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articles du ML1194

du 24 février au 1er mars 2000
Le jeudi 24 février 2000.

https://web.archive.org/web/20040506180615/http://www.federation-anarchiste.org/ml/numeros/1194/index.html

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Le capitalisme, c’est marche et crève !

Jospin à finalement décider qu’il était urgent d’attendre avant que de faire accéder les salariés au paradis de l’actionnariat d’entreprise. Il veut, dit-il, prendre le temps de la réflexion. Y aurait-il donc un problème quelque part ? Pourtant Alain Bocquet, président du groupe communiste à l’Assemblée nationale est à fond pour. Au point qu’il a demandé à deux de ses collègues de pondre un texte de 22 pages pour éclairer le parti sur les bienfaits et les vertus de l’adhésion des travailleurs au capitalisme. C’est pour mieux apprendre aux travailleurs à gérer une société prétendent-ils… De sacrés rigolos les nouveaux communistes !

Des régressions sociales de tous les côtés

Dans le même temps Axa, société d’assurance connue pour son humanisme publicitaire, décide de doubler le montant des mensualités payées par 7 000 parents qui ont le souci d’assurer à leurs enfants trisomiques un revenu décent après leur mort. Cela devait sans doute les aider à mieux apprécier les lois de la rentabilité… Le PDG d’Axa a lui aussi décidé que ce n’était pas une bonne idée. Disons plutôt que le tollé général provoqué par ce scandale l’aura convaincu d’attendre des jours meilleurs.

Un étudiant sur dix vivrait en dessous du seuil de pauvreté. Le gouvernement joue la surprise face à ce qui n’est pas vraiment une révélation et annonce qu’il va mener sa propre enquête car il n’est pas sûr de l’ampleur de la situation. Les ministres vivent-ils dans le même monde que nous ? Autre exemple. Le PDG de Renault, Schweitzer, rayonnant de bonheur a présenté ses résultats financiers comme s’il sortait victorieux d’une terrible guerre. Pourtant Vilvorde n’est pas si loin dans nos mémoires et dans les usines de Nissan, au Japon, ce n’est pas l’enthousiasme qui domine vu les licenciements massifs qui s’annoncent. Pour Schweitzer, tout va bien puisqu’il a provisionné le fric nécessaire au paiement des indemnités. Ce qu’il adviendra de tous ces licenciés n’est pas vraiment son affaire. Assurément, tout le monde n’a pas les mêmes valeurs éthiques.

Ne pas céder au mirage du fric facile

Les ouvriers de Renault France doivent-ils saliver sur le « pactole » que pourrait leur rapporter la distribution d’actions. Rien n’est moins sûr…

Il suffit de mettre en parallèle ce qui se passe chez Moulinex où les salariés viennent à nouveau de manifester parce que justement virés pour cause de fusion et restructuration nécessaire pour que demain le PDG puisse pavoiser devant ses actionnaires en leur annonçant une « hausse substantielle des bénéfices ».

Le smic à 50 ans mais ne deviendra pas centenaire puisque quantité de statuts ont été mis en place avec des salaires qui sont la plupart du temps inférieurs de moitié au revenu minimum.La précarité devient la référence obligée. C’est d’ailleurs une des raisons qui font que l’agitation se développe dans le secteur public car aux PTT, comme dans les hôpitaux et dans l’éducation, les restructurations, redéploiements et autres restrictions de crédits sont à l’ordre du jour.

La fronde sociale se répand

Lorsqu’on prend du recul sur ce que les médias veulent bien mettre sous les feux de la rampe, à savoir le clown d’Autriche, et sans vouloir minimiser l’événement, il y a une montée en puissance des revendications et passage à l’acte. Il ne s’agit plus de mécontentements diffus mais bien d’une volonté de se mettre en mouvement pour faire face aux attaques dont nous sommes l’objet. Et il n’est pas sûr que les confédérations syndicales apprécient cette amorce de révolte. C’est bien ce qui inquiète Jospin qui essaie de se positionner pour les présidentielles. Il est à la recherche d’un projet de société qui soit susceptible d’enflammer les troupes de gauche. Son intention est de se poser en champion des « nouvelles formes de régulation économiques » qui sont au cœur de son « projet de société ».

Le climat de fronde sociale qui s’étend l’oblige à différer ses ambitions et à monter en première ligne sur l’affaire de l’Erika en allant lui-même négocier avec les associations anti-marée noire à Nantes. Nous sommes certains, et c’est une évidence, que le projet de Jospin n’est que le nouvel oripeau de l’État et du capitalisme assurant le profit et la domination de la bourgeoisie mondialisée. Il reste à convaincre les populations de se mobiliser pour imaginer et mettre en œuvre une alternative sociale, par et à travers les luttes menées actuellement.

Notre chance est qu’une prise de conscience s’amorce sur le fait que la brutalité et l’immoralité du capitalisme ne peuvent pas être contenues par la gauche plurielle parce qu’elle n’en a pas les moyens ni la volonté politique. C’est à nous, militantes et militants actifs et présents au sein des mouvements en court, à argumenter, proposer et s’investir pour que cette dynamique prenne du poids et de l’ampleur. Nous n’avons pas un boulevard devant nous mais un terreau favorable. Il nous reste à propager l’idée d’une autogestion des luttes. En attendant mieux.

Bernard. — groupe Déjacque (Lyon)


2030, odyssée du capitalisme

Les conséquences de la décomposition de l’empire soviétique, l’événement majeur de la fin du XXe siècle, sont encore incalculables. Mais elles sont d’ores et déjà fondamentales. Plus rien n’est comme avant. Le bolcho-stalinisme apparaît déjà comme une sorte de parenthèse historique, longue, brutale, sanglante, effarante, mais parenthèse quand même face à un libéralisme victorieux sans ennemi reconnu. Tout se passe comme si le monde était retourné à la situation d’avant la révolution russe. Bien sûr, le début de l’an 2000 n’est pas totalement identique à 1917. Mais le rapprochement est parfois troublant. Peu ont manqué de rappeler l’analogie entre Sarajevo 1914 et Sarajevo 1994, trop curieuse pour n’être qu’une simple coïncidence.

Ce qui est issu de la boucherie de 1914-1918, c’est le capitalisme d’État sous trois formes : démocratique, fasciste et stalinien. Le premier est libéral. Les deux autres ne le sont pas. La première guerre mondiale a balayé les restes des anciens systèmes monarchiques, déstabilisé la déjà vieille bourgeoisie conservatrice et tué le syndicalisme révolutionnaire, laminé par l’Union sacrée dans les pays occidentaux et par le bolchevisme en Russie.

Fascisme et stalinisme ont constitué des formes abouties du capitalisme d’État. Le premier s’est autodétruit et a été détruit en 1945. Le second eut une vie plus longue, et il perdure de nos jours sous certains aspects (Chine) et en quelques endroits (Corée du Nord, Cuba). Tous les deux sont indissolublement liés à la révolution russe : l’un étant sa réaction (le fascisme), l’autre son prolongement (le stalinisme). L’apparition du capitalisme d’État sous ces deux formes radicales a, dans une large mesure, modifié la course d’un capitalisme libéral qui, sans cela peut-on supposer, aurait suivi une trajectoire différente.

Retour à 1917-1922

La plupart des observateurs de bonne foi ont souligné le paradoxe que constitua le triomphe d’un État marxiste-léniniste dans une Russie largement rurale et arriérée, alors même que, conformément à leur schéma du matérialisme dialectique historique, Marx et Engels présupposaient mécaniquement la consécration d’un communisme d’État dans les pays où le capitalisme industriel aurait atteint son stade de maturation contradictoire. Ce prélude était considéré comme objectivement indispensable pour passer à l’étape suivante du mode de production communiste. En outre, autre paradoxe sur le plan théorique, Marx, Engels et les marxistes, proclamaient, non sans raisons, que c’est l’économie qui gouverne le monde. Mais, dans la pratique, la mainmise de Marx et Engels sur la première Internationale et l’arrivée putschiste au pouvoir de leurs épigones, en Russie puis ailleurs, ont montré que c’est le politique qui décide de tout là où ils règnent !

Bakounine qui dénonçait à la fois le mythe mécanique marxiste, son utilisation dictatoriale par les marxistes au sein de la première Internationale et la dictature des gourous sur celle-ci, eut donc triplement raison. Mais cela n’a pas suffit, l’histoire se moque de la raison. Quant à Proudhon, il critiquait de façon anticipée la théorie marxiste de la paupérisation absolue du prolétariat, en annonçant lucidement l’émergence des classes moyennes. L’histoire socialiste lui ria au nez.

Se positionnant tous les deux vis-à-vis du socle socialiste, mais contre le réformisme ou la tiédeur de celui-ci, les mouvements léninistes et fascistes se sont distingués par leur considération différente de l’idée nationale, du moins dans un premier temps, car ils ont pratiquement fini au même point. Le léninisme, qui s’afficha pour l’internationalisme dit prolétarien, au moins par fidélité au slogan de la Première internationale « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous », aboutit à une défense étroite et sectaire du pré carré russe sous Staline, coûte que coûte. Le fascisme, qui revendiqua au début un socialisme national, déboucha ensuite sur un impérialisme hystérique.

En politique comme en économie, léninisme et fascisme ont finalement adopté la même attitude, s’appuyant sur des forces sociales et des discours qui n’étaient pas toujours différents (premier programme des Faisceaux en 1919, nazis et communistes faisant ensemble le coup de poing contre les socio-démocrates à la fin des années 1920 en Allemagne). Les deux ont prôné l’industrialisation lourde, le machinisme et le taylorisme. Les deux ont combattu le syndicalisme libre et indépendant, même si leur tactique antisyndicale utilisa des moyens différents.

