Accueil > Archives > 2000 (nº 1187 à 1225) > 1206 (18-24 mai 2000) > [articles du ML1206]

articles du ML1206

du 18 au 24 mai 2000
Le jeudi 18 mai 2000.

https://web.archive.org/web/20031025124049/http://www.federation-anarchiste.org/ml/numeros/1206/index.html

[ images à récupérer ]



L’économie solidaire gère la misère

Partageons les richesses

Le chômage est en train de disparaître. Pour le gouvernement, il s’agit d’un succès indéniable de la politique économique et sociale de la gauche qui a donc tenu ses promesses électorales. Ainsi, le chômage, enjeu majeur des nouvelles régulations économiques, une fois maîtrisé, marquerait l’avènement d’un capitalisme à visage humain.

C’est ce qu’on voudrait nous faire croire. Mais peut-on confondre la fin du chômage avec l’institution de formes de sous-chômage, l’économie solidaire et la transformation sociale, le management participatif et l’autogestion ?

La précarité masquée

La gauche gestionnaire a déjà réussi la performance de faire du chômage une situation enviable au regard des statuts précaires qu’elle a mis en place. Après les TUC, CES, Emplois familiaux et les emplois jeunes, l’emploi sous ou pas du tout rémunéré tend à se substituer à l’indemnisation automatique des chômeurs. Le patronat fait d’ailleurs de nouvelles propositions dans ce sens pour mettre la pression sur ceux qui sont peu tentés par la réinsertion esclavagiste qu’on leur propose. Avec les CARE (carte au retour à l’emploi) il deviendrait impossible de refuser les stages bidon sous peine de se voir couper les vivres.

Le gouvernement participe de plain-pied à ce processus, mais soucieux de sauver la face avant les élections, il met en avant une nouvelle coquille vide : « l’avant-projet de loi sur la modernisation sociale ». Il s’agissait au départ d’une tentative de généralisation de l’amendement « Michelin » qui obligerait toute entreprise à négocier sur les 35 heures avant d’entamer un plan de licenciements. Que le patronat se rassure puisque la proposition finale n’ira même pas jusque-là. Ce n’est qu’une pseudo tentative d’adoucissement des procédures de licenciement (aide à la gestion prévisionnelle des emplois, comité d’entreprise obligatoire avant de virer les gens…). Les 2 500 futurs licenciés ou préretraités de Michelin apprécieront la différence…

L’économie sociale… libérale

Pendant que le patronat monopolise l’attention des syndicats, le gouvernement veut libéraliser la gestion de la précarité. L’ANPE est mise en concurrence avec des entreprises de réinsertion privées alors même que les caisses de l’UNEDIC n’accusent aucun déficit. Et les fonds de pension commencent à grignoter le « marché » des retraites complémentaires. Fabius, l’ami des banquiers, a mis en place un PPES (plan partenarial d’épargne salariale) qui permet de commencer à mettre à disposition du Capital une partie des fonds de retraites.

À l’intérieur même des services publics on impose au personnel des critères de rentabilité, et des modes de fonctionnement du secteur concurrentiel. Cette mise au pas de l’économie sociale, alors que l’économie libérale produit toujours plus de misère et d’inégalités, renforce la dégradation des conditions de vie des plus démunis.

Face à cette situation explosive, le gouvernement entend surtout sous traiter la gestion de la misère. Il veut promouvoir l’emploi dans des secteurs associatifs à gestion privée ou mixte travaillant dans les domaines de la réinsertion, de l’environnement, des services aux personnes… Il s’agit de « réparer » les dégâts du capitalisme par le développement d’une économie solidaire.

L’économie solidaire : sois bon et tais-toi

Pour éviter la contestation la classe dirigeante veut remettre tout le monde au travail. Les plus démunis sont stagiairisés, tandis que d’autres un peu plus diplômés sont chargés de leur encadrement. Ces derniers payés chichement doivent se contenter de la reconnaissance due à un travail d’utilité sociale.

Le domaine de l’économie solidaire lié au développement de la précarité s’élargit au fur et à mesure du démantèlement des services publics. Il faut bien des assistants à domicile quand les hôpitaux ferment, des animateurs pour occuper de jeunes banlieusards désabusés, et pour cause, par l’avenir qui leur est réservé.

Peu à peu c’est l’idée d’entreprise éthique fait son chemin, avec des modes de fonctionnement qui sont ceux d’une entreprise lucrative, mais qui de part leur « utilité sociale » permettent aux travailleurs de ce secteur de se reconnaître dans une idéologie « humanitaire » plus à même de rencontrer leur adhésion qu’un individualisme à tout crin.

On ne peut que constater le mensonge de la stigmatisation du chômeur « assisté » puisqu’on voit ici une réalité des motivations au travail beaucoup plus altruiste, qui est mise en avant par l’Etat pour convaincre !

Détournement d’anarchie

Si l’économie solidaire semble proche du catholicisme social et d’une idéologie d’implication post soixante-huitarde, elle peut aussi véhiculer la véritable aspiration des individus à prendre leur destin en main. À l’image des mineurs de Tower Colliery devenus propriétaires de leur mine et du même coup otages d’une banque. D’inspiration autogestionnaire, leur initiative est mise au service de la propagation du petit actionnariat, on ne leur a pas laissé le choix… La nouvelle situation des mineurs loin de les satisfaire les a poussés à de nouvelles grèves, alors que les dirigeants sont des mineurs au pouvoir décisionnel limité avec un mandat de trois ans.

Aujourd’hui les aspirations autogestionnaires qui traversent aussi les luttes sociales sont bafouées et récupérées par un État auquel il ne faut jamais oublier de rappeler que nous entendons autogérer les richesses et pas la misère.

Jean-Pierre. — groupe Kronstadt (Lyon)


Demain on rase gratis !

Si nous pouvons dater l’invention du capitalisme au tout début du XIXe siècle, il est en revanche bien hasardeux de définir le moment où, et pourquoi, dans l’histoire des sociétés humaines, la production des objets et des échanges sociaux, a acquis une valeur marchande.

On peut quand même dire qu’il y a surement plus d’une paye et que cela a touché presque toute la planète. Cette mondialisation (déjà) de la valorisation des échanges a été un des éléments clés à la base de la structuration des sociétés en classes, en hiérarchies, en relations sociales de domination et d’exploitation. Depuis, le modèle s’est amélioré. Nous en sommes aux stocks-options et à la monnaie électronique, mais les structures mentales que cela sous-tend n’ont, elles, pas évoluées d’un iota.

La suppression de la valeur marchande a rarement fait partie des programmes électoraux et il n’y a guère que chez quelques barbiers à l’humour ambiguë qu’on peut voir des pancartes « demain on rase gratis ».

Pourtant l’idée de gratuité c’est à dire d’une société débarrassée du fric doit être aussi ancienne que les rapports marchands, mais quelqu’un ou quelqu’une a-t-il jamais pensé à nous rapporter cette histoire ? Il est vrai que les universitaires de notre époque préfèrent écrire l’épopée d’un Berliet ou d’un Michelin. C’est plus dans l’air du temps et ça fait tellement plaisir aux ci-devants.

C’est que pour tout capitaliste qui se respecte la gratuité c’est l’ennemi, puisque par définition il n’y a aucun profit dans l’échange non marchand.

Pour l’accapareur toute activité humaine peut et doit se transformer en service, se quantifier et se vendre. Achètera qui pourra. Ce processus de marchandisation de l’activité humaine touche en ce moment même ce qui reste de services publics et nombre d’entre nous contestent cette politique parce que conscients que la distribution d’électricité, les transports collectifs, les hôpitaux, l’éducation ou la distribution de l’eau sont des besoins vitaux. Une grande partie de la population vit encore avec cette idée, saugrenue et archaïque pour le boursicoteur, que la société doit assurer l’accès à ces productions à chaque individu. Ce n’est certes pas la gratuité en actes mais l’assurance d’un minimum de traitement égalitaire qui est exigé.

