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Belgique

Chômeurs, deux logiques

Le jeudi 8 octobre 1998.

Entre les gestionnaires et les activistes, deux logiques s’affrontent. D’un côté, celle des États, où plutôt de leurs commis, les Tobback ou les Chevènement. Pour eux, derrière chaque sans-papiers se cache une vague submergeante de crève-la-faim qui, en vagues successives, fuyant leurs enfers terrestres, vont envahir l’Europe. Tétanisés par la pression conservatrice d’une partie grandissante de la population laminée par la crise sociale, ces socialistes d’un type nouveau construisent un mur de barbelés autour de ce qui reste encore (toute proportion gardée) leur îlot de relative prospérité : On ne peut pas accueillir toute la misère du monde nous disent-ils, le ventre rond.

Comme ils se réclament de grands principes humanistes, ils entrebâillent encore la porte pour recevoir, au compte-goutte, quelques centaines de « réfugiés politiques » dûment inventoriés, rejetant dans l’abîme celles et ceux qu’hypocritement, ils qualifient de « réfugiés économiques ». À leurs yeux, la misère, l’oppression, le manque de tout et du reste, la possibilité de vivre une existence « normale » liée au simple hasard du lieu de sa naissance et de la couleur de son passeport, ne posent pas de questions politiques… Les « droits de l’homme » ne se limitent-ils pas aux frontières de l’empire ?

Face à eux, les activistes des collectifs contre les centres fermés et contre les expulsions. Pour eux, chaque personne internée est d’abord, et avant tout, une femme, un homme, un enfant… emprisonnées pour la seule et unique raison qu’ils ne possèdent pas les bons papiers, au bon moment, au bon endroit. Un être humain ne peut être illégal nous disent-ils. Entre des lois iniques et leurs consciences, entre l’État et leurs valeurs morales, ils ont choisi. Contre le sinistre symbole que représentent des camps, entourés de barbelés, où l’on enferme des réfugiés uniquement sur la base de leur appartenance nationale, ils se saisissent de l’arme de l’action directe et de la désobéissance civile pour tenter de bloquer physiquement la grande machine à déporter. Ils s’emparent aussi de l’arme médiatique pour sonner le tocsin et tenter de réveiller une population indifférente, voire pire, crispée sur ses derniers « privilèges ». Et ce faisant, ils obligent chacun d’entre nous à choisir entre nos principes et notre confort… Ils nous obligent à prendre position dans ce qui n’est pas un débat d’opinion mais une histoire de vies et de morts.

Babar