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Willy Huppertz

Le jeudi 4 mai 1978.

Notre camarade Willy Huppertz est mort le 13 mars à Mülheim (