De la même manière le sabotage systématique de la protection sociale inquiète la grande majorité des salariés qui pressentent bien que leurs possibilités de capitaliser des actions pour acquérir une retraite ou payer leurs frais de santé sont plus qu’illusoires. Ce lien d’entraide entre individus ne renvoie pas non plus directement à la gratuité mais repose néanmoins sur l’idée que chacun donne selon ses moyens et reçoit selon ses besoins, en dépit d’inégalités sociales évidentes. Pour le moment il n’y a pas de montant limite de remboursement de soins lié à la cotisation versée et la retraite est payée aussi longtemps que l’on vit. Mais est-ce bien conforme à la logique d’équité qui a saisi nos immenses dirigeants ? N’y a-t-il pas là des économies à faire dont pourrait bénéficier l’actionnaire-roi ? Aller savoir…

Le libéralisme détruit la liberté

La mondialisation capitaliste s’accompagne d’un bouleversement des rapports sociaux de production et voit se mettre en place une individualisation des modes de vie justifiant une atomisation des liens que nous entretenons entre nous. La destruction de nos relations d’interdépendances avec les autres humains est la condition sine qua non à la mise en place de notre dépendance à l’égard des services payants dans lesquels le capitalisme veut nous emmailloter pour mieux nous contrôler. Cette stratégie capitaliste n’est pas seulement économique et nous n’y perdrons pas seulement de l’argent.

C’est une bonne partie de notre liberté qui est en danger. Plus précisément c’est cette conscience que chacun à d’exister et de pouvoir se réaliser par et dans la collectivité des humains et qui s’est construite au fil des siècles, des mouvements de populations et des échanges culturels, des luttes, des révoltes et périodes révolutionnaires et qu’aucune frontière n’a jamais pu contenir. C’est sur cette assurance de pouvoir compter sur l’humanité que chacun construit sa propre liberté. Or le libéralisme aspire à détruire les bases même de notre existence pour réaliser le profit.

Faire face à ces menaces c’est se mettre en capacité de penser et de mettre en œuvre des dynamiques sociales capables de s’appuyer sur ce qui constitue le fond commun de toutes les sociétés humaines, à savoir l’entraide et l’échange.

Et il est permis de penser que la gratuité est une idée pas si farfelue que cela pour qui entend privilégier la liberté.

La propriété c’est le vol

Rappelons tout d’abord qu’il y a 150 ans passés notre camarade Proudhon a démontré que la propriété c’est le vol. Sa démonstration n’a jamais été réfutée par qui que ce soit même si nous pouvons lui reprocher de ne pas avoir étendue sa réflexion aux rapports hommes/femmes. Il n’empêche que ses explications sur l’accumulation des savoirs, fruit du travail, des expérimentations, des échecs, des drames, des erreurs et des hasards de l’activité de tous les êtres humains des quatre coins de la planète, passés présents et à venir, font que personne, ni aucune collectivité particulière, n’est en droit de s’approprier quelque science ou technique que ce soit. L’ensemble des connaissances sont la propriété de l’humanité, en tant qu’être collectif. De ce fait il découle que chacun-e d’entre nous en a la propriété d’usage dans la mesure où celles et ceux qui en sont les dépositaires temporaires les lui transmettent.

Ce qu’un médecin ou un ingénieur sait, il le doit à l’humanité et en conséquence il lui en est redevable. Sa propre intelligence n’aurait même pas suffit à lui faire comprendre qu’un plus un font deux parce qu’au préalable il lui aurait fallu inventer le langage et les chiffres qui lui permettent de communiquer de manière compréhensible avec les autres. Et rien que ceci a demandé un long processus social d’acquisition.

Le savant a donc toute latitude pour faire fructifier ou pas, selon sa volonté et ses aspirations, les connaissances qui lui ont été donné gratuitement par la collectivité humaine. Ceci ne lui donne aucun droit à en tirer un profit ou un pouvoir quelconque.

C’est pourtant dans ce sens qu’évolue nos sociétés avec la privatisation des sciences, l’extension de la notion de propriété intellectuelle, alors même que les recherches mobilisent de plus en plus d’équipes nombreuses, pluridisciplinaires et transnationales. Ce qui ne fait qu’étendre l’injustice de cette appropriation privative.

Si l’on ajoute à cela le coût payé par la collectivité par la mise à disposition de professeurs, de locaux, d’outils, de moyens financiers, de bibliothèques, de temps, etc. nécessaire à la formation de son intelligence et à l’acquisition des savoirs, toute la vie de notre docteur es sciences machin chose ne suffira pas à rembourser sa dette envers la collectivité.

Pendant ce temps il y aura dix gamins ayant les mêmes capacités que lui qui iront s’abrutir dans des travaux pénibles. Ils ne pourront pas ou auront moins de possibilités de développer leurs capacités, intellectuelles, sociales, culturelles, voir affectives et morales. En France même, toutes les études statistiques démontrent que la reproduction des classes sociales est parfaitement garantie par notre système éducatif. L’égalité des chances est de la foutaise.

L’entraide et l’égalité sociale sont incontournables

La solution passe plus que jamais par l’égalité sociale c’est-à-dire par l’égalité économique. Or il est impossible, pour un anarchiste, de penser l’égalité en termes d’épiciers. Notre conception sociétaire est construite sur l’entraide, qui n’est pas une simple idéalisation à la mode de Rousseau (l’homme n’est pas naturellement bon), mais une pratique sociale vitale et incontournable dans toutes les relations humaines.

Plus que jamais la légitimité d’un projet sociétaire visant à l’abolition de la propriété privée et des échanges marchands est irréfutable alors même que le libéralisme gagne partout et sur tous les aspects de nos vies. Ne nous laissons pas abuser ni impressionner par cette vague libérale même si elle emporte tout sur son passage. Notre intérêt, en tant qu’être humain et en tant qu’anarchistes, est de nous tenir à l’écart de toutes ces manipulations et poudre aux yeux que sont l’économie dite solidaire, la citoyenneté, une pseudo gestion communale et autres appels à la participation à notre propre exploitation.

Les conceptions libertaires au cœur des projets à venir

La gauche plurielle est parfaitement consciente qu’elle organise et prépare l’avènement d’une société où la violence des rapports sociaux sera plus terrible que jamais. Elle voudrait y associer tout le monde et surtout les libertaires qui possèdent des outils et une trame d’analyse sociale qu’ils savent dangereux. Sous couvert de modernité et prêt à faire quelques concessions sur le vocabulaire, jamais on aura autant employé le mot libertaire qu’en ce moment. L’objectif est de briser l’unité idéologique que constitue le mouvement anarchiste par le confusionnisme systématique.

Malgré cela il est plus que probable que les conceptions libertaires constitueront le socle à partir duquel les projets sociétaires se structureront à l’avenir. Et c’est déjà ce qui est en gestation dès à présent dans les divers mouvements sociaux qui secouent notre univers depuis quelques années. À nous d’être lucides, exigeants et vigilants.

La notion de gratuité est une revendication qui s’appuie sur une base idéologique solide à savoir que tout appartient à tous et que cela n’est réalisable que par la mise en place d’échanges économiques non marchands. Encore faut-il rappeler que toute production à un coût social en moyens humains et en matières premières.

C’est d’autant plus important que le discours dominant tend à nous faire penser que le travail manuel a disparu. On pourrait croire que les usines n’existent plus et qu’en tout état de cause elles n’ont plus aucune valeur. Rien n’est plus faux et illusoire. La classe laborieuse est toujours en expansion. Il y a simplement une stratégie spatiale d’implantation des usines plus facile parce que nous maîtrisons de mieux en mieux la technologie, ce qui simplifie les procès, réduit les coûts et les temps de construction. Mais derrière n’importe quel clavier d’ordinateur, il y a de la sueur humaine, de l’exploitation et de la misère, quelque soit le degré de robotisation, la couleur de peau, le sexe et l’âge du travailleur. En ce sens rien n’est gratuit et tout objet, tout service, est le produit de l’effort humain.

Ce qui n’a jamais empêché que ceux-là même qui payent le plus lourd tribut à cet effort collectif soient le plus souvent à l’origine de la revendication de la fin des rapports marchands. Mais est-ce vraiment étonnant ?

Demain on rase gratis !

Bernard. — groupe Déjacque (Lyon)


En Bretagne comme ailleurs

Responsables et irresponsables

Les nationalistes Breton-nes, toutes tendances confondues, pouvaient jusque-là se revendiquer d’une spécificité notable : les seules victimes de leurs actions étaient deux artificiers de l’ARB « historique ». L’attentat de Quévert, le 19 avril dernier, a tué une femme de 28 ans, transformé le plastiqueur gaffeur en imbécile meurtrier, et mis fin à cet état de grâce. Non revendiqué, l’attentat est rapidement attribué à l’ARB, les médias reprennent l’information en boucle et le démenti qui paraît dix jours plus tard est balayé par l’incrédulité générale (1).

