’inséminer artisanalement sans autorisation médicale. Branlette, bocal, pipette, c’est pas sorcier et la blouse blanche est en trop, c’est ça aussi l’autogestion ! Que l’Église ou l’État soient contre n’y change rien ; ça se fait. Il est impossible d’empêcher les gens de s’arranger entre eux comme ils veulent, comme il a toujours été impossible depuis l’antiquité d’empêcher les femmes d’avorter.

Seulement il faut bien qu’ensuite chacun puisse être reconnu à sa place et puisse assumer ses responsabilité de parent. Ne serait-ce que pour avoir droit aux ASSEDIC en cas de déménagement pour rapprochement de « conjoint », ou pour les mutations de fonctionnaires, etc.

Bien sûr le PACS facilitera surtout la vie des riches, des propriétaires et des petits patrons gays. Mais c’est aussi le cas du mariage que de profiter aux riches…

Comme le mariage, pour la sécurité administrative et légale qu’il pourra apporter, le PACS est une formule que les gens utiliseront au gré de leurs besoins et de leurs intérêts pour essayer de tirer les meilleures cartes d’un jeu qui reste pourri. Il y aura des PACS blancs comme il y aura encore des mariages blancs tout simplement parce qu’il faut bien survivre…

Le seul pilier fondamental de la société que nous voulons, c’est l’individu. Seule l’égalité économique et sociale des individus laissera à chacun le choix libre et entier de ses rapports avec les autres.

Même si les ennemis de mes ennemis ne sont pas forcément mes amis, j’ai de toutes façons du mal à voir d’un mauvais œil le vote d’une loi qui met l’Église aussi mal à l’aise. Et le véritable intérêt du PACS serait bel et bien qu’il puisse rendre le mariage obsolète. Symboliquement ce serait une claque pour les patriarches. Mais ça, seul le temps nous le dira.

Pour le reste, gardons toujours en tête, quand même, que Cupidon s’en fout.

Vincent Tixier