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TGV Lyon-Turin

Juste pour une question de solidarité

Le jeudi 11 janvier 2001.

Pourquoi les anarchistes sont-ils contre le TGV Lyon-Turin (et pourquoi pas contre un autre) ? Un petit rappel historique d’abord : cette liaison rentre dans les accords européens pour la libre circulation (non des personnes) mais des marchandises, qui date de 1984 (Orwell). Toute unie, la gauche porte le projet depuis cette année-là. (Claude François)

Les chemins de fer français et allemand sont chargés en 1986 de proposer un réseau européen à grande vitesse. Le projet est accepté par la C.E.E. et affiné. Un accord est signé à Genève en 1991 prévoyant le développement du trafic marchand, avec 30 axes principaux. La théorie du secret est de retour. Aucune information n’est entendue. Le secret est le plus total en France. Et pendant ce temps-là, en Italie.

La TAV Spa (TAV = TGV) est créée. Elle a la tâche de projeter, construire et gérer le système du TGV italien. Cette société est initialement possédée pour près de 40 % par les chemins de fer d’État et pour les 60 % restant par Fiat, Iri et Enil. Par la suite, les chemins de fer acquerront toutes les actions, se chargeant ainsi de chaque risque lié aux éventuels échecs de l’entreprise mais laissant à ses anciens partenaires la tâche de la réalisation concrète du travail et les gains relatifs. Dans ce cadre, un nouveau tunnel de 54 km est prévu pour la ligne Turin-Lyon.

Un projet controversé
Le maire de Chambéry retrouve dans ses vieux papiers le projet du train qu’il amène triomphant au Conseil régional comme étant sa création. Les Verts (et assimilés) sont derrière : il vaut mieux un petit train électrique qu’un gros camion qui pue. Comment transformer un problème ? Plutôt que penser à diminuer le trafic des marchandises, ils font dans la gestion du transport et découvrent le ferroutage. « C’est super disent-ils on est des libéraux propres ».

Pourtant, en Italie, les Verts, les communistes et même le PDS (quasi le PS) sont contre. Dans la vallée de Suse, un groupe d’irréductibles pas gaulois continue à lutter malgré la répression des années passées (procès de Silvano : le 18 janvier 2001 à Turin). Le groupe italien recommence à faire des manifestations. Ils ont ouvert un squat et donnent des infos sur ce qu’il se passe. Au contraire, la vallée française résonne juste de quelques gémissements des maires et habitants touchés par la construction du TGV (coordination Ain-Dauphiné-Savoie qui a sorti un bon article dans Biocontact du mois d’octobre). Toutefois, au contraire de la vallée du Somport, la contestation ne sort pas de la vallée, puisqu’elle n’est même pas entendue là-bas.

Maintenant que vous savez en gros comment ça se passe, on va faire un petit bilan de vos connaissances. C’est « qui veut gagner des Millions ? »
 Combien y a-t-il de lignes prévues dans le projet TGV-THC (bon, on vous aide THC = train à haute capacité) ? Ben, il y en a deux : une qui part de Dijon, pour les marchandises et une de Lyon, pour les personnes. Elles se réunissent toutes deux pour franchir le tunnel de 54 km.
 Combien de fois le futur train Lyon-Turin s’arrêtera-t-il entre le départ et l’arrivée ? On vous laisse un peu réfléchir. Une fois à Chambéry et une autre fois à 80 m sous Modane. Les habitants des deux vallées ne bénéficieront que du bruit, de la pollution électro-magnétique et de la destruction de leur vallée déjà abîmée depuis longtemps par la fabrication d’aluminium.
 Quels avantages les habitants de la région Rhônes-Alpes ou ceux du Val Susa vont-ils tirer de ces ouvrages ? Aucun, ni travail, ni argent, rien. On gagne 40 minutes entre Lyon et Turin et il faut dépenser 80 milliards de francs. C’est ça, le rapport qualité-prix.

Une exploitation globale
Alors pourquoi veulent-ils tant le faire ce train ? Surtout pour les marchandises, qui vont enfin pouvoir visiter les pays très rapidement. Les marchandises circulent vite, on parle de flux tendu. Ainsi, plus de stocks, car ça coûte cher de conserver les marchandises. On produit en fonction du marché, on travaille à la commande. Les conséquences sur l’exploitation des travailleurs sont bien connues : précarité, flexibilité, annualisation du temps de travail. Plus de marchandises précaires, plus de consommations, de produits jetables. La vitesse du train va avec celle de la société qui rejette et fragilise de façon alarmante une partie grandissante de la population. Les gens survivent avec des aides, comme on donne de la pâtée aux chiens pour ne pas qu’ils mordent leur maître.
Le projet fait parti de cette exploitation globale qui a fait de l’ensemble de la planète son champ et qui y trace des sillons pour toujours plus de plus-value. Allez chercher loin pour manifester notre solidarité, notre place dans la lutte, c’est oublier qu’à côté de chez soi il se passe des histoires dans lesquelles on pourrait inscrire notre volonté.

Le 28 janvier à Turin les gestionnaires français et italiens vont signer un accord qui nous prendra encore plus de notre vie et pendant ce temps nous préparerons la prochaine, après Nice, manifestation contre la mondialisation (à Davos peut-être).

Pour un collectif contre le TGV Dijon, Lyon, Turin. J, L, V.
c/o Le Laboratoire 8 place Saint-Jean à Valence 26000