Si pour l’opinion publique l’affaire est entendue (les démentis ne seraient que faux-fuyants et les inculpé-es ne nieraient leur participation que pour sauver leur pomme), il n’est pas inutile de garder à l’esprit qu’une manipulation est toujours possible. Cela s’était produit dans les années 70 pour des membres du FLB-ARB, que la DST a très vraisemblablement « piloté » pour le plastiquage de la maison Bouygues (2). Cette affaire est en effet pain béni pour l’état socialiste qui se refait une beauté à peu de frais : dormez tranquille braves gens, l’État de droit a vaincu les terroristes indépendantistes… Quand on marchande lamentablement avec des personnes qui n’ont jamais condamné l’attentat contre Érignac, quand l’assassin du crime prémédité du préfet dort loin des geôles républicaines, ça fait du bien à l’image publique d’écrabouiller une quinzaine d’activistes breton-nes…

Ce qui est sûr, c’est que les membres de l’ARB ne pourront jamais être considérés comme étranger-es à la mort de Laurence Turbec. L’attentat de Pornic, revendiqué, suivait le même scénario effrayant : une nuit, on dépose une bombe, on espère qu’elle explose à l’heure prévue mais on ne s’en assure pas, on se planque et on attend… Irresponsabilité inexcusable.

Quand deux personnes roulent à 100 km en agglomération, si l’une tue un piéton et l’autre pas, nous ne les distinguons pas dans leur comportement, elles sont meurtrières par irresponsabilité.

Violence et résistance

Les anarchistes n’ayant rien à voir avec les nationalistes, nous pourrions donc nous détourner du problème avec une grimace de dégoût et retourner à nos moutons noirs. Il peut être utile pourtant de rappeler que la propagande par le fait et l’action directe violente ont été rejetées par les anarchistes contemporains. La fin ne justifie jamais qu’on ensanglante le présent, les moyens employés doivent construire et justifier la fin revendiquée : seule la révolution quotidienne peut construire un autre futur… Mais la non-violence n’est pas non plus devenue notre credo.

La violence peut être légitime, tout-e militante confronté-e à la répression, toute personne témoin ou victime des agressions répétées de l’État policier, peut être amené-e à utiliser la violence physique. Cette violence ne saurait être que résistance directe à une autre violence : ce principe est indépassable, et la personnalité des personnes visées n’y change rien. Qu’elle soit préfet et champion de l’expulsion, décérébrée du FN, « barbu » ou curé pédophile, général… toute victime d’un attentat prémédité devient un cadavre qui empuantit le plus bel idéal.

Certain-es connaissent un quotidien tellement atroce, (ce qui n’est pas le cas des indépendantistes breton-nes), fait de misère, harcèlement policier, humiliation sociale… qu’elles dérivent vers un recours systématique à la violence. Il n’empêche : par bêtise ou par folie, ces gens sont criminels par irresponsabilité.

Petites lâchetés et graves obscénités

Le milieu militant (bretonnant ou « d’extrême gauche ») n’échappe pas aux multiples dérapages qui ont suivi la mort de la jeune femme. Le plus courant est de ne parler que de « l’amateurisme » des militant-es de l’ARB : on condamne bien sûr, on hausse les épaules et on se déclare effaré du côté « guignols sanglants » des poseurs de bombe… Mais quand ces remarques proviennent de personnes qui n’ont jamais marqué leur opposition au patriotisme breton, quand les mêmes applaudissaient aux précédents attentats (l’explosion de la mairie de Belfort a, légitimement, peu fait pleurer dans les chaumières) quelle crédibilité ont-elles ? Il existe une responsabilité diffuse, responsabilité par inertie, par laisser-dire.

Les journalistes ont elles/eux parfaitement joué leur rôle de courroie de transmission : on vous montre où sont les méchant-es et les gentils (l’État français et les zélé-es policier-es qui ont si vite arrêté les coupables), et l’on peut même se permettre parfois de verser dans le patriotisme français le plus minable (« Ils ne méritent pas la belle démocratie française ces dangereux attardés… » est le résumé de plusieurs commentaires radio).

La palme, bien sûr, revient au vomitif MacDo, qui s’est payé une pleine page de différents quotidiens pour exploiter une de leurs employées au-delà de sa mort « Notre première pensée va vers elle […] À force de désigner MacDo, le pire est arrivé […] » Magnifique opération publicitaire pour une multinationale qui se pose en démocratique victime du terrorisme. Vendre du hamburger sur une tombe, ils n’avaient encore pas osé.

Parce que nous n’avons jamais eu aucune illusion sur l’armée clandestine bretonne, nous avons évidemment condamné ses principes et ses pratiques minables et criminels, le 19 avril comme auparavant. Comme nous n’avons pas plus d’illusion sur l’État français, et que sa capacité de nuisance est infiniment supérieure, nous tenons à rappeler notre lutte contre le système pénitentiaire, et en particulier contre la prison préventive ; nous tenons à rappeler qu’aucun-e des inculpé-es n’est aussi dangereux/se pour notre sécurité et notre liberté qu’un certain Jean-Pierre Chevènement.

Jeanne. — groupe de Nantes

(1) L’ARB prétend en effet dans son dernier communiqué que les explosifs qu’ils avaient mis à Pornic auraient été volés par la police pour être déposés à Quévert. Mais, suite à ce communiqué, les policiers ont confirmé que « quelque chose » avait bien explosé au Mc Do de Pornic, les dégâts étaient si minimes qu’ils n’avaient pas jugé utile de faire remonter l’info…
(2) cf Faligot-Krop : DST Police secrète. Flammarion 1999


Faits d’hiver

Leur morale et la nôtre

Il s’appelle Georges Tron. Il est député-maire (RPR) de Draveil (Essonne). Il vient d’être mis en examen. Et il n’en est toujours pas revenu (nous non plus) ! En mars 1998, en effet, la droite, majoritaire dans ce département, était inquiète par rapport à l’issue des élections cantonales qui avaient vu les socialos faire une percée au premier tour.

Mobilisation générale, donc, pour tenter de sauver les meubles.

Et c’est ainsi, qu’à quatre jours du second tour, Georges Tron envoya une lettre à 1 510 électeurs de sa circonscription en leur rappelant que l’heure était grave et surtout qu’il leur avait rendu maints petits services (coups de pouce divers pour ceci ou pour cela). Cela fut-il déterminant ? Personne ne le saura jamais ! Reste cependant que la candidate soutenue par Georges Tron fut élue avec 52 % des voix.

Dépité, le battu socialiste attaqua alors le résultat devant le tribunal administratif en arguant que Georges Tron, par le biais de sa lettre, avait exercé une pression inadmissible sur les électeurs. Renvoyé dans les cordes, notre socialo s’entêta et déposa une plainte contre X pour les mêmes motifs. Et c’est ainsi que… !

Certains imbéciles humanisto-citoyens qui tentent de se la jouer rebelles en mendiant un peu plus de ceci ou un peu moins de cela à la porte (ou au sein) des châteaux se réjouirons sans doute de cette grande avancée de la morale en politique

À l’heure où le capitalisme sème, comme jamais encore, la misère à tous vents et vide le droit de vote de tout sens (comme par hasard, les pauvres ne s’inscrivent pas sur les listes électorales ou sont trop détruits pour aller voter) et où sans argent (et donc, sans PACS avec les différentes sphères du pouvoir, il est vain d’espérer pouvoir vaincre ses adversaires et convaincre une clientèle électorale habituée à être matraquée de pubs toutes plus putassières les unes que les autres, on voudra bien nous pardonner de nous abstenir de toute manifestation d’allégresse par rapport à une telle bouffonnerie.

Jean-Marc Raynaud


Nuit de l’énigme : le mystère s’épaissit

Alerté par nos compagnons du Gard et l’article de Roger Noir (ML nº 1202 du 20 avril), la FA de Dordogne s’est intéressée elle aussi au mystère de « la nuit de l’énigme », Périgueux étant, comme Nîmes, une des villes participantes de ce jeu « humanitaire ».

