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Deux « Otages » en procès

Le jeudi 14 mars 1985.

Yves Deschamps et Thierry Destriez, membres de la rédaction d’Otages, journal de lutte des détenus, passaient en procès jeudi dernier. Ils sont tous deux poursuivis pour « recel de malfaiteurs » et « détention d’armes », pour avoir hébergé des militants du groupe Rebelles actifs et n’avoir pas cru bon de contrôler ce que ces derniers transportaient dans leurs bagages. Bref, pour ne pas avoir joué les flics en leur propre demeure, Yves et Thierry se sont retrouvés en taule pendant un mois et demi avant d’être libérés, moyennant versement de 10 000 F chacun pour « frais de justice » (en langage populaire, on appelle ça du racket).

Rappelons que le parquet avait fait systématiquement blocage à cette mise en liberté (voir ML nº 554 à 558). Donc, jeudi dernier, ils se défendaient seuls, sans avocat, devant le tribunal de Lille. Ils ont immédiatement soulevé plusieurs questions essentielles et très embarrassantes pour les magistrats. D’abord le fait que le dossier ne leur a été transmis que 48 h avant l’audience. Ensuite, ils ont demandé que les Rebelles actifs, actuellement emprisonnés, qu’ils avaient hébergé, comparaissent comme témoins. Enfin, ils ont réclamé que Jean-Pierre Mouille, un détenu également rédacteur d’Otages (voir ML nº 559 et 561) vienne à la barre pour expliquer la démarche du journal et la censure dont il est victime dans les prisons. Il va de soi que le tribunal a refusé !

C’est donc pour ces deux raisons : dossier transmis trop tard et témoins non présents, que le procès a été reporté au 2 mai prochain. Une bonne nouvelle quand même : Yves et Thierry ont obtenu la suppression du contrôle judiciaire auquel ils étaient soumis depuis leur sortie (interdiction, entre autres, de recevoir qui que ce soit chez eux, à l’exception de leur proche famille ! Le parquet en réclamait le maintien. Ils ont déclaré qu’ils recevaient et rencontraient des personnes dans le cadre de leur vie militante et l’assumaient entièrement.

Une trentaine de personnes était présente pour soutenir Yves et Thierry, de plus la presse locale a rendu correctement compte du procès. Assurément, la baudruche judiciaire continue gentiment de se dégonfler ! Rendez-vous donc le 2 mai pour la suite de ce mauvais polar qui vise surtout à faire taire un journal qui dérange.

Gil