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Week-end antiraciste à Lille

Le jeudi 21 novembre 1985.

À l’occasion du passage à Lille de la troisième marche pour l’égalité des droits et contre le racisme., un collectif d’accueil [1] a organisé les 9, 10 et 11 novembre une série de réunions et de manifestations dont le bilan isous a paru tout à fait positif.

Outre l’accueil des marcheurs en lui-même, un rassemblement s’est tenu face au centre de rétention nouvellement construit à proximité de l’aéroport de Lesquin. Des flics barrant la route, des champs à perte de vue, des fils barbelés, une grille et quelques barraquements, barreaux aux fenêtres. Douze centres comme celui-ci sont prévus en France pour y enfermer des hommes, des femmes et des enfants en situation irrégulière ou en passe de le devenir [2].

« Il faut humaniser l’expulsion ! », nous disent les socialistes. Effectivement, les conditions matérielles d’enfermement sont « meilleures » dans les centres de rétention que dans les commissariats ou les gendarmeries. En revanche, l’existence de ces centres à la périphérie des villes implique la mise en place d’une véritable planification de masse des expulsions. Cette situation est intolérable. Ces camps nous renvoient aux périodes les plus troubles de notre histoire : guerre d’Algérie, réfugiés de l’Espagne franquiste, juifs et résistants des années 40. À Lille comme ailleurs, il importe de se mobiliser pour que ces centres n’ouvrent jamais leurs portes.

D’autre part, une réunion a rassemblé une centaine de personnes à Mons-en-Barœul en compagnie du maire socialiste, Marc Wolf, et des « conseillers associés », représentant les communauté algérienne et marocaine [3]. Après un bref bilan de ces conseillers, dont l’action depuis cinq mois a consisté surtout à une aide dans les démarches administratives de leurs concitoyens, le débat sur le droit de vote des immigrés a tourné court rapidement, les interventions du public ayant situé le problème sur un autre terrain, celui notamment de la politique gouvernementale en matière d’immigration (mesures limitant le regroupement familial, quotas, expulsions, etc.).

Marc Wolf s’est déclaré être totalement solidaire de cette politique, accusant au passage les « éléments extrémistes et les pêcheurs en eaux troubles qui profitent de la situation pour critiquer l’action du gouvernement ». Sur le droit de vote en lui-même, il affirma sa volonté de ne pas voir celui-ci dépasser le cadre des élections municipales. « Je ne vois pas des étrangers décider de la politique internationale de la France », déclara-t-il. « Laval était Français, Manouchian étranger ; nous sommes les résistants de la France d’aujourd’hui », lui répondit grosso modo un marcheur. Enfin, avant de se séparer, les participants ont souligné la responsabilité du gouvernement dans la percée du Front national (tactique électorale pour diviser la droite) et dans la montée du racisme (politique sociale, austérité, chasse aux clandestins, etc.).

Quant aux marcheurs [4], ils exprimèrent clairement qu’il n’était pas question pour eux de « voter utile » en mars 1986. « Si le gouvernement ne change pas de politique, nous en tirerons les conséquences… », discours d’autant plus combatif que le matin même, devant le centre de rétention, il avait été question dans le cadre de la lutte contre ce centre de « prises de contact éventuelles avec l’Assemblée nationale » (!).

Pour conclure, la longue intervention de Marc Wolf a déçu ceux qui croyaient encore que quelque chose était possible avec le Parti socialiste, un parti qui n’a pas hésité à déclarer ce soir-là par la bouche d’un de ses maires . « Dans la société, il faut des riches et des pauvres ! ».

Groupe de Lille


[1Ce collectif comprenait : SOS-Racisme (qui a eu bien du mal à faire accepter par sa direction nationale son engagement contre le centre de rétention), Coordination Immigré(e)s, Comité de résistance antifasciste et antiraciste, Verts, « Otages », FA, LCR, PSU, PAC, CEDETIM, LDH, UNEM, MRAP, ainsi que deux associations immigrées de quartier.

[2Pour la perte de leur emploi ou suite à une peine de prison d’au moins un an.

[3Sur le vote de Mons-en-Barœul, voir les articles parus dans Le Monde libertaire des 6 et 27 juin 1985.

[4Arrivée des marcheurs à Paris le 30 novembre 1985. Une autre marche est prévue dans la capitale le 7 décembre à l’initiative de SOS-Racisme.