Le fait que l’affiche annonçant l’événement ne soit pas signée nous a d’abord interpellé. Après avoir reproduit à la presse locale et aux sponsors de l’opération, nous avons eu confirmation du fait que personne ne savait qui se cachait derrière la Nuit de l’énigme. Deux des sponsors se sont d’ailleurs aussitôt retirés. L’enquête que nous avons dû mener soulève un voile mais épaissit le mystère. D’après nos compagnons de la FA du Gard qui sont allés le vérifier, le siège social de l’association La Nuit de l’énigme se trouve à l’adresse de la Fédération France-Sud dans l’Hérault, la FFS est un des sièges de l’église adventiste du septième jour. Qu’en est-il des associations que le dossier de presse de la Nuit de l’Énigme désigne comme destinataires des fonds ?

M. Sampiero, secrétaire de la Nuit de l’énigme, déclare dans Sud Ouest du 3 mai qu’il s’agit de l’ASAH et La Gerbe à Valence. Or s’il existe bien ­ d’après le Minitel ­ une « Action service association humanitaire dans la Drôme », elle n’est pas déclarée au service des associations de ce département. En ce qui concerne La Gerbe, le même service nous indique que cette association existe mais est en sommeil depuis… 1925 (pas d’AG ni de renouvellement de bureau depuis cette date).

Dans la Dordogne Libre du 9 mai, M. Lovera, président de la Nuit de l’énigme ­ déclare que « La FA n’a pas cherché dans le bon département » et, dans son édition du lendemain, le même quotidien nous apprend que La Gerbe mène ses activités dans les Yvelines. Le président et son secrétaire n’ont sans doute pas les mêmes informations sur les organismes où ils versent les fruits de leurs efforts humanitaires…

Une association La Gerbe existe effectivement dans les Yvelines puis une autre qui n’en font qu’une à un détail près cependant : Elles ont deux adresses et l’intitulé exact de la seconde est… Association humanitaire La Gerbe. Contactée par téléphone, cette dernière confirme être attributaire des fonds de la Nuit de l’énigme et nous apprend qu’elle est un collectif d’Églises en vue d’actions humanitaires. Nous n’avons pas de précisions quant à la nature de ces Églises.

Les manipulations de l’église adventiste

Devant les questions soulevées par le communiqué de la FA dans la presse périgourdine, les organisateurs prétendent que la Nuit de l’énigme n’est pas adventiste (Sud Ouest du 3 mai) bien qu’ils reconnaissent être — ­à titre personnel —­ membres de l’Église adventiste (Sud Ouest du 3 mai et Dordogne Libre du 9 mai). Puis, alors que la FA produit le résultat de ses recherches, les organisateurs affirment qu’il n’y a rien que de louable à voir des croyants se préoccuper d’œuvres humanitaires (DL du 9 mai). Nous en sommes bien d’accord, mais pourquoi justement le cacher ? Et pourquoi vouloir nous faire croire qu’ils n’ont ni caché ni nié que la Nuit de l’énigme dépendait de l’Église adventiste du septième jour, en contradiction avec leurs premières déclarations ? Il semble que nous ayons affaire à une technique assez simple de manipulation. D’abord affirmer une contrevérité, puis donner des éléments de vérification flous, ensuite, relever des contrevérité, puis donner des éléments de vérification flous, ensuite, relever des inexactitudes dans les recherches menées par les contradicteurs qui n’y peuvent rien mais puisque ces éventuelles inexactitudes reposent sur les imprécisions initiales des organisateurs. Enfin, détourner les propos des contradicteurs en essayant d’accréditer le fait que le problème individuel de la foi est en cause, ce qui n’était pas dans les déclarations de la FA. Nous n’avons que révélé des faits que l’imprécision du dossier de presse et les réponses des organisateurs à la presse voulaient cacher.

Le fait que l’école d’infirmières de Braïla, en Roumanie, qui était l’objectif de la Nuit de l’énigme 1999 soit dirigée par des adventistes ­ fait reconnu par M. Le Floch, organisateur local de l’opération, que nous avons joint au téléphone ­ nous amène à nous « demander » ce qu’il en sera de l’orphelinat présenté comme objectif à la générosité du public cette année. Où vont vraiment ces fonds ? Dans quel véritable but ? Peut-être le saurons-nous si les amateurs d’énigmes s’amusent à résoudre celle-ci.

À Périgueux en tous cas, grâce à notre intervention, les sponsors et les participants à la Nuit de l’énigme 2000 sauront où ils mettent les pieds à défaut de savoir où va et à quoi servira vraiment leur argent.

Joan Castel. — FA Dordogne


Enfouissement des déchets radioactifs

Non à la mascarade de la mission Granite !

La Coordination bretonne des collectifs contre l’Enfouissement des déchets radioactifs s’est réunie le 5 mai 2000 à Saint-Ronan (22) ; elle s’est félicitée du succès des manifestations récentes, qui comme à Quintin avec 10 000 participants, montrent le refus massif des populations de tous projets d’enfouissement des déchets nucléaires en Bretagne comme ailleurs. Elle appelle les élus de plus en plus nombreux qui refusent ces projets de poubelles nucléaires à exprimer publiquement leur opposition et demande aux Conseils généraux des Côtes d’Armor et du Finistère ainsi qu’au Conseil régional de Bretagne de prendre des motions refusant toute discussion sur l’implantation d’un pseudo laboratoire dans notre région lors de leurs sessions plénières de fin mai.

La Coordination prend acte de la reculade de la mission Granite qui, face à la résistance des populations des massifs granitiques concernés, a renoncé à ses simulacres de consultations sur le terrain. Elle met cependant en garde les élus ou les instances collectives (Chambre de commerce groupement de communes, associations diverses) contre tous contacts, à Paris ou ailleurs, qui pourraient engager leur responsabilité et l’avenir de leurs concitoyens en consentant à l’arrivée d’un « labo » par la petite porte. Contrairement aux sous-entendus insidieux de la mission Granite, les dizaines de milliers de personnes qui depuis février s’opposent à l’enfouissement des déchets radioactifs sont des personnes informées, responsables et démocrates.

Des « question-réponses » sur Internet, une « conférence des citoyens », des pseudo débats entre une mission Granite et des individualités dont la légitimité tant sur le plan technique que politique reste à prouver, relèvent de la mascarade et d’une intention de contourner les populations des 15 sites granitiques. Tout ceci ne répond en aucune façon à l’exigence des Collectifs d’un débat national, citoyen et démocratique sur le nucléaire et ses déchets.

La Coordination bretonne rappelle les objectifs approuvés par la Coordination nationale des 29-30 avril et demande au gouvernement la dissolution de la mission Granite, l’abrogation de la loi du 30 décembre 1991 et l’ouverture rapide d’un large débat démocratique sur la gestion des déchets nucléaires et la politique énergétique de la France. Elle attend des parlementaires bretons qu’ils prennent des initiatives en ce sens.

Enfin, la Coordination appelle la population à continuer à signer massivement les pétitions proposées par les Collectifs, ces pétitions seront remises aux préfets des 15 sites granitiques pressentis le 27 mai prochain.

Coordination bretonne des Collectifs contre l’enfouissement des déchets radioactifs


Crise de foi

Big chrétien is watching you

À l’heure où l’on parle d’harmonisation européenne, il serait peut-être bon de rappeler qu’il y a seulement deux pays où il y a une séparation de l’Église et de l’État en Europe. La France en fait partie, au grand dam de l’Église. Mais pour combien de temps encore ?

La loi est de plus en plus détournée, l’État subventionne de plus en plus les curés. De plus, l’Église lutte partout, y compris au parlement européen, afin d’obtenir la suppression de cette loi. Il faut savoir que, par exemple en Allemagne, il y a un impôt religieux obligatoire mais aussi des loi antiblasphème. Attention à ce que vous écrivez ou dessinez.

En Grèce, c’est encore pire puisque sur les cartes d’identité figure la confession religieuse de chacun. Officiellement, il n’y a pas d’athées ; les prêtres orthodoxes (il y en a 9 200) sont des fonctionnaires. Ceux-ci ont le sourire depuis peu : une prime de productivité va leur être versée. En l’occurrence, c’est un gouvernement socialiste qui a donné cette aumône aux prêtres.