Les leaders eux-mêmes, Mussolini et Lénine, qui se sont d’ailleurs rencontrés, ont d’abord mené tous les deux une stratégie politique assez semblable au sein de leur parti socialiste respectif : la recherche d’une rupture avec l’aile modérée. Même si Mussolini échoua là où Lénine réussira, il semblait sur la bonne voie lorsque, en 1912, il se fit nommer directeur du quotidien du Parti socialiste italien, et qu’il fit adopter à celui-ci une position révolutionnaire. Cela fait d’ailleurs dire à l’historien Ernst Nolte que « Mussolini fut le premier communiste européen de l’époque, et même, d’un certain point de vue, le seul ».

Retour à 1933

Après la première guerre mondiale, la capitalisme a connu un second soubresaut, la crise de 1929, qui a fait basculer le fascisme italien du libéralisme en économie vers l’étatisme et l’interventionnisme, voie que le nazisme adopta. En Union soviétique, Staline lança le plan quinquennal et affama dramatiquement les campagnes, causant des millions de morts. Dans les démocraties occidentales, le compromis dit fordiste finit par l’emporter, sur fond de New Deal et d’interventionnisme étatique en économie et dans les relations travail-capital. C’est le triomphe du capitalisme d’État qui culminera au cours des Trente Glorieuses.

De nos jours, si l’on excepte le cas de la Chine, et encore, le capitalisme d’État bat de l’aile. Le « soviétisme » est liquidé. Le compromis fordiste est remis en cause par le patronat, tandis que les bureaucraties syndicales recherchent désespérément du grain à moudre. Les partis communistes occidentaux se sont social-démocratisés, plus ou moins vite, plus ou moins profondément selon les pays, de concert avec la droitisation des partis socio-démocrates. L’écologisme garde deux fers au feu : un écofascisme politiquement cafouilleux mais idéologiquement puissant ; un écomollisme social-démocrate arrivé au pouvoir par des coalitions (France, Allemagne), inefficace contre le productivisme capitaliste et reniant jusqu’à ses fondements pacifistes en légitimant l’intervention de l’OTAN dans les Balkans. C’est dans ce contexte que se sont opérées en Europe la renaissance du néo-fascisme puis sa transformation en post-fascisme. Le processus est devenu chaotique en France, mais il s’est accompli avec succès en Italie (interrompu pour le moment) et en Autriche. Ailleurs, en Belgique, en Suisse, ou dans d’autres pays sous d’autres formes, il se poursuit.

Le post-fascisme puise ses forces vives dans la petite-bourgeoisie, souvent rurbaine, une partie de la classe ouvrière, auprès des petits chefs d’entreprise, des commerçants, des cadres moyens, bref des « petits » en tout genre qui sont effrayés par la mondialisation, c’est-à-dire par les conséquences que celle-ci a sur eux et pour eux : concurrence économique des multinationales, immigration jugée menaçante, cosmopolitisme bourgeois américanisé vécu comme déstabilisant, voire déculturant, critique de la démocratie corrompue.

Le post-fascisme réclame l’État sécuritaire et l’homme fort, pour remettre de l’ordre, restaurer la nation, ré-embellir les paysages (sociaux, culturels : propres, sans immigrés ni pollutions), tout en critiquant l’État bureaucratique et social (pour les autres, pas pour eux). Il promet tout et son contraire suivant l’interlocuteur auquel il s’adresse, exactement comme le fascisme dans les années 20 ou 30.

Ce n’est pas tout. Son appel à plus d’État recouvre objectivement celui des forces placées ailleurs sur l’échiquier politique (communistes radicaux, chevénementistes, gauchistes, gaullistes historiques, souverainistes…), qui demandent le retour d’une nation, c’est-à-dire d’un État (ou réciproquement suivant les clivages), solidaire, fort, anti-américain ou anti-européen. Ce substrat socio-culturel favorise sur le fond le post-fascisme, même démonisé. Il dépasse ses propres forces politiques, ce qui est à terme le plus dangereux.

Retour au libéralisme en économie, petite-bourgeoisie déstabilisée, droitisation de la gauche, renouveau du nationalisme et des intégrismes, montée de l’extrême droite, démission de nombreux intellectuels, résignation d’une grande partie du peuple : presque tous les ingrédients explosifs des années 1930 sont là de nos jours, mais sans le bolchevisme et avec, par contre, des éléments d’avant 1917. C’est un mélange des deux. Le début du nouveau millénaire a un goût amer de 2030. Comme après la première guerre mondiale, comme après la crise de 1929, le capitalisme est à la recherche, sous peine de disparaître, de ses propres formes de régulation, quitte à recycler des idéologies qui lui sont apparemment opposées.

L’Europe reste le laboratoire de bien des processus actuels car c’est là que la classe ouvrière est encore, malgré tout, la moins mal organisée et la plus « politisée ». Si l’on ne doit pas être dupe du battage médiatique fait autour de Jorg Haider, alors que les médias sont restés bien silencieux quand des ministres post-fascistes arrivèrent au gouvernement Berlusconi, les événements d’Europe occidentale sont indiscutablement inquiétants. Il est possible que, face au mouvement encore confus des anti-OMC, anti-Seattle et anti-Davos, les grands dirigeants internationaux jouent la carte du post-fascisme (racisme softisé, xénophobie variable, caractère de masse édulcoré, régional-localisme ronflant, BCBG), en laissant aux politiciens avariés les cries d’orfraie de la démocratie bafouée.

Il n’est pas sûr que ceux qui en appellent à un meilleur contrôle de l’État sur l’économie, à la taxe Tobin, aux écotaxes, ou au mangeons-bien-de-chez-nous-en-regardant-des-films-exception-culturelle, ne se fassent pas alors, bien malgré eux, les adjuvants de ce processus. Un quelconque néo-bolchévisme ayant peu de chances d’émerger, c’est la vieille issue culturalo-nationaliste potentiellement fasciste qui demeure.

Échapper à cette tournure semble bien difficile car le mouvement révolutionnaire, empêtré dans son sectarisme et ses schémas dépassés, a peu de choses à offrir aux populations désemparées. Le nier serait revenir à l’époque où il ne fallait surtout pas critiquer la « patrie du socialisme » ni la « ligne du parti ». La tragique désillusion engendrée par le bolchevisme, avec ses espoirs déçus pour longtemps encore, la déconvenue suscitée par la politicaillerie écolo ainsi que la légitime méfiance envers tout discours pré-cuits et le sectarisme militant sont vivaces. Avec une remise en cause sincère sortie de la langue de bois, le présent est à construire, sans attendre un autre futur.

Philippe Pelletier. — groupe Makhno de Saint-Étienne


Éducation : Un mouvement solidaire et déterminé

Dans le Gard, la lutte s’enrichit de nouvelles revendications

Entamée depuis le 1er février, la bataille déclenchée par les enseignants du primaire et les parents d’élèves du Gard continue de faire rage. Il ne passe pas une journée sans que des actions ne soient réalisées : blocages de péage d’autoroute ou de route nationale, de l’aéroport de Nîmes-Garons, concerts de klaxons ou pique-nique devant la préfecture, occupation de la Banque de France, de la mairie de Bagnols-sur-Cèze, de l’IUFM de Nîmes, banderoles déployées sur des monuments historiques… Et toujours occupations d’écoles (près de 200 sont fermées à la veille des vacances) par les enseignants (plus de 60 % de grévistes après trois semaines de grève !) largement épaulés par les parents d’élèves, grèves et manifs dans les collèges et lycées du département… À l’heure où j’écris ces lignes, des enseignants solidaires du Vaucluse ont bloqué un TGV pendant deux heures. Le mouvement, qui s’est maintenant étendu dans le département voisin de l’Hérault, est dans une phase délicate avec l’approche des vacances scolaires. Allègre le sait qui vient de nommer trois inspecteurs venus faire le point de la situation. Cette décision ­ dérisoire ­ du ministre de l’Éducation qui cherche à leurrer la population a été mal prise : personne n’est dupe. La rencontre entre la délégation syndicale, la fédération de la FCPE et les trois émissaires n’a rien donné. Solidaires, enseignants et parents d’élèves refusent catégoriquement que des postes soient prélevés dans d’autres régions pour être affectés ici. Et le mouvement a été reconduit par les gardois avec un préavis de grève pour le 6 mars, après les vacances scolaires. Malgré la fatigue et le sentiment que la gauche plurielle n’apportera pas de solution au conflit. Déjà, les frustrations montent. Au-delà, le mot d’ordre de grève générale et nationale qui avait été lancé pour le 16 mars dans le secteur privé et public de l’école peut devenir un objectif pour tenir.

Vers une lutte autonome

Comme nous le disions dans le tract que nous avons diffusé au cours de l’imposante manifestation du 12 février (15 000 personnes à Nîmes), ce mouvement revendicatif « impressionne par son dynamisme, son caractère massif, la relation enseignants-parents dans la lutte, les pratiques d’action directe (occupations, grèves…), l’unité syndicale, la souveraineté des assemblées générales, la démarche inter-catégorielle ». Comme souvent dans des mouvements d’une telle ampleur, la revendication essentielle réformiste, qui reste la création de 500 postes dans le Gard, devient globalisante et plus politique au fur et à mesure que le conflit perdure et mûrit. C’est ainsi que dans certaines zones du département (Laudun, Bagnols) on commence à évoquer les différences de traitement de l’école publique par rapport à l’opulente école privée. Dans le même ordre d’idée, au terme de la manifestation du 12 février, des jets d’œufs contre la préfecture, lazzis et destructions de cartes d’électeurs ont suivis l’annonce par la délégation syndicale que le préfet du Gard n’avait aucun moyen supplémentaire à proposer aux écoles en colère. Sans compter qu’un certain nombre de personnes, enseignants ou parents d’élèves, s’aperçoivent que certaines structures cherchent à freiner le conflit pour ne pas en perdre le contrôle. Pour ne pas malmener « les camarades » du gouvernement. J’ai pu en faire l’expérience : les permanentes de la FCPE du Gard (plus de 5 000 adhérents) m’ont dissuadé de faire une collecte auprès des parents de mon école pour les grévistes arguant que ce n’était pas nécessaire. Le lendemain, j’apprenais que des musiciens organisaient un concert de solidarité afin de récolter des fonds pour les enseignants en lutte…

D’un point de vie plus général encore, les esprits vont forcément s’aiguiser au contact de ce mouvement de masse. Sans vouloir présager de son avenir, il laissera sûrement des traces dans les consciences. Notamment sur la nécessité de l’action collective pour influer sur son quotidien, sans attendre les lendemains qui chantent des politiciens. Et sur la vraie nature de l’État et de la gauche qui le gouverne. Mais aussi sur la solidarité en actes qui s’est déclenchée parmi les parents et des grands-parents des uns et des autres pour organiser les gardes d’enfants, ce qui est capital pour éviter des confrontations entre grévistes et parents d’élèves.