Aux Pays-Bas aussi existe une ligue antiblasphèmes. Son but est de traquer les blasphémateurs à l’égard de quelque dieu que ce soit et de les traîner devant les tribunaux où ils risquent jusqu’à deux mois de prisons. Cette ligue vient d’annoncer que son nombre d’adhérents augmentait ainsi que les dons… Pourquoi tant de haine ? Et si c’était pour faire interdire des journaux comme celui que vous lisez en ce moment. Et si c’était pour mettre en prison des personnes comme moi ?

Régis Boussières. — groupe Kronstadt (Lyon)


Privatisation des mines de charbon en Tchéquie

Les grévistes renouent avec l’action directe !

Les trois semaines pendant lesquelles a duré la plus longue et la plus grande grève avec occupation dans l’histoire récente de l’industrie minière Tchèque sont à inscrire dans l’histoire de la lutte de classes de notre pays. Près de 50 mineurs, menacés de licenciement en masse tout comme leurs 920 compagnons de travail, ont occupé pendant 22 jours la mine de Kohinoor, dans le nord de la Bohème, près de la ville de Most.

Le contexte

Quelle est la situation de Kohinoor et de l’industrie minière tchèque en général ? Cette dernière est actuellement en plein processus de « restructuration », c’est à dire de transformation d’une économie capitaliste d’État (Bolchevique) en modèle occidental capitaliste classique. La restructuration signifie en fait privatisation, fermeture de nombreux puits et licenciements massifs. À l’activité des zones minières sont également liées des industries lourdes comme la sidérurgie. Ces régions de Nord Bohème et de Moravie sont donc victimes d’un chômage chronique, qui dépasse les 20 % alors que le niveau national est de 10 %. Les cas les plus dramatiques sont dans les villages miniers qui entourent Most et la mine de Kohinoor, où le chômage explose au dessus de 50 %.

La mine de charbon brun de Kohinoor est une des plus modernes de toute la république tchèque. Elle était supposée fonctionner jusqu’en 2020, fournissant un charbon de haute qualité, et donc avec des conditions d’extractions « ordinaires » devant fournir un bon profit. Juste avant la privatisation, l’État a investi près de 7 millions de dollars (49 millions de francs) dans une toute nouvelle machinerie dernier cri et des installations de sécurité.

Le 28 août 1998, les mineurs de Kohinoor ont organisé une manifestation devant le château de Kolodeje, ou devait se tenir une réunion gouvernementale. Les mineurs avaient alors chaleureusement accueilli les membres de la FSA-AIT, qui étaient venus pour les soutenir dans leurs justes revendications. La FSA n’a pas abandonné la lutte des mineurs de Kohinoor, et a continué à leur manifester son soutien. La manifestation de Kolodeje a été suivie par une courte grève avec occupation à l’automne 1999, alors que la mine était finalement vendue au groupe Apian.

Après que le nouveau propriétaire, en collusion avec le gouvernement, eu promis que la fermeture de la mine serait graduelle et qu’elle s’étalerait sur 5 ans, les mineurs mirent fin à leur première action directe : l’occupation de la mine. Ce fut une erreur fondamentale, car au mois de mars 2000, le groupe Apian annonça son intention de finalement fermer la mine d’ici 2 ans, et l’État annonça son intention de ne pas fournir les 15 millions de dollars (75 millions de francs) de compensations sociales pour les mineurs.

Il est primordial de comprendre que les mineurs de Kohinoor, dont la plupart sont descendus dans les puits pendant des dizaines d’années, n’ont quasiment aucune possibilité de trouver un nouvel emploi. Leur santé est ruinée et ils ont besoin d’une plus grande attention médicale que les autres travailleurs. Une grande partie d’entre eux est également menacée de se retrouver sans toit, car en cas de licenciement ils ne pourraient rembourser les hypothèques sur leurs maisons (l’indemnité chômage est en moyenne de 3 600 couronnes tchèques, soit moins de 700 francs par mois).

La grève

Le 31 mars 2000, à 365 mètres sous la terre, 50 mineurs annoncèrent qu’ils ne remonteraient pas, et déclarèrent une grève avec occupation illimitée. Le groupe multinational Apian, dirigé par l’ancien chef de la Banque Mondiale Jacques de Groot, est bien connu dans l’environnement économique tchèque pour avoir acheté la mine de Kohinoor pour une bouchée de pain. En été 1999, le gouvernement social démocrate a annoncé son intention de vendre la Compagnie de Charbonnage de Most (CCM), qui détient le monopole de l’extraction du charbon sur le territoire de la république Tchèque. La valeur marchande de la CCM a été évaluée au moins 150 millions de dollars (750 millions de francs). Le prix d’ami auquel le gouvernement a vendu la mine au groupe Apian a été de 15 millions de dollars, dix fois moins ! La mine a donc été vendue, malgré les protestations des mineurs qui savaient très bien que le groupe Apian n’aurait aucune obligation sociale envers eux si la mine venait à fermer.

Les mineurs ont déclenché la grève avec l’intention de forcer Apian à vendre la mine à une autre compagnie, qui avait promis de maintenir la mine en activité pendant plus longtemps. Ce second joueur dans la partie d’échec autour de Kohinoor, la société SHD Peel, a éveillé de nombreux soupçons, du fait qu’il était représenté par un ancien employé de Kohinoor et que son capital propre n’excédait pas les 3 000 dollars (210 000 francs). Le réel propriétaire de cette société n’a toujours pas été identifié, mais il se pourrait que ce soit la société de charbonnage « OKD — Ostravsko-karvinské doly ». La rumeur disait que leur projet était de transformer la mine de Kohinoor en dépôt de déchets toxiques. Du fait du manque d’information, on ne sait pas exactement le rôle qu’a joué ce repreneur surprise ; mais on peut raisonnablement penser qu’aussi bien Apian que SHD étaient avides de récupérer une part substantielles des 15 millions de dollars promis par le gouvernement pour la fermeture graduelle de la mine de Kohinoor. C’est ce que les mineurs ont finalement demandé et obtenu.

Le 21 avril, les mineurs sont donc remontés a la surface, remportant une petite victoire. L’État a de nouveau promis de soutenir la fermeture de Kohinoor en apportant 15 millions de dollars. Mais, une nouvelle fois, aucun mécanisme de sécurité n’a été mis en place au cas où l’État reconsidérerait sa participation et se retirerait de cet investissement.

Le rôle des syndicats officiels et des organisations politiques

Les syndicats existants ne sont pas solidaires les uns des autres et les autres sections de la Compagnie de Charbonnage de Most n’ont exprimé presque aucune solidarité avec les grévistes de Kohinoor. Ces derniers ont donc quitté les grandes confédérations et crée leur propre syndicat. Le mineurs de Kohinoor ont combattu par eux même, isolés, et ne pouvant compter que sur le soutien de leurs familles et de quelques organisations politiques comme la FSA-AIT. Le dirigeant du syndicat officiel des mineurs a bien offert symboliquement son aide aux mineurs, après qu’il eut jugé qu’il pourrait retirer un prestige politique personnel de cette grève en devenant le leader des négociations entre Apian et le gouvernement.

Comme en Europe de l’Ouest, différentes chapelles ont cherché à abuser les grévistes et à les utiliser pour leurs fins politiciennes : Des marxistes léninistes, le Parti Communiste et son organisation de jeunesse (ces deux derniers organisations collaborant organiquement avec le groupe tchèque xénophobe et ultra nationaliste « Club des Tchèques des Zones frontalières ») et même des socio-démocrates « indépendants » (qui ont signé récemment un accord électoral avec l’organisation fasciste « Front patriotic »). Tout ce petit monde n’a eu de cesse que de se hâter de recruter de nouveaux membres pour leur organisation, n’offrant aux mineurs d’autres solutions que de rejoindre le Parti.

La voix des anarchistes s’est également fait entendre, par l’intermédiaire de la FSA-AIT. Une autre organisation anarchiste « Solidarité » a également participé au mouvement. Les mineurs et leurs femmes ont également organisé un unique meeting public, qui a été largement récupéré par les marxistes-léninistes et n’a pas du tout contribué à la lutte des mineurs. Les Bolcheviques n’offrent d’autres solutions que de joindre les supporters des Staline, Lénine et autre Trotsky et de devenir les disciples obéissants des leaders du Parti Communiste.

Quels résultats ?

Les mineurs ont obtenu la promesse officielle que le programme de fermeture s’étalerait graduellement sur cinq ans. L’actuel propriétaire, Apian Groupe, recevra 15 millions de dollars de subvention de la part de l’État. Les mineurs de Kohinoor sont restés 3 semaines dans leur puit et ont probablement sécurisé leur emploi pour les 5 ans a venir. La solidarité et l’aide mutuelle n’ont pas été des faits majeurs tout le long de cette grève. 400 employés ont accepté d’être licenciés en juillet 2000, recevant quelques 3 000 dollars (21 000 francs) d’allocations spéciales (argent de poche ?).

Au moins cette action directe a-t-elle mis en évidence pour la toute première fois en république tchèque que notre futur, des conditions de vie décentes, notre espoir pour l’avenir doivent être conquis par la mise en pratique de la lutte de classes, et ne peuvent pas être atteint par le biais des tables de négociation.

La grève de Kohinoor était l’une des premiers grèves d’actions directes sur le territoire de la république tchèque. Mais même les mineurs ne savent pas aujourd’hui si ce qu’ils ont obtenu est une victoire ou une défaite.

FSA-AIT Secrétariat International

PO BOX 5, 15006 Praha 56.
Tél : -420-0604-773440,
e-mail : fsa-praha@volny.cz
(trad. Sec international CNT France)
http://www.cnt-ait.org


revue

Albatroz

Le numéro 22 des « Cahiers Albatroz, organe officiel de la littérature à l’essence de térébenthine » avec pour sous-titre de ce numéro « L’essence de leur amour est en manque de carburant » vient de sortir, et c’est un bon cru.

André Beurre de Thon fait l’ouverture de ces cahiers décapants avec ces mots : « C’était un 6 avril, les hiboux clignotaient des yeux et se curaient les canines avec un fémur d’ortolan à l’ombre d’une tente bédouine de chez Castorama… » Suivent des textes en espagnol, puis en portugais, avant de revenir à la langue française avec des coupures de presse en provenance de Bruxelles, des critiques pointues et parfois polémiques de livres ou de films (comme l’article de Charles Paveigne sur « The Big One », de M. Moore), des annonces concernant le soutien à Mumia Abu-Jamal, un rapport sur les rejets de l’Erika, un communiqué de chercheurs du CNRS sur la recherche, et un texte de Laurent Frouslin « J’ai écouté pour vous », ou comment regarder les hommes politiques comme les guignols qu’ils sont. Texte salutaire s’il en est ! Et pour finir, en poésie et en dessins, on se laissera porter par les poèmes de Gérard Lemaire, Bruno Tomera et bien d’autres, comme ces mots de Jean-Christophe Ribeyre
« Ils ont lu par-dessus l’épaule des grands
à la lueur anonyme des insultes
et ce qu’ils savent désormais leur appartient
ils sont le miel de la terre
Puis ils jetteront la clé de ce lieu
leur mémoire suffira
à chacun de s’y trouver
seuls les dieux sont priés de ne pas entrer.
 »

Au prix de 25 francs, voilà une belle revue riche en mots, réflexion et images, et où poésie, vie et lutte riment vraiment bien ensemble.

Cathy Ytak

Albatroz nº 22. BP 404 75969 Paris Cedex 20. 25 francs. En vente également à la librairie du Monde libertaire.


Dans la toile

Plein de nouvelles découvertes, ces jours-ci. Si vous les connaissiez déjà, veuillez m’en excuser et prenez l’habitude de me communiquer les sites dont vous pourriez avoir connaissance.

Commençons par les anglophones.

Parmi les meilleures trouvailles, deux « portail » anarchiste (eh ! oui) : infoshop (http://www.infoshop.org/) et blackened (http://flag.blackened.net/). Ma préférence va au second mais l’esthétique du premier est plus satisfaisante.

Dans un même ordre d’idée on peut aussi se reporter au Direct action media network (http://damn.tao.ca/) et au SchNEWS hebdomadaire (http://www.schnews.com/).

Côté presse, j’ai noté le site d’Alternative Press Review mérite le détour même s’il demande encore à s’étoffer (http://www.altpr.org/).

Un site consacré à l’économie participative avec quelques textes en français à découvrir au hasard de la visite (http://www.parecon.org/)… allez, je vous en donne un pour les impatients (http://www.parecon.org/writings/normand1.htm).

Passons au secteur francophone.

Maloka est une association anarchiste dijonnaise à but non lucratif, dont les principaux objectifs sont d’organiser nombre d’activités offrant une alternative au mode de vie imposé par nos sociétés capitalistes, leur site se présente plutôt bien (http://www.chez.com/maloka/ABC/).

Une entrée francophone vers Samizdat intitulée Solidarité avec les prisonniers anti-fascistes (http://altern.org/solidariteftp/).

Préparons les vacances avec le cinquième camp d’été anarchiste, près de Berlin (http://www.jpberlin.de/acamp/acampfranc.html).

Pas spécifiquement anarchiste mais digne qu’on s’y arrête, le site canadien d’Espace de parole (http://www.ao.qc.ca/).

Au Canada toujours, allez donc rendre visite au site du groupe Émile Henry qui propose, entre autre choses, du bon matériel d’agitation anarcha-féministe (http://www3.sympatico.ca/emile.henry/).

Voilou, voilou. Ce sera tout pour cette fois. Bonnes lectures et à bientôt dans la toile.

Blue Eyed Keyboard
alain@minitelorama.com


53e festival international de Cannes,
39e semaine internationale de la critique,
32e quinzaine des réalisateurs

Les femmes réfléchissent le monde

Samira Makhmalbaf, 20 ans, deuxième long métrage, son film est en compétition : Takhté Siah (Le Tableau noir). On se souvient de La Pomme, son premier film 1998, qui avait enchanté le public. Elle avait d’ailleurs fait plus d’entrées que les films de son père et de Kiarostami réunis, cette année là. Malgré la gloire, elle est restée simple, chaleureuse, souriante. Comme pour La Pomme le scénario et les dialogues du Tableau Noir sont co-écrits avec Mohsen Makhmalbaf, son père. Il est à l’origine de la création d’une unité de production dans sa maison même : ça s’appelle Makhmalbaf Film House, issue de la révolution par fax. Makhmalbaf avait en effet créé une sorte de révolution de la communication en incitant les réalisateurs iraniens à acquérir des fax qui leur permettaient de négocier directement leurs contrats et leurs coproductions au lieu d’être contrôlés et censurés par l’organisme officiel d’exportation du cinéma iranien.

Dès la première séquence, Samira Makhmalbaf crée la surprise. Des instituteurs sans emplois se trouvent sur des routes escarpées dans les montagnes arides du Kurdistan iranien. Ils ressemblent à des étranges oiseaux car comme unique bagage ils portent leur tableau noir sur le dos. Ils proposent d’enseigner contre un morceau de pain, contre rien. Mais les enfants sont occupés à faire de la contrebande. De leur génération ils sont les seuls représentants. Les vieux veulent rejoindre leur pays, errent sur ces routes et vont payer l’instituteur avec 40 noix, s’il leur montre le chemin de la frontière pour rejoindre leurs terres. Réflexion amère sur la transmission du savoir, chaine cassée par la réalité cruelle des guerres successives. Le film trouve un équilibre entre fiction et réalité, enchante par ses passages poétiques et cocasses : la femme qui marche avec tous ces vieux dit d’elle « je suis comme un train, on monte dedans et on en descend, mais le seul pour lequel je m’arrêterai toujours, c’est mon fils ». Dans la séquence finale, un jeune contrebandier va être tué quand il saura enfin écrire son nom. Une lettre arrive, est-elle écrite en arabe, en turc ou en kurde, en tous cas, elle n’est pas écrite en persan, mais l’instituteur qui essaie de la déchiffrer dit « votre fils pense à vous et vous aime, sinon il ne l’aurait pas écrite ! »

Maria de Medeiros, 35 ans, réalise avec Capitaes de Abril (Capitaines d’avril) son premier long métrage. Sujet ambitieux : la révolution des œillets, Portugal, 1974. Elle est sélectionnée à « Un certain Regard ». On connaît la comédienne, ses pommettes hautes, sa figure triangulaire atypique, son sourire charmeur. Elle a co-écrit le scénario avec Ève Deboise. Elle joue dans son film.
Elle réussit ce que beaucoup de réalisateurs ratent, montrer une foule en lutte ou des masses en liesse et reconstituer ces manifestations. Alors que Ken Loach passe à coté dans Bread & Roses, chronique d’une lutte de personnels de nettoyage sur fond de travailleurs mexicains clandestins dans une grande multinationale américaine… Les scènes de foule dans Capitaines d’avril rappellent les instants de bonheur immense quand le couvercle de la dictature portugaise a fini par sauter. Les gens se souviennent avec bonheur des événements. Ils scandent donc les mots d’ordre avec la conviction de la première fois et dans un désordre impressionnant : « liberté sexuelle » est suivi de « mort a la Pide ! » (la police politique).