Pour un nouveau projet éducatif

Au cours du conflit, nous avons tenu à exprimer que la question de l’école reste une problématique éminemment politique qui renvoie à la redéfinition d’un projet de société solidaire et égalitaire dans lequel l’école prend sa place et son sens… L’État, au-delà des discours et des faux-semblants, développe des logiques qui sont celles d’une superstructure coupée de la communauté que nous composons. Il ne représente pas la collectivité, puisqu’elle est largement acquise à la cause des grévistes. En fait, l’État cherche peu à peu, en privatisant et en rognant les budgets, à se désengager des secteurs publics. C’est ce qui explique que les postiers, les hospitaliers, les agents des impôts soient mobilisés, certains depuis plusieurs semaines. La logique qu’ils affrontent est la même que pour les instits et les parents d’élèves en colère : un service public de qualité moindre leur est proposé sous couvert de le rationaliser, pour un coût le plus faible possible. Le secteur privé doit se frotter les mains quand les gouvernants successifs maltraitent les travailleurs de la fonction publique et les usagers. C’est pourquoi les cliniques et écoles privées se portent bien, comme autant de signaux de faiblesse du secteur public.

C’est dans un contexte d’attaques généralisées contre tout le service que nous pensons nécessaire que des postes soient créés entre les différentes catégories des personnels concernés et qui sont en lutte. Ils ont le même employeur, sont confrontés aux mêmes restrictions, et ont besoin d’une solidarité intersectorielle, du privé comme du public.

Quant à nous, là où nous avons individuellement affirmé nos identités politiques au cours d’assemblées générales de parents d’élèves ou d’enseignants, nous avons été accueillis avec curiosité. Sans rejet en tous cas, preuve que le projet et les valeurs que nous portons s’épanouissent plus facilement dans des contextes de luttes. À méditer.

Daniel. — groupe du Gard


Chiffres du chômage

Des radiations à la pelle

La baisse du nombre de demandeurs d’emplois, ces derniers mois, a atteint, lit-on ces jours-ci dans la presse, son plus fort taux. À vrai dire, il faudrait plutôt écrire : le nombre d’inscrits sortis des fichiers de l’ANPE a augmenté. C’est ainsi que, pour ne prendre qu’un seul exemple, dans une même famille à Pau, successivement en octobre et en novembre : une jeune fille inscrite depuis cinq ans sur les listes de l’ANPE s’est vue radiée car, suivant des cours par correspondance, elle devait être considérée comme étudiante ; sa mère, elle, inscrite depuis près de dix ans, a été radiée car, effectuant dix heures de travail hebdomadaire déclaré, elle devait être considérée comme salariée (Tony, Bill, merci !). Soulignons, pour être tout à fait complet, que cette mère de famille n’a été convoquée dans les bureaux de l’ANPE pour un entretien qu’une seule fois, lors de l’inscription.

Multiplions cet exemple à l’échelle de plusieurs familles, de la ville, de plusieurs communes, du pays, et l’on a une idée un petit peu plus précise de ce que signifient, véritablement, les chiffres qu’on nous assène comme gage de bonne santé économique. Il faut savoir qu’une politique conjointe des ANPE, des ASSEDIC et du ministère du Travail consiste à ôter le plus grand nombre de demandeurs possible des listes pour les raisons que l’on devine… N’importe quel agent de l’ANPE honnête le confirmera.

Les conséquences sont évidentes : parmi les plus démunis, les plus incultes, les plus désespérés, les plus esseulés, beaucoup n’ont pas l’énergie de recommencer le marathon de la réinscription que l’on a compliqué à loisir (bureaux des ASSEDIC d’abord, puis ceux de l’ANPE) avec attentes interminables et réponses floues ou tout simplement révélant l’impuissance…

Nous n’assistons donc pas à la plus forte baisse du nombre des chômeurs depuis sept ans, mais à la plus forte baise (sic) des chômeurs eux-mêmes, sans parler des électeurs crédules prêts à encenser l’action miraculeuse du gouvernement. Signalons en revanche que certains agents de l’ANPE, et c’est tout à leur honneur, refusent de radier quelque usager que ce soit, au nom d’une éthique qu’on ne peut que louer. Et il est vrai que le procès Papon a aussi servi à cela : légitimer le refus lorsqu’il concerne des ordres venus d’en haut, s’ils vont à l’encontre de la dignité humaine et du respect du droit de chacun.

Honte aux chefs d’agence ANPE qui cautionnent les radiations arbitraires. Et que leur conscience, s’ils en ont une, les torture jusqu’à la fin de leurs jours. Leur carrière aura une fin et ils se retrouveront alors seuls avec eux-mêmes : le temps peut-être de réaliser que leur hiérarchie, leur ministère ne les aura payé que d’une méprisante ingratitude. La révolte et le refus de certains agents de l’ANPE, quant elle, a une autre allure que la vile et veule soumission de leurs chefs à d’autres chefs.

Raymond E.


Fait d’hiver

La honte

Elle a la trentaine, elle est arrivée en France il y a une bonne dizaine d’années. Elle fuyait la Chine pour des raisons économico-politiques et politico-économiques. Elle s’est fait le parcours du combattant via Moscou, les pays de l’Est… Elle a payé pour cela. Cher. Et elle a travaillé pour payer. Au black bien sûr, car quand t’es sans-papiers…

Sa sœur, une partie de la famille l’a rejoint. Même scénario. Même galère. Même volonté de survivre. De s’insérer. De vivre. Pour elle, ça va bien. Son travail, lui a donné des moyens (petits) de l’indépendance. Mieux, elle vient d’avoir un bébé et s’est mariée avec le papa… un gendarme ayant le cœur d’amour épris (et bé oui !). Pour fêter la naissance elle a fait venir son père de Chine. Et il est venu. Avec un visa de trois mois ! L’émotion ou tout simplement l’âge l’a plombé d’un infarctus.

Les pays des droits de l’homme l’a soigné dans un de ses hôpitaux. Mais le visa venant à expiration, et bien que les médecins aient annoncé que…, il a été renvoyé dans son pays. Des fois que… ! Sa fille lui a alors envoyé les médocs nécessaires à sa survie. La douane chinoise lui en a fait retour. Des fois que… !

Son gendre s’est alors arrangé pour lui faire passer les médocs par la valise diplomatique. Il est mort le jour même de l’arrivée des médicaments en Chine. Que la honte soit à jamais sur tous les enfoirés, petits et grands, explicites ou implicites, de gauche ou de droite, qui sont responsables et coupables de cas innombrables faits divers dont on ne dira jamais assez qu’ils ne sont que des faits d’hiver capitalistes, xénophobes, réformistes, minables…

Jean-Marc Raynaud


Montpellier

15 000 personnes dans la rue pour l’école !

Depuis le début du mois de février, de nombreuses mobilisations agitent le petit monde enseignant. Suivant le chemin tracé par le département du Gard, les enseignants du primaire héraultais organisent AG, manifestations et occupations d’écoles.

Actions, revendications, tous azimuts

Un premier rendez-vous rassemble le samedi 12 février 15 000 personnes à Montpellier : parents, instituteurs, professeurs des écoles, aide-éducateurs, tout le monde descend dans la rue. Les revendications sont simples : de meilleures conditions de travail pour garantir un meilleur accueil des enfants (630 postes pour le seul département de l’Hérault, 500 pour le Gard), des effectifs réduits dans les classes pour un encadrement et une éducation de qualité. Mercredi 16 février, 12 000 personnes environ se retrouvent à nouveau pour une manifestation cette fois régionale.

Aux enseignants et parents du primaire se joignent alors les professeurs du secondaire, demandant eux aussi à revoir les prévisions des effectifs pour la rentrée prochaine. Deux manifestations d’une telle ampleur en quelques jours n’ont pas manqué de faire réagir le mégalo-maire de Montpellier, Georges Frêche, qui a adressé une requête personnelle à Allègre, son compagnon de parti mais aussi de région, lui disant qu’il ne pouvait laisser l’Hérault à l’abandon, lui qui est du coin… Et puisqu’il n’est jamais à court d’idées électoralistes, Frêche a également fait poser une banderole sur le fronton de l’opéra, clamant sa solidarité avec les parents et enseignants de l’Hérault. On comprend qu’il ait délaissé les gardois qui eux, menacent déjà de ne plus voter PS et vont même jusqu’à brûler leurs cartes d’électeurs…

Du fric ! pas du flic !

L’originalité et la force de ce mouvement résident sûrement dans le fait que pour une fois l’école ne se contente pas d’une journée de grève de 24 heures mais travaille avec ses usagers : les parents d’élèves. Ensemble, enseignants et parents montrent que l’école ne peut être traitée comme une vaste entreprise à rentabiliser. L’idée d’un service public accessible et de qualité pour tous apparaît en filigrane. Car de la même façon que les postiers en grève peu de temps avant et de la même façon que les hospitaliers, le mouvement des parents et enseignants pointe du doigt la mise à mal du service public. Il semble que le plan Allègre, sorti à grand renfort de reportages médiatiques et alarmistes sur la violence à l’école, n’ait pas réussi à apaiser les enseignants. Au contraire, on voit là s’affronter deux logiques opposées : d’un côté un ministre qui autorise l’intervention de la police dans les établissements du secondaire, qui favorise la répression et les cours de morale et de l’autre des acteurs de l’Éducation qui portent la revendication d’une meilleure éducation, qui passe avant tout par de meilleures conditions de travail pour les enseignants et un meilleur accueil pour les enfants et les parents. En tout cas, Allègre peut bien mettre tous les flics qu’il veut à la sortie des collèges, tant que les réelles causes de la violence à l’école ne seront pas combattues, les réactions et les révoltes subsisteront.

Les enseignants et parents donnent aujourd’hui un bon exemple de lutte : c’est en combattant ensemble que les usagers et acteurs du service public pourront obtenir ce qu’ils veulent. De même, c’est en luttant ensemble que les différents secteurs du service public gagneront gain de cause. L’État n’est qu’un patron-gestionnaire comme les autres et nous ne pouvons accepter que les services indispensables au public (éducation, communication, santé, logement…) soient gérés par les politiciens, de gauche ou de droite. Il nous revient de choisir ce que nous attendons du service public, sans question de rentabilité, sans prétexte de rationalité.

Stéphanie. — groupe « Un Autre Futur » (Montpellier)


Clermont-Ferrand

Interview d’un militant de SUD-éducation

Mercredi 16 février, s’est déroulé à Clermont-Ferrand une manifestation regroupant environ 700 personnes. À l’appel de cette manifestation des syndicats de l’Éducation nationale aussi divers que FAEN, FEN, SGEN-CFDT, SUD Éducation, URSEN-CGT, FCPE (parents d’élèves) et les mots d’ordre « Contre le gel de l’emploi public. Contre le développement de la précarité. » À cette occasion, nous avons rencontré un militant de SUD-Éducation qui ont accepté de faire le point sur la situation pour le Monde libertaire.

ML : Pouvez-vous nous expliquer le contexte de cette manifestation ?
Didier : Cette manifestation était a l’appel de l’ensemble des fédérations de l’éducation. Ce qui est intéressant, c’est son caractère intercatégoriel : profs, mais aussi agents ouvriers, techniques, administratifs. Les profs des lycées professionnels sont sous le coup d’une réforme (Charte des lycées professionnels) qui consiste en l’annualisation du temps de travail et la flexibilité. Pour nous, c’est un laboratoire pour la suite des réformes, cela risque de s’étendre. Il est aussi frappant de constater que le SNETAA, majoritaire dans les lycées professionnels (FSU) ne participe pas au mouvement de protestation. 700 personnes, c’est plutôt une bonne manifestation. Le Puy de Dôme est considéré, au moins par le ministère, comme un département surdoté. Résultat, on colmate les brèches avec des postes « piqués » au Puy de Dôme. Dans le primaire, on va perdre 35 postes alors que l’effectif des élèves sera le même.

À SUD-Éducation, nous sommes d’accord sur les axes contre le gel de l’emploi public, contre le développement de la précarité. Cependant, ce qui nous importe est de contester l’ensemble des réformes, qui sont l’instauration de toujours plus de précarité. Sur cette question de la précarité, il y a une véritable prise de conscience de tout un chacun, ce qui pousse les syndicats a prendre en compte ce problème. À la rentrée des vacances d’hiver, nous appelons à la grève jeudi 16 mars. Nous voulons nous inscrire dans des formes de luttes qui situent clairement l’école dans le mouvement social, comme en Seine-Saint-Denis il y a deux ans, dans le Gard, l’Hérault, le Doubs qui sont en grève et où les parents d’élèves sont complètement partis prenante. Cependant, nous pensons que les directions syndicales n’ont ni les moyens ni la volonté d’impulser un tel mouvement. Elles sont ou seront poussées par la base… Toutes les réponses du ministère aux problèmes de l’Éducation nationale se font en termes de précarité : le plan anti-violence, c’est l’introduction de flics et d’emplois-jeunes à l’école. La nouveauté est, au niveau du personnel IATOSS, la prévision d’introduction d’emplois-jeunes.

Le deuxième volet des réformes est la déréglementation des statuts des titulaires avec l’annualisation du temps de travail. C’est une gestion du public sur le modèle du privé, l’État cherche a accroître la rentabilité de la force de travail.

ML : Que pensez-vous du fait que les problèmes de l’école soient systématiquement médiatisés par le prisme de la violence ?
Didier : C’est une mauvaise manière d’aborder le problème. La réalité sociale c’est une paupérisation accrue, de véritables zones d’exclusion… La violence dont on parle est une violence réactive. Les profs, ne sont évidemment pas la meilleure cible mais les mômes subissent une violence de l’éducation, qui les confinent sur des voies des garages. L’État ne donne pas de réponses en termes sociaux mais répressifs. Pire, le ministre laisse la situation se dégrader, même sur ces zones des postes sont retirés.

ML : La situation que vous me décrivez est commune à l’ensemble des services publics.
Didier : Effectivement, c’est une logique de gestion de l’ensemble des services publics. La lutte pourrait s’étendre bien au-delà du seul service public d’Éducation sur des questions telles que l’annualisation, la casse des statuts avec le recrutement de non-titulaires… Mais il y a aussi des similarités avec le privé. Effectivement, l’État ne peut se permettre de dégraisser comme Michelin, il doit mettre des formes. À la rentrée prochaine, il y aura des licenciements de vacataires, contractuels et maîtres auxiliaires. Après la lutte des maîtres auxiliaires, le recrutement de MA a cessé et on les a remplacé par des contractuels (CDD), recrutés au niveau académique et qui dans le meilleur des cas durent 9 mois, ce qui permet de ne pas payer les congés. Cela représente environ 6 000 personnes. Les vacataires sont employés par chaque établissement, pour 200 heures/an et payé à l’heure et ils n’ont pas de congés payés (vacances ou maladies). Ce sont les journaliers de l’Éducation.

Propos recueillis par Maryla. — groupe Spartacus (Clermont-Ferrand)


Crise de foi

Cachez-moi ces dessins !

Il y a deux siècles, la nudité des statues comme celle représentée sur les tableaux choquaient les cathos. Ils parlaient d’« incitation à la débauche ». Deux siècles plus tard, les puritains reviennent en force, non par le nombre de leurs adeptes mais par la justice en traînant les dépravés et leurs œuvres démoniaques aux tribunaux, afin de faire interdire l’exposition qui à elle seule menace le monde civilisé dans lequel nous avons la joie de vivre. C’est ainsi que le musée d’art contemporain de Lyon s’est vu attaqué en justice par l’association « Action pour la dignité humaine » pour « atteintes à l’ordre public et incitation à la débauche » après avoir accroché des bandes dessinées où s’accumulent des fesses, des sexes érigés… Il s’agissait d’une expo de représentation de BD pour adultes sur la science-fiction. Un huissier de justice (qui, lui, porte atteinte au genre humain) est donc intervenu afin de faire décrocher les planches de BD, mais les représentants du musée ont refusé. C’est alors que porté par la puissance de Dieu (qui était très en colère), l’association a entamé une procédure d’urgence en justice. On les comprends… il en dépend de l’avenir de l’humanité.

Ils ont gagné en référé. Le musée a donc été condamné à payer tous les frais de justice (5 000 FF) et à accrocher une pancarte où l’on prévient les visiteurs que certaines esquisses sont « réservées à un public averti ». Jugement hypocrite puisque ces pages de BD font partie d’albums déjà publiés et en vente ! En fait, n’importe qui peut porter plainte contre une image un peu crue pour « pornographie » ou « outrage aux bonnes mœurs ». En l’absence de définition juridique, c’est au juge de déterminer si l’image est condamnable ou non. Il s’agit en réalité de faire interdire toute représentation de la sexualité. Cela incite déjà à l’autocensure, les éditeurs craignant de perdre des procès. La punition pouvant aller jusqu’à 500 000 FF d’amende et trois en d’emprisonnement ! À Angoulême, où à lieu le festival de la BD, les dessinateurs tentent de s’organiser contre cette censure, mais sur les plaquettes de présentation n’apparaît aucune dessin de nu… Quant à l’affiche de Crumb, elle n’a pas été éditée, car trop crue et pouvant choquer.

Les puritains n’aiment pas le plaisir sexuel ou les nus représentés dans la BD ; en revanche, ils ne paraissent pas dérangés par les publicités de la télé ou les femmes sont des objets, ni par les BD guerrières venant du Japon : cela est dans la norme de la société qu’ils défendent, celle contre laquelle nous luttons.

Régis Boussières. — groupe Kronstadt (Lyon)


Sonacotra, commissariats : même combat

Les responsables de la Sonacotra de la région Rhône-Alpes ont pris l’habitude d’envoyer tous les mois le fichier complet de leurs résidents, étrangers ou pas, aux agents de la police de l’air aux frontières (la PAF). La police sélectionne les clients qui l’intéressent et demande à la Sonacotra d’ouvrir la porte à six heures du matin, pour interpeller le suspect sans bruit. Le directeur de la Sonacotra, interrogé par Libération a répondu que pour lui, « il s’agit de dérapages intolérables et que des sanctions seront prises ». En attendant, les systèmes semblent bien rodés. Les listing proviennent d’une base de données interne baptisée Domus 34.

Les directeurs des foyers y entrent le nom, le prénom du résident, lui attribuent un numéro, notent son lieu de naissance, sa nationalité et la nature des papiers d’identité qu’il a présentés à son arrivée au foyer. Certains résidents sont étiquetés comme « français naturalisé » d’autres « français outre-mer » ou encore « français métropolitain » Comme pour ne pas franchement inscrire : « français noir ou blanc ». À ce sujet, la CNIL (Commission nationale informatique et libertés) précise qu’il est certes prévu « pour tous les bailleurs sociaux de recueillir la nationalité des nouveaux arrivants ». Mais pas leur origine.

En effet, un article de loi impose, depuis 1946, « aux gestionnaires de foyer de remplir, à la main, une fiche de police signée par le nouvel arrivant ». Mais il n’est tenu de la présenter à la police que « si celle-ci lui réclame » ! Si le gestionnaire doit prévenir la police dans le cas où « il découvre 15 personnes partageant la même chambre du foyer » cela afin d’éviter des poursuites pour « aide au séjour d’irréguliers ». Par contre, il n’est pas obligé de signaler les cartes de séjour périmées ou la perte de papiers de l’un de ses locataires ! Enfin, ce listing comporte « des noms de Français (nationalisés ou pas) qui n’ont pas à être signalés à la police ».

La police, en l’occurrence, apprécie à sa juste valeur le coup de main « spontané » de la Sonacotra Rhône-Alpes. Leurs listing sont remis au ministère de l’Intérieur qui vérifie nom par nom l’identité des résidents dans le fichier de la police. Si la personne est recherchée, son nom est inscrit sur un document intitulé « documentation à collecter ». Alors, on renvoie la liste à la Sonacotra qui fait son enquête, dans les foyers de la région. Le « coordinateur sécurité » photocopie le dossier complet des personnes recherchées et le remet à la PAF. Le tour est joué. Dernier acte : il ne reste plus qu’à cueillir les suspects qui ne se doutent de rien. Bravo la police !

Patrick Schindler. — Claaaaaash FA
Source : Libération 11 février 2000


Hérault : Grèves en cascade à La Poste

Les conditions de travail des postiers n’ont eu de cesse de se dégrader. Par ailleurs, soumis aux critères de rentabilité, le service rendu aux usagers s’effiloche au profit d’une politique commerciale plus agressive dans des secteurs tels que le service aux entreprises ou les placements financiers.
Dans ce contexte, l’application de la loi sur la réduction du temps de travail provoque de très fortes tensions. L’accord d’entreprise conclu il y a plus d’un an renvoie à des négociations bureau par bureau. C’est donc bureau par bureau que ça coince. Depuis presque un an, les grèves locales se multiplient.

La grève s’étend

Dans le département de l’Hérault, quelques bureaux de poste avaient connu des mouvements sporadiques durant l’année 1999. Il avait alors été difficile d’étendre ces grèves puisque 80 % des bureaux de poste ne devaient passer aux 35 heures qu’au cours de l’année 2000. La stratégie de division de La Poste semblait ne pas connaître de failles. Mais entre le 19 janvier et le 11 février un mouvement de grève s’est développé pour toucher jusqu’à une quarantaine de bureaux dans le département Il s’agissait pour les postiers de refuser que les 35 heures entraîne une augmentation des cadences de travail. Les facteurs exigeaient aussi des créations massives d’emploi, seul moyen pour que la réduction du temps de travail n’entraîne pas une charge de travail supplémentaire et pour que le service rendu aux usagers soit de qualité. Enfin, la précarité s’est trouvée au centre de ce mouvement. La poste emploie actuellement 25 % de travailleurs précaires.

Le retour de l’action directe

Parti du bureau de Saint-Jean de Védas à la périphérie de Montpellier, la grève a pu s’étendre grâce à l’action des postiers en grève. Les grévistes se rendaient dans d’autres bureaux pour leur proposer de rentrer dans le mouvement. En quelques jours, sans qu’aucun préavis de grève n’ait été déposé, une trentaine de bureaux de poste avait rejoint le mouvement. Face aux menaces de répression de la direction pour « grève illégale » les facteurs ont décidé de reprendre le travail en demandant aux organisations syndicales de poser un préavis de grève illimité pour le lundi 7 février. C’est donc à l’appel des différentes organisations syndicales (CGT, SUD, CFDT, FO, CFTC) que 80 % des facteurs des environs de Montpellier ont repris le mouvement de grève. Cette fois ci, un nombre important de précaires rejoignait le mouvement. Après une manifestation dans les rues de la ville, les facteurs réunis devant les portes closes de leur direction départementale décidaient d’occuper le point stratégique que représente le centre de tri. Ainsi plus une seule lettre ne rentrait ou ne sortait. Cette action entraîna les agents du centre de tri dans la grève.

Une direction inflexible

Malgré un mouvement d’une ampleur rare, la direction de La Poste a refusé d’engager la moindre négociation. Jouant le pourrissement du mouvement, elle envoie même des facteurs du premier bureau en grève devant le tribunal pour atteinte à la liberté du travail. Déboutée par le tribunal, placée devant l’occupation de son centre de tri, La direction de La Poste campe malgré tout sur ses positions. C’est dire du soutien politique dont bénéficient les entreprises aujourd’hui pour ne rien céder aux travailleurs en lutte. Mise en difficulté, la direction emploie alors les grands moyens. Un huissier est envoyé pour constater le blocage du centre de tri, et les responsables de chacun des bureaux de la région sont convoqués au centre de tri pour dénoncer nominalement leurs agents afin de les traduire devant les tribunaux. Épuisés par plus de trois semaines de grèves, les postiers lèvent leur occupation et en trois jours reprennent le travail bureaux après bureaux.

Généraliser les conflits

Des mouvements de grèves comme celui de l’Hérault se sont produits dans d’autres lieux comme à Besançon, Nantes ou encore Rennes. Le mécontentement, lui, est général. Pourtant aucune organisation syndicale n’a réellement tenté d’entamer une grève nationale. Il est pourtant clair que le rapport de force imposait aux postiers de généraliser leur mouvement pour gagner. Le lien avec les autres secteurs du service public où des mouvements existent également est un élément de pression supplémentaire et est aussi le moyen pour le mouvement social de jeter les base d’un nouveau projet social. C’est à nous, militants anarchistes, partout où nous sommes présent de poser des ponts entre les acteurs de ces différents mouvements revendicatifs et la population.

C’est cette démarche que nous avons chercher à développer en organisant une rencontre débat à l’Antre anar (Montpellier) avec des acteurs des grèves à la Poste, dans l’Éducation nationale et dans les hôpitaux.

Stéphane. — groupe « un autre futur »


Paroles de gréviste

Centre de tri postal de Lempdes (Clermont-Ferrand)

« Nous sommes en grève depuis la nuit du 8 au 9 février. Le conflit actuel couve depuis un moment. Après une grève dure en 1997, le staff directionnel a été entièrement changé. Depuis, les conditions de travail se sont encore dégradées, le flicage est continuel, les “menaces” écrites et les sanctions pleuvent. En deux mois, nous avons fait 7 journées de grève sur des mots d’ordre syndicaux par rapport au 35 heures. Nous avions déposé un préavis de grève pour minuit. À 23 h 45, ordre a été donné à un chantier de fournir un boulot qui n’est pas de leur ressort habituellement. Face à cette tentative de casser la grève, les huit agents ont refusé et deux d’entre eux ont reçu un blâme, les six autres de “Très sérieuses observations”. Nous avons donc commencé une grève sans avoir déposé de préavis (plus de 90 % de grévistes dans l’équipe de nuit). La CGT et SUD-PTT (les deux syndicats présents sur le centre) cherchent à axer la lutte sur les 35 heures et noient ainsi les revendications de retrait des sanctions. Ce qui me gêne c’est qu’avec les 35 heures, toutes les revendications d’augmentation de salaire passent à la trappe… En plus, cette bataille pour la baisse du temps de travail, on ne risque pas de la gagner tout seul, isolé. Je pense que le mouvement est malheureusement sur la fin, les syndicats commencent à parler de négociations. les sanctions ne seront donc pas levées, ce qui va alourdir la pression qui pèse sur chacun d’entre nous. Les titulaires coûtent trop cher, ils font donc pression sur nous pour que nous lâchions nos postes et embauchent des CDI dans le meilleur des cas et des CDD. Les CDI sont payés au smic sans perspective d’augmentation, les CDD sont soumis à des horaires flexibles. Le DRH déconseille d’ailleurs explicitement aux précaires de faire la grève et les encouragent à pratiquer la délation ! Nous payons une gestion qui se fout de la qualité du service rendu et qui vise uniquement la réduction des coûts. »

Propos recueillis par le groupe Spartacus (Clermont-Ferrand)


Cchronique anarcha-féministe

Filles voilées, femmes tenues

De temps à autre, le foulard (hidjab) à l’école revient dans les médias à l’occasion d’une grève d’enseignant-e-s, de l’exclusion d’une élève avec son corollaire habituel d’arguments anti ou pro ! Néanmoins, la question du foulard doit aussi être abordée comme un outil du contrôle social entre les mains des forces politiques qui cherchent par tous les moyens la paix sociale. La mairie de Vénissieux, banlieue de Lyon gérée par le PCF, l’a bien compris. Dans l’article « Le foulard et la laïcité » du journal Oh Xy Jeunes du Comité consultatif de la jeunesse, l’auteure explique qu’il ne faut pas exclure de l’école les jeunes filles portant le hidjab au nom de la liberté de conscience, de leur volonté d’intégration et qu’il est un choix culturel et non un signe de soumission.

Dans de nombreuses religions, les hommes se couvrent ou se découvrent devant leur dieu, de même devant leurs autorités étatiques. Quant aux femmes, la plupart du temps, elles doivent se couvrir la tête comme acte de soumission et force est de constater que cela a été étendu hors des édifices religieux. Pour la mairie de Vénissieux et pour d’autres, l’objectif est ailleurs. Leur attitude s’inscrit dans la démarche de ceux qui veulent un « islam à la française » afin de cadenasser certaines populations dans les quartiers qu’ils appellent sensibles : des flics de proximité et des imams ! Les jeunes sont leurs proies et il ne faut pas oublier les filles, elles aussi sont violentes et il y a même des bandes de filles… Autant utiliser la question du hidjab, elles ont leur place à l’école, voilées ou pas, surtout qu’elles réussissent si bien par rapport à leurs frères. Une fois de plus, le relativisme culturel est manipulé à l’encontre des femmes.

Danielle. — groupe Lucia Saornil


Autriche : la trajectoire du FPÖ

En 1949, l’Autriche lève l’interdiction empêchant les partis d’extrême droite de se présenter aux élections. La même année, d’anciens membres du NSDAP, le parti hitlérien, créent le VdU afin de présenter leurs candidats. Entre 1955-56, le VdU fusionne avec le Freiheitspartei, ce qui donne le FPÖ désirant associer « la tradition nationaliste germanique aux perspectives libérales ». Jusqu’en 1978-79, le FPÖ reste dominé par d’anciens nazis. Lors du congrès de 1964, le second dirigeant du parti, Friedrich Peter, « se prononce pour une ouverture libérale » du FPÖ, situation permise par le décès du premier dirigeant, Anton Reinhthaller, hitlérien notoire. Ce changement d’orientation provoque la scission de son aile droite qui crée le NDP (sur le modèle allemand) autour de Norbert Burger.

Vers le libéralisme

Dès 1971, le FPÖ se dote d’une structure, le cercle Attersee, donnant à ce parti des bases libérales tout en formant ses futurs cadres. De ce cercle émerge Norbert Steger qui prend la présidence du FPÖ et le lance vers la participation gouvernementale. Cette première coalition gouvernementale avec Le FPÖ se produit avec le parti social-démocrate le SPO, en 1983 (1). L’ancien dirigeant refait surface et Le Monde rappelle que certains sociaux-démocrates du SPO hésitaient dernièrement à reproduire l’alliance faite naguère par la figure historique du SPO, Bruno Kreisky, qui forma un gouvernement avec ces libéraux conduits par Friedrich Peter (ancien officier SS) qui acceptait pour cela, « en cas de force majeure » souligne Le Monde de « s’asseoir à une table avec des francs-maçons ou des juifs » (2).

Ascension électorale du FPÖ et de Jörg Haider

Jorg Haider, adhérent depuis l’âge de 14 ans du RFJ, le cercle de la jeunesse libérale, organisation de la jeunesse du FPÖ, et s’étant rallié à la candidature de Steger, décide en 1983 « d’incarner l’opposition nationaliste » au sein du FPÖ. Il rafle la présidence du parti en 1986 par son approche de la base nationaliste du FPÖ en rendant son mandat de député à Vienne pour se consacrer a la Carinthie.

En 1989, le parti d’Haider obtient en mars 29 % des suffrages grâce à l’appui de l’OVP (parti des conservateurs) et accède au poste du gouverneur de la Carinthie que ses propos du 13 juin 1991 en faveur de la politique d’emploi du IIIe Reich lui feront perdre. Il est contraint à la démission par le vote, le 25 juin, d’une loi que les députés de la diète régionale acceptent de voter. Cela n’entrave pas le FPÖ ayant déjà obtenu en 1989 15 % des voix dans le Tyrol et à Salzburg. Les élections régionales de 1991, concentrées sur le thème de l’immigration apportent au FPÖ 22,6 % des voix à Vienne. En Styrie, elles passent de 4,5 % à 15,4 % et la Haute-Autriche perd son ancrage à gauche (17 %) dont plus de 25 % des voix dans les quartiers ouvriers de la capitale.

Suite à sa démission forcée, Haider opère un virage dans son discours et se place dans la ligne de la droite autoritaire. S’appuyer sur le thème immigration, il espère aussi ratisser les voix socio-démocrates et lance en 1992 son programme « L’Autriche d’abord » sous forme de consultation populaire sans toutefois obtenir les 500 000 voix espérées (alors que 100 000 suffisent pour que la demande puisse être examinée). Ce programme demandait un amendement constitutionnel signifiant que l’Autriche n’est pas un pays d’immigration et proposait un arrêt de l’immigration jusqu’à ce que le chômage baisse à 5 %. Ce projet souleva l’indignation des partis politiques et des Églises protestantes et chrétiennes [?]. Ce qui n’a guère empêché cette année Mgr Kurt Krein d’exprimer son estime a Haider en conseillant aux Autrichiens de laisser faire (3). Alors que le chancelier SPO Klima n’avait pas encore refusé la formation d’un gouvernement SPO minoritaire, ce qu’il fit le 2 janvier 2000.

Après ses purges de 1986, au sein du FPÖ, Haider les reprît en 1992 afin de rediriger le groupe parlementaire FPÖ une fois son poste de gouverneur perdu. Il évinça de cette présidence Norbert Gugerbauer qui avait choisi comme candidate FPÖ aux présidentielles de 1992 Heide Schmidt, laquelle obtint 16,4 % des voix. Schmidt et Gugerbauer, membres de l’aile libérale s’étaient opposés au programme « L’Autriche d’abord » et permis de critiquer la nomination par Haider d’Andreas Mölzer à la tête le l’Institut de formation du FPÖ, Mise en minorité Schmidt créa avec trois autres ex-FPÖ le parti du Forum libéral. Cette scission isola le FPÖ au sein de l’Internationale libérale. Malgré un recul local des voix du FPÖ en mars 1997 en Carinthie, les électeurs de cette région votèrent à 37,3 % FPÖ lors des européennes d’octobre 1997. Lors des régionales de 1999, Haider obtient en Carinthie 42 % des voix ce qui lui rend son poste de gouverneur. Le 3 octobre 1999, lors les présidentielles, le FPÖ a teint 26,91 % des voix au niveau national et devient la seconde force politique derrière le SPO. Ce qui lui offre plus de 50 députés sur 183, cinq ministres et une vice-chancellière.

L’idéologie hitlérienne

La nomination d’Andreas Mölzer visait à flatter la base nazie du FPÖ, Mlölzer était en contact avec les milieux néo-nazis d’Europe et écrivait dans la presse d’extrême droite. En Carinthie, le conseiller culturel d’Haider est le rédacteur en chef d’une revue dont les thèses révisionnistes qu’elle véhicule lui valent d’être poursuivi en justice (4). Haider joue sur toute la symbolique nazie : graphisme d’affiches et tracts au look IIIe Reich ; attaques ciblées envers les peintres (Anton Kolig et Oman Valentin) et écrivains (Elfriede Jelinek) pour cause d’« art dégénéré » ; désert culturel hormis la Volkskultur, « la culture du peuple » (thème majeur de la Nouvelle droite, d’Alain de Benoist à Mégret) ; parallèle établi par CRIDA entre l’envoi de lettres piégées revendiqué par un groupe néo-nazi et les discours d’Haider pour le renforcement de l’État policier (les groupes néo-nazis, selon le CRIDA étant la cinquième roue du carrosse du FPÖ) (5) ; création en Carinthie d’une immense scène théâtrale lui servant surtout de tribune politique ; conférences ou commémorations sur lieux historiques du passage de Hitler.

La récente demande d’Haider de dédommager les Allemands expulsés des Sudètes ne se contente pas de vouloir, par ce fait, tenter une équivalence entre génocide et expulsion d’Allemands mais cherche à se rallier l’appui en Allemagne des puissantes organisations de réfugiés touchant, au-delà de la droite et de l’extrême droite des fractions du SPD (socialistes) et des Verts. Sur ce points, le point, le CRIDA appelait à la vigilance (6). Ce thème est propice à la réécriture de l’histoire.

L’immigration et le gouvernement autrichien

Dès 1992, les socio-démocrates du SPO et les conservateurs de l’OVP hésitèrent a s’allier avec Haider. La crainte de voir une partie de leur électorat se tourner vers Haider leur fit débuter cette surenchère sur l’étranger, bouc émissaire, qui fait la gloire des pays d’Europe, de la France à l’Autriche et qui, parfois, dérape sérieusement lorsque des foules déchaînées retrouvent le goût des cendres et des pogroms comme cela vient de se produire en Andalousie envers les réfugies marocains. Tous les partis politiques sont responsables de cette montée de xénophobie incendiaire qui ne fait que le jeu de l’extrême droite une fois de plus, les socio-démocrates et les conservateurs ont fait le lit du fascisme déguisé sous sa forme libérale. Madelin de Démocratie libérale n’a pas voulu condamner l’Autriche tout comme il dût, contraint, condamner les maires de droite pactisant en France avec le FN.

Qu’Haider aujourd’hui ferme les écoles bilingues austro-slovènes, qu’il veuille enregistrer les empreintes digitales des étrangers, leur coller une carte d’identité particulière (ce qui est le cas en France), et entreprendre particulièrement la chasse aux immigrés de l’Est européen, tout cela les socio-démocrates et les conservateurs le savaient.

Ils n’ont pas attendu que le FPÖ ait des ministres pour appliquer des lois anti-immigrés. En 1992, le chancelier et le ministre de l’Intérieur édictaient des lois restrictives alors qu’ils appartenaient tous deux au SPO : contrôle rigoureux des activités professionnelles des étrangers ; quota strict d’immigration dépendant de la main-d’œuvre (20 000 à 25 000/an) ; refus quasi systématique des demandes d’asile politique au prétexte de passage de frontières sans danger ; conditions strictes pour l’acceptation de l’immigré (revenu, métrage d’habitat, etc.).

Tous les demandeurs d’asile sont internés (détenus). En 1996, sur 14 700 demandeurs d’asile placés en détention provisoire, 10 100 ont été expulsés. Suite à la victoire d’Haider, un sénateur italien d’extrême droite a décidé de se naturaliser autrichien. Entre fascistes, on se comprend. D’ailleurs, ils sont avant tout Européens !

Joaquim Lopez

(1) Rapport du CRIDA 1998
(2) Le Monde du 28 janvier 2000
(3) Le Monde libertaire (13 au 19 janvier 2000, Chronique « Crises de foi »)
(4) Le Monde du 3 février 2000
(5) Rapport du CRIDA 1998
(6) Rapport du CRIDA 1998.


Belgique

Solidarité avec les sans-papiers

Angela Vandewiel, du VAK, un comité étudiant gantois, indépendant de tout parti politique, déclare qu’elle s’attendait à ce que de nombreux réfugiés saisissent l’occasion, qui se présentait, avec l’espoir d’obtenir un droit de résidence légale. Elle trouve cependant étonnant que tant de personnes aient tenté leur chance, alors que les critères de la loi sont non seulement très vagues, mais également discriminatoires. Étant donné que ces critères pourront être appliqués de manière très stricte, ou très souple, l’appréciation des dossiers par les autorités dépendra de la pression exercée par l’entourage des sans-papiers. Cette loi ne va pas assez loin, le VAK revendique une régularisation générale de tous les sans-papiers.

Les déclarations gouvernementales ne laissent subsister aucun doute. D’un côté, un nombre restreint de régularisation, de l’autre l’expulsion de tous les « non régularisables ». Il faut créer un réseau d’adresses pour accueillir et protéger les réfugiés contre les forces de l’ordre. On peut sensibiliser les passagers des avions de ligne, pour qu’ils manifestent leur opposition lorsqu’une personne est expulsée. L’attitude des voisins du quartier lorsqu’un sans papiers risque d’être expulsé sera déterminante. Il faudra qu’ils marquent leur solidarité à leur égard.

70 % des demandes de régularisation concernent des célibataires entre 30 et 40 ans. Très intéressant pour les employeurs à la recherche d’une main-d’œuvre à bon marché. On comprend pourquoi la régularisation n’est pas plus large : il y a des gens intéressés à ce que cette situation dure, ils pourront continuer à payer des illégaux à 10 FB de l’heure.

Une anecdote à ce sujet : dans le petit village d’Havay, situé à 10 km de Mons, et de Maubeuge, il y a un château « La Ferme de Beauvoir ». Elio Di Rupo, président du PS francophone, et ministre président de la Communauté française envisage de l’acheter. Mais il y a quelques travaux de maçonnerie à réaliser. La Société qui est actuellement propriétaire du château est dirigée par la famille Declercq [De Clerck], bien connue dans les milieux politiques belges et dans le monde de la haute finance.

L’ancien ministre de la Justice en fait d’ailleurs partie. Afin de mener à bien les délicats travaux de maçonnerie, cette Société, la SA Beauvoir, utilise de la main-d’œuvre clandestine qu’elle fait revenir de Pologne, via une filière de négriers de Courtrai, dirigée par une certaine Mikulec. Ces clandestins qui préparent le nid douillet de Di Rupo sont payés de 15 à 20 FB de l’heure. Il est évident qu’ils n’ont pas introduit de demande de régularisation, sur les conseils de leurs patrons, qui leur garantissent l’impunité, tout en leur accordant l’aumône.

Cerise. — groupe Soleil noir (Mons)


Cinéma

Berlinale 2000 : Des films à la traîne des événements

Révolution digitale ? Révolution numérique ? Sony organisait dans sa tour une projection « Haute Définition » du film de Wim Wenders The Million Dollar hotel. But de l’opération : convaincre la profession encore réticente de l’efficacité du transfert 35 mm en images haute définition. Un projecteur HDTV (Haute définition TV) coûte encore 100 000 DM soit plus de 300 000 FF. Sony a investi la Potsdamer Platz, sa tour que surplombe une coupole de verre et d’acier est une des plus belles bâtisses du nouveau centre de la Berlinale 2000, autour de la Potsdamer Platz. La seule révolution dont il était question dans le 50e Festival de Berlin, était donc technologique… Les cris autour de l’arrivée de Di Caprio (The Beach de Danny Boyle, d’après le livre de Alex Garland) n’ont pas fait taire les écologistes thaïlandais qui avaient dénoncé les destructions massives de zones côtières protégées, où le tournage du film avait eu lieu. Ils demandent 20 millions de dommages et intérêts à la 20th Century Fox…

Politiquement, les films sont donc à la traîne des événements. Schlöndorff traite à travers le destin d’une jeune femme ex-terroriste de la RAF vivant sous une fausse identité en RDA un thème délicat car après la chute du mur, la RDA avait livré ces repentis aux autorités fédérales alors qu’elle avait refusé auparavant l’extradition au nom d’une lutte anticapitaliste commune. Film sans génie cinématographique, pourtant inspiré par la trajectoire réelle de Inge Viett, il ne nous surprend jamais. Die Stille nach dem Schuß (Le silence après le tir) évoque le terrorisme des années 60 en se concentrant sur les choix d’une femme éliminée sans scrupules par le terrorisme d’État.

En revanche Heimspiel de Pepe Danquart s’attaque à la coexistence toujours conflictuelle des deux ex-États allemands : ce documentaire brillant raconte l’histoire d’une équipe de hockey sur glace de l’ex-RDA. Leur dopage est naturel, inter-allemand. Il suffit de jouer contre une équipe ouest-allemande et la montée d’adrénaline est garantie. L’envie de s’agresser entre supporters d’équipes adverses est évitée, est même rendue impossible. Dans le stade, ils ne peuvent se rencontrer, le terrain les sépare. Voila à quoi sert le génie allemand de l’organisation.

Le pavé social dans la mare des drames relationnels et familiaux ordinaires arrive avec La Voleuse de Saint-Lubin. Basé sur un fait divers, une mère de famille démunie vole de la viande dans un supermarché, Claire Devers récrée l’histoire de Françoise Barnier, traînée par deux fois devant les tribunaux. Dominique Blanc qui l’interprète joue tout en finesse cette femme simple et droite qu’on ne peut humilier. Elle vient d’une famille où « être pauvre n’est pas une honte ». Le film montre comment le FN local cherche à exploiter cette affaire. Diffusé par Arte le 18 mars, la chaîne a été amenée à brouiller le sigle FN dans plusieurs séquences pour éviter un procès.

Les autres thèmes récurrents, l’usure des sentiments, la recherche d’une famille de cœur sont particulièrement bien traités dans les films français sélectionnés par les différentes sections du festival. Ainsi, Gouttes d’eau sur pierres brûlantes de François Ozon avec Bernard Giraudeau qui campe un séducteur-jouisseur sans scrupules, est tourné d’après une pièce de jeunesse de Faßbinder. Un couple d’homosexuels qui pourrait être père et fils, leur existence petite-bourgeoise basée sur la domination et la soumission « où celui qui aime souffre toujours plus », est enregistré froidement, témoignant de la tragédie de la fin d’un amour.

[ photo à récupérer : Gouttes d’eau sur pierres brûlantes ]

Mo de Fu Quin Mu Quin (la route qui mène à la maison), film tourné dans une campagne aride où la venue d’un instituteur et la construction d’une école vont transforme une jeune fille contemplative en amoureuse transie suractive. Commentaire laconique des administrateurs du village « notre premier cas d’un amour si franchement déclaré ». Au cinéma on apprend parfois concrètement des choses : ici, comment sont réparés les bols en céramique : une ficelle tient les différents fragments ensemble, tisse sa toile d’araignée. Puis de minuscules trous sont percés à plusieurs endroits. Des agrafes métalliques tiennent les parties disjointes ensemble. Un chef-d’œuvre d’art et de tradition populaire. L’interprète (on dirait une petite sœur de Gong Li) se joue de tout cela. Elle balaie tous les obstacles. Comme Yu kong, elle déplace les données et les traditions du village, mais elle ne le fait pas pour construire le socialisme, elle le fait pour que l’instituteur qu’elle aime, revienne au village. Dommage qu’une musique mielleuse et tonitruante gâche un peu ce bijou.

Un autre film travaille le même filon, mais de façon ironique, c’est Paradiso, sept jours avec sept femmes de Rudolf Thome, qui laboure la terre de l’utopie avec sérénité. Un compositeur invite, pour fêter ses 60 ans, les 7 femmes de sa vie. Rencontre de tous les dangers : sa première femme est devenue religieuse, son fils dont il ne s’est jamais occupé, l’assomme d’un bon coup de bâton, mais tout le monde va planter un arbre (Thome n’a peur d’aucun cliché) se mettre à boire, à manger et à danser.

À côté de ce déferlement de pays riches, le film simple de Nuri Bilge Ceylan semble venir d’une autre planète. Mayis Sikintisi (Soucis de mal), film turc, est la description laconique des conditions sociales de la vie en Anatolie. C’est aussi une réflexion sur la Turquie rurale, sur les rapports entre jeunes et vieux, ruraux et citadins, grands-parents et petits-enfants, père et fils etc. Un vieux lutte pour garder les arbres qui entourent son champ. Le fils cinéaste, au lieu de filmer l’histoire de ce combat solitaire, s’engage dans la voie du conformisme et reste totalement fermé aux soucis de son père. Un film minimaliste qui exige patience et écoute. Mais qui vous récompense par la sensation agréable d’avoir vu la vie et ses flèches prêtes à partir. La réalité sociale émerge des gestes simples, des épreuves réelles et imposées. Un bonheur.

Heike Hurst (« Fondu au Noir » — Radio libertaire)


L’amour libre

Qu’en est-il de l’amour libre ? « Les publications de La Question sociale » avaient ouvert le débat avec une première brochure où des militantes libertaires d’hier et d’aujourd’hui s’exprimaient sur le sujet. Mais, et les hommes ? Voici donc le second volet de la question. L’amour libre vu par E. Armand dans un texte publié pour la première fois en 1925, et auquel Yeun apporte son point de vue et son expérience d’aujourd’hui. Ces deux textes mis face à face sont extrêmement intéressants. E. Armand prônait l’amour libre dans une société qui, faut-il le rappeler, n’était pas vraiment prête à recevoir ces idées nouvelles (l’est-elle plus aujourd’hui ?). Ses propos portent à la réflexion des thèmes comme « L’éducation sexuelle », « La cohabitation » ou « La jalousie ».

Si parfois E. Armand s’égare à proposer quelques formules pour le moins malheureuse telle que « Tous à toutes et toutes à tous » (il avait l’écriture facile et ne se relisait peut-être pas toujours très attentivement !), il eut aussi le mérite d’écrire, en 1925 : « À “L’amour esclave”, la seule forme d’amour que puissent connaître les sociétés autoritaires, l’anarchiste oppose donc “l’amour libre”. À la “dépendance sexuelle”, c’est-à-dire à la conception régnante qui veut que la femme soit le plus souvent une chair à plaisir, l’anarchiste oppose la “liberté sexuelle”, autrement dit la faculté, pour les individus de l’un ou l’autre sexe, de disposer à leur gré de leur vie sexuelle, de la déterminer selon les désirs et les aspirations de leur tempérament sensuel ou sentimental. »

Ce texte d’E. Armand est suivi de « La Guillotine du siècle et les petits enfants du sexe », écrit par Yeun, qui s’interroge sur les propos E. Armand, avec justesse : « Bien que novateur et subversif, écrit Yeun, le texte de E. Armand est par certains aspects une voie masculine reflétant à bien des égards le système, où, en tant qu’homme, il est avantageusement embourbé ; et cela malgré son désir anarchiste d’égalité. Moi-même homme, je bénéficie des avantages liés à mon sexe dont l’étendue m’est régulièrement rappelée face à des questions comme : quelle place me laisserait-on dans telle situation si j’étais une femme ? »

Le débat est ouvert… et il y a encore bien des choses à dire sur ce sujet. Gageons que les « publications de la Question Sociale » ont encore d’autres textes dans son sac… Et précisons que toutes les réactions, avis, etc. sont les bienvenues et contribueront à enrichir ce débat.

Cathy Ytak

L’Amour libre, points de vue masculins. Une publication de La Question Sociale. en vente à la librairie du Monde libertaire. Où à commander directement à : La Question Sociale, BP 66 08120 Bogny-sur-Meuse. 38 FF, port compris.


Dijon : Action antifasciste contre Soisson

Samedi 12 février à 15 heures, Monsieur Soisson, président du Conseil régional de Bourgogne, élu avec les voix des représentants du Front national, ancien ministre de droite et de gauche, opportuniste du jeu politique et aussi historien à ses heures perdues, devait dédicacer aux Galeries Lafayette (centre-ville de Dijon) son livre sur Charles Quint. Des individus de la mouvance libertaire dijonaise et de Ras l’Front décidèrent d’y participer à leur manière.

Après une brève assemblée générale, nous nous donnons rendez-vous vers 15 heures au troisième étage (lieu de dédicace) du magasin. Nous laissons quelques minutes à « Monsieur le président » pour qu’il s’installe confortablement, pour qu’il commence à dédicacer devant la caméra de France 3. C’est alors que nous nous regroupons autour de « Monsieur le président » en criant des slogans (Soisson collabo, Soisson, facho, Soisson démission). Certains déploient une banderole du Scalp et d’autre distribuent des tracts sur la montée de l’extrême droite en Europe.

Au début, il apparaît imperturbable. Au bout d’un quart d’heure, les slogans hostiles continuant, « Monsieur le président » n’en pouvant plus, décide de quitter le lieu et de partir par l’issue de secours. C’est sous les applaudissements et les cris de joie que nous l’y accompagnons. Tout en distribuant des tracts au clients, tranquillement, nous quittons les lieux. Nous nous retrouvons devant une des entrées du magasin et continuons la diffusion du tract.

Un compagnon resté dans le magasin nous signale que la direction a installé Soisson dans un placard, proche de l’issue de secours et que les clients qui souhaitent obtenir une dédicace sont accompagnées vers sa cachette. Après une rapide discussion, avec l’appui de compagnes et compagnons venant d’arriver, nous pénétrons à nouveau dans le magasin et nous nous dirigeons vers la cachette. Nous arrivons, le placard est vide : plus de « Monsieur le président ». Il est parti par l’issue de secours.

Nous restons jusqu’à ce que les livres soient enlevés et que nous soyons pratiquement sûrs qu’il ne reviendra pas. C’est en regardant les informations locales que nous avons appris que le résultat de notre action est une réussite.

groupe libertaire dijonnais


Manifestation anarchiste à Lyon contre tous les fascismes

Le vendredi 18 février, l’union locale de Lyon de la Fédération anarchiste appelait à un rassemblement pour dénoncer la place faite à Haider et à l’extrême droite à l’Autriche. Le but était de susciter une riposte antifasciste radicale, dans un contexte où l’ensemble des forces de gauche fait mine de s’étonner de l’arrivée aux affaires du FPÖ.

Pendant ce temps, elle continue allégrement à expulser des sans-papiers, tout en exploitant le filon antifasciste. Ce sont donc plus de 150 personnes qui se sont rassemblées devant le consulat d’Autriche, pour poursuivre ensuite avec une manifestation en centre ville. La mobilisation a été assurée par les différentes composantes du mouvement libertaire lyonnais, ce dernier tenant à réaffirmer que, en Autriche comme en France, la banalisation de l’extrême droite commence par la chasse aux immigrés. C’est dans cet état d’esprit que nous sommes allés interpeller cette même gauche-poubelle dans son initiative anti-Haider de samedi 19 février. Les sans-papiers et leurs soutiens entendaient bien la mettre en face de ses contradictions en distribuant un tract rappelant la politique d’immigration de la gauche au pouvoir.

Quel que soit le gouvernement en place, les anarchistes sont déterminés à combattre toute attaque aux libertés et aux conditions de vie des immigrés et plus généralement toutes les expressions explicites ou larvées du fascisme.

Union locale de Lyon


Justice pour Zamani

Mardi 8 février dernier, Zamani Derni est décédé à la Maison d’arrêt de Nantes : un mois avant sa sortie… La famille est prévenue laconiquement par un simple coup de téléphone. La version : « suicidé par pendaison au mitard »… « Or le corps de la victime porte des faibles griffures au cou mais par contre sa tête présente de nombreuses marques, ses aisselles et ses chevilles sans doute attachées portent des traces de contusions, ses hanches sont marqués de gros hématomes, les plantes des pieds sont couvertes d’hématomes ainsi qu’un trou de piqûres… Les photographies sont sans équivoques : Zamani a subi des sévices qui ont provoqué sa mort ! Depuis la maison d’arrêt de Nantes disparaît devant les questions et ne donne pas suite à sa demande de certificat officiel de décès.... » Tel est le début du dernier communiqué envoyé par le comité de soutien qui se constitue et auquel se joint le groupe FA de Nantes.

Alors que les médias récemment nous ont parlé de rats ou de cafards en prison, que l’on nous promet des améliorations, il faut oser dire clairement que la prison est un lieu de non droit où l’individu-e emprisonné-e est un « numéro » avec lequel l’administration et ses sbires peuvent jouer allégrement… La corporation des matons (entre autres à travers de l’UFAP) se défend dans la presse nantaise d’être des assassins et tortionnaires. Pourtant un de ses représentants sur France 3 le 20 janvier dernier n’a trouvé que le mépris devant la douleur d’une famille ayant perdu un des leurs en détention : « Un détenu qui se suicide, c’est une évasion réussie… »

Medhi Reziga, Jawad Zaquiya, Thomas Herschkhorn, Nordine Bara, Samil Massioui, Laurent Langlois, Nordine Haamcha, Paul Asmus…, la liste est longue. Trop de morts suspectes pour ne pas mettre en doute le fonctionnement de la pénitentiaire. Trop de zone d’ombre, trop de dissimulations pour ne pas penser à une politique raciste et violente de la part des gardiens. Trop de passage à tabac, trop de menaces de mort, de violences corporelles et psychiques pour n’y voir que des actions rares et « regrettables » Trop de silence, d’affaires classées pour ne pas y voir une administration au mieux embêtée par tant de zèles de la part de ses salariés au pire complice. Sans se faire d’illusion sur le droit et l’intervention de la justice, nous devons réagir à chaque assassinat, interpeller faire savoir pour qu’un jour on ne puisse plus tuer, torturer en toute impunité.

Régis. — groupe FA Nantes

Actions :
• Nantes : vendredi 25 février de 13 à 15 heures devant la Maison d’arrêt
• Angers : samedi 26 février, 14 h 30 devant la Maison d’arrêt
Pour joindre Comité de Soutien à Zamani : 02 40 93 05 54
Association des familles en lutte contre Insécurité et décès en détention : Agora, 4 chemin du Mont Pilat, 69120 Vaux-en-Velin. Tél : 04 72 04 57 35.


8 mars 2000 : procès de Marie-Athée

Après deux reports d’audience (pour problèmes de santé et indisponibilité de l’avocat), le procès de notre camarade se tiendra finalement le 8 mars 2000. Le récent procès intenté par Pajon, Maire socialiste de Noisy le Grand à l’encontre du Monde libertaire est là pour nour rappeler que les procès sont toujours des actions de long terme.

Pour mémoire, cette militante anarchiste s’est fait interpeller le 6 mai dernier sur le trottoir du boulevard Voltaire à Paris suite à une action menée par une dizaine de personnes cagoulées contre une agence Carlson Wagons Lits Travel (entreprise qui se fait rétribuer par le gouvernement pour expulser des sans papiers). Après avoir été coursée et tabassée par le gérant de l’agence, le pugilat a été stoppé par deux CRS.

Des autocollants anarchistes trouvés dans son sac à main ont font aujourd’hui une coupable idéale et la justice reproche à cette militante de 56 ans à la santé fragile d’avoir saccagé l’agence « Carlson wagons lits travel ». Un collectif de soutien s’est constitué afin de réagir à ce nouvel exemple de criminalisation des militants du mouvement social, de protester contre le siège de Carlson, et d’assurer une solidarité militante le jour du procès.

C’est pourquoi la Fédération anarchiste appelle à une large mobilisation le 8 mars 2000 à 13 heures 30 à la 10e chambre correctionnelle du Tribunal correctionnel de Paris.

Fédération anarchiste