Un premier film raconte très bien l’instant unique où la jeune fille bascule dans le camp des femmes. Catherine Breillat en parle très bien dans 36 fillette, mais on peut démarrer sa carrière et réussir cet exercice difficile. C’est ce que fait Caroline Vignal avec Les Autres filles, chronique acide des rapports sociaux d’une apprentie coiffeuse qui coupe, en guise de déclaration, les cheveux à son ami timide.

Tout le monde connaît l’interprète des films d’Ingmar Bergman, l’actrice Liv Ullmann, à la vitalité peu commune, qui présente cette année son quatrième long métrage en compétition : Trolösa (Infidèle). Ingmar Bergman est toujours présent dans ses films d’une certaine manière, car l’acteur Erland Josephson, probablement l’alter ego du réalisateur, joue dans les films de Liv Ullmann des rôles importants. (La Quinzaine programme d’ailleurs la longue conversation entre Ingmar Bergman et Erland Josephson, réalisée pour la télévision suédoise par une femme, évidemment, Malou von Sivers).

Moufida Tlatli, tunisienne, la monteuse attitrée de tous les grands films tunisiens de Bouzid, de Boughedir, Halfaouine etc. amène à Cannes son deuxième long métrage La Saison des hommes (après Les Silences du Palais, 1993), réalisation arrachée à un système de distribution et de production moribond. Moufida Tlatli a écrit le film, assume la réalisation, mais le montage de son film est signé Isabelle Devinck, la musique enchanteresse : Anouar Braham.

Cannes2000 est le festival des réalisatrices !… sauf tonton JLG (= Jean-Luc Godard) qui a dédié à lui-même et signé JLG un court métrage de 17 minutes pour analyser « L’or-igine, de l’or, de l’origine du XXIe siècle » par le truchement de « Canal + (plus) ou ­ (moins) ». « Les hommes pris en masse jouent toujours le sens de quelqu’un d’autre » pourrait être le leitmotif de son implacable constat de l’incapacité des peuples d’écraser les tyrannies et d’en finir avec les ismes totalitaires : fascismes, colonialismes etc.

Des images fortes consacrées à l’évocation de la « pacification » en Algérie, un hommage aux cinéastes européens obligés à s’exiler. En témoigne l’extrait de La Ronde et la séquence intitulée, « Le Plaisir » du film de Max Ophuls pour signifier que ce siècle est un vieil homme qui s’écroule sous un masque peint qui ne trompe plus personne

Heike Hurst (« Fondu au Noir »-Radio libertaire)


Érotisme ou pornographie

Le dernier livre d’Alberto Manguel, Dans la forêt du miroir, essais sur les mots et sur le monde, est une véritable mine pour le lecteur impénitent, subversif que je suis. Dans cet essai sur les mots et sur le monde, Alberto Manguel nous ouvre les portes de son monde. Il l’a placé sous la conduite de l’Alice de Lewis Carroll, personnage de notre enfance qu’il revisite. Le choix d’Alice ne me semble pas neutre car, par elle, Alberto Manguel cherche et propose un parcours qui va au delà des préjugés. Nous sommes bousculés dans nos certitudes.

« La condamnation de la passion érotique, celle de la chair, permet à la plupart des sociétés patriarcales de désigner la Femme comme la tentatrice, notre mère Ève, cause de la quotidienne chute de Adam. Parce qu’elle est coupable, l’homme a sur elle un droit naturel de domination et toute dérogation à cette loi ­ par une femme ou par un homme ­ est punissable comme une traîtrise et un péché. Tout un appareil de censure a été édifié pour protéger les stéréotypes hétérosexuels définis par les mâles et il en résulte que la misogynie et l’homophobie sont à la fois justifiés et encouragés par l’attribution aux homosexuels et aux femmes de rôles réduits et dépréciés. La pornographie a besoin de jouer sur cette double norme. […] C’est pourquoi notre société permet à la pornographie, qui embrasse les notions officielles de “normal” ou de “convenable”, d’exister dans des contextes spécifiques, tout en persécutant avec zèle les expressions artistiques érotiques où l’autorité des puissants est implicitement mise en question. »

L’homme que je découvre est un homme érudit, curieux, rebelle à toute forme de censure, contre le maintien des esprits en esclavage. Un homme, passionné de lecture, qui sait faire partager sa passion. Un homme qui ne saurait se satisfaire de cet esprit de « tolérance », ce terme incluant une gêne vis-à-vis de la différence, et que l’on masque derrière un joli mot, par bienséance. Un homme qui prêche l’acceptation des différences. Un humaniste, en lutte contre toute forme d’exclusion, d’oppression. Voilà comment je le définirais.

N’en doutons plus, la lecture est un acte qui participe à notre non-asservissement, un acte érotique car elle contrevient, elle transgresse la normalité officielle. Cette transgression, c’est celle que va vivre un jeune garçon, Simon, héros narrateur du dernier roman de Nikolaj Frobenius, Le pornographe timide. Quelle est donc cette normalité officielle ? Dans le monde occidental où nous vivons, c’est celle qui est perpétuée par les images, les média, via la publicité, qui nous présente une femme lascive, désirable et soumise. Alors quoi de plus normal que de vouloir la violer, le viol étant dans la droite ligne de ce rapport de domination, qui plus est pourquoi ne pas faire des photos avec la complicité d’un voyeur ? Les ingrédients d’une scène pornographique sont là, et c’est celle à laquelle assiste notre jeune héros. Il en ressent un tel dégoût, qu’il plonge dans un monde où l’imaginaire côtoie la science-fiction. Dans ce monde peuplé d’images subliminales, les psychologues sont là pour inculquer à ce jeune garçon qui va devenir jeune homme, le sens de la normalité. Les psychologues, les prêtres ouvriers du dogme sacro-saint de la normalité. Heureusement ces fossoyeurs n’atteignent pas toujours leur but surtout pour celui ou celle qui sait les leurrer.

Boris Beyssi

Dans la forêt du miroir, essais sur les mots et sur le monde, Alberto Manguel, Actes Sud.
Le Pornographe timide, Nikolaj Frobenius, Actes Sud.


1er mai tchèque

Solidarité avec les anarchistes tchèques

Les infos qui nous parviennent de la république tchèque à propos des manifestations du 1er mai 2000 en disent long sur les pratiques policières menées à l’encontre de nos camarades anarchistes. Ces derniers ont lancé deux actions : une à Prague et une à Most (ville minière située en Bohême du nord).

En dépit du manque de coordination au sein des organisations luttant pour les idées anarchistes (communistes libertaires, FA tchèque, Solidarité et Action Antifasciste, AIT), la manifestation a été marquée par un niveau élevé de culture politique anarchiste (ce qui est inhabituel) et des déclarations prônant le communisme libertaire comme but final du mouvement anarchiste. De telles déclarations n’ont pas plus aux libéraux pro-démocrates rt certains éléments écologistes ; ce qui a entraîné une désaffection des participants par rapport aux années antérieures mais celle-ci a été contrebalancée par une excellente qualité politique et culturelle qui ont rendu cette action extrêmement positive et bien perçue par le public dans son ensemble.

Les anarchistes qui se sont rassemblés comme d’habitude dans le centre de Prague (lieu de rassemblement traditionnel depuis 1890) ont déployé leur large banderole : « Une seule alternative au monde en crise : le communisme libertaire ».

Dès le début du rassemblement, les participants étaient encerclés par 500 policiers anti-émeute (y compris certains à cheval), des chiens et des canons à eau. Les forces de l’ordre ont bloqué les issues afin d’interdire l’accès à de nombreuses personnes désirant se joindre à la manifestation. Peu de temps avant que cette dernière ne démarre, la police a décrété que le rassemblement était interdit et que si la foule ne se dispersait pas dans les dix minutes, la manière forte serait employée. IL va sans dire que ceci constitue une réelle entorse au droit fondamental de libre expression et de rassemblement.

Une telle mise en garde a bien sur été ignorée et la police a réagi en arrêtant 15 anars après une série d’affrontements. Puis tous les participants anars se sont vus contraints de présenter leur identité, suite à quoi ils ont été filmés et fichés. Peu de temps après, une tentative de rassemblement improvisé par 70 camarades environ a eu pour résultat l’arrestation de 53 d’entre eux. Injures, menaces, coups furent le lot des anars arrêtés. Ces attaques policières massives à l’encontre des anars ne seraient-elles pas une façon de prouver l’efficacité et la capacité de la police tchèque à réprimer toute agitation et protestation de masse ?

Il faut préciser que le ministre de l’intérieur se prépare aux manifestations anti-FMI (le sommet aura lieu à Prague en septembre prochain). Pour ce faire et rien qu’à Prague 1000 policiers supplémentaires et 40 spécialistes anti-extrémistes ont été nommés ; ceux-ci ayant pour seul but de contrer les manifestations anti-FMI.

La lutte contre le chômage fut le thème principal de la deuxième manifestation. La ville de Most se situe dans une région où 40 % de la population est privée d’emploi. 70 anars et sympathisants se sont rassemblés devant la gare en brandissant une banderole en faveur de la semaine de 30 heures. Cette action pacifiste a été bien accueillie par les média locaux. Encore une preuve que la solidarité peut être efficace (les mineurs étant menacés de licenciement). Des informations alarmantes nous sont également parvenues quant à des camarades risquant des peines de cinq à dix ans de prison pour avoir entre autre réagi à des attaques fascistes.

En fait, le mouvement anarchiste tchèque lance un appel à la solidarité aussi bien morale que financière. Il faut savoir que le fonds de soutien est au plus mal, qu’il a déjà dépensé 10 000 dollars en frais de justice de novembre 98 à avril 2000 et que cette somme représente trois ans de salaire pour un travailleur !

FSA-IWA

secrétariat international
traduction : michèle (Lyon)

PO BoX 5, 15006 Praha 56
e-mail : fsa-praha@volny.net


Dijon : Manifestation et fête de rue anticapitaliste

Suite à l’appel lancé par divers collectifs de par le monde pour une nouvelle journée mondiale d’action contre le capitalisme, la mondialisation, la domination et leurs effets, différents groupes, collectifs et individu-e-s ont organisé une manifestation à Dijon, le samedi 29 avril. La manifestation de 300 personnes a rassemblé le Collectif pour des villes sans voitures, le groupe féministe non-mixte, le groupe libertaire, la CNT, le squat Les Tanneries, la Croix noire anarchiste (ABC), les associations Acer Sativa et Maloka ainsi qu’un grand nombre de sympathisant-e-s et de gens diversement impliqués dans les squats, les luttes anticapitalistes, anarchistes, antispécistes ou écologistes…

Diverses actions ont eu lieu tout au long du parcours : des féministes ont renommé les rues avec des noms de femmes de façon à souligner l’invisibilisation des femmes dans la société, ont collé des affiches et autocollants à travers la ville et ont également réalisé plusieurs détournements publicitaires pour dénoncer l’utilisation comme objet du corps des femmes. Par ailleurs, la vitrine d’une agence de bourse a été recouverte d’affiches autocollantes et taguée avec des slogans anticapitalistes, de même que trois agences d’intérim. Le collectif pour des villes sans voitures a symboliquement tracé une piste cyclable sur un des grands axes du centre-ville.

Les squatteuses et squatteurs du 3, rue Saumaise ont marqué une pause devant le bâtiment qu’ils occupaient depuis octobre et qui fut expulsé le 5 avril 2000 par une centaine de flics, mettant fin à un projet de vie collective ainsi qu’à une bibliothèque et un salon de thé hebdomadaires. Des manifestant-e-s ont également distribué de la nourriture végétalienne et des tracts sur les dangers représentés par les OGM. La manifestation s’est poursuivie par l’occupation des voies de la gare, pour protester contre les lois racistes et l’expulsion des sans-papiers, que cautionne la SNCF par sa collaboration active avec les autorités. Un manifestant, s’éloignant du rassemblement, a alors été violemment pris à parti par quatre policiers. Les flics ont gazé ceux et celles qui tentaient de résister à l’interpellation, mais n’ont finalement réussi à embarquer personne. La manif s’est ensuite déplacée vers un gros carrefour du centre-ville, bloquant la circulation avec des banderoles et un sound-system. Une fête de rue a alors eu lieu, combinant musique, théâtre de rue (par la « Famille Turis » ayant animé le parcours), jus de fruits et performances de graffiti. Un militant grimpa à un poteau pour accrocher à une caméra de vidéo surveillance une banderole dénonçant le contrôle social et la surveillance vidéo. Une fausse cérémonie a renommé la place Darcy « place des banques, en mémoire aux victimes du capitalisme », sous un déluge de faux sang et de faux billets. La manifestation se termina peu après, sans que les flics n’interviennent une nouvelle fois.

Au-delà de l’affirmation de notre rejet du capitalisme et de la domination, l’objectif de la manifestation et des actions était de promouvoir des moyens de résistance au capitalisme qui dépassent la simple contestation passive, qui passent par l’action directe et la désobéissance civile, sans pour autant faire trembler le pouvoir, nous en sommes bien conscient-e-s. Cette manifestation coïncidait avec des journées portes ouvertes organisées à l’Espace autogéré des Tanneries, squat d’habitation et d’activités. Des concerts, expos, graffs, projections s’y sont succédé pendant 3 jours. Les activités anticapitalistes autour du 1er Mai se poursuivirent le lundi avec un Piq’Nik’Tou’libertaire et une conférence-projection-concert sur les prisons, organisés par la CNT (Confédération nationale du travail) et le FLIDD (Familles en lutte contre l’insécurité et les décès en détention).

Maloka


Collages d’affiches interdit !

L’interdit est d’essence irrationnelle et n’a donc en soit pas besoin d’explications. En matière de drogues, les derniers rapports officiels ont tous démontré l’absurdité du classement entre produits licites et illicites et ont rejeté la criminalisation des usagers. On peut citer le rapport de la commission Henrion (gynécologue proche du RPR) qui en 1994 souligne que l’on peut difficilement soigner et réprimer en même temps et demande une dépénalisation du cannabis pendant deux ans… On peut aussi rappeler le rapport Roques (commandé par le ministère de la Santé) qui en 1998 classe le cannabis derrière le tabac ou l’alcool au niveau de la dangerosité. On peut… Mais comme tous les rapports scientifiques pourront toujours démontré le ridicule du « saint suaire » ou de la résurrection du Christ, les faits restent vrais car au service du pouvoir. Car l’interdit n’a aucune logique de santé mais répond à d’autres logiques : morales, financières et de contrôle social…

C’est dans ce contexte que la FA appelaient à un rassemblement en soutient au groupe de musique Matmatah poursuivi par un policier nantais pour une chanson. Car l’interdit d’essence irrationnel doit s’accompagner d’un contrôle très précis de la parole. C’est ainsi que le 31 décembre 1970 à 2 heures du réveillon, les quelques députés présents ont voté un article (L. 630) interdisant tout débat sur le sujet. Et c’est donc tout logiquement que le groupe FA de Nantes, le CIRC… ont mené une campagne pour l’abrogation de cet article. Le 9 mai dernier 3 personnes ont été interpellés en collant des affiches de la FA. « Légalisons de débat » et du CIRC « En France il est interdit de dire que le cannabis c’est bon. ». Trois heures de garde à vue suite à laquelle ils ressortirons avec comme chef d’accusation « incitation »…

Les services de police alerteront la presse régionale qui couvrira cette affaire (de Europe 1 à FIP en passant par la presse écrite…). Cet empressement de la police peut être diversement interprété : de tentative d’intimidation, d’une volonté d’en découdre avec les « milieux anti-prohibitionnistes »… Toujours est-il que nous devons restés déterminés et vigilants. Cet article en appelle d’autres avec dès la semaine prochaine un compte rendu de l’action du 15 mai.

Théo Simon. — groupe FA Nantes

Pour recevoir informations complémentaires, pétitions de soutien… : FA, ACLN, BP 60221, 44002 Nantes Cedex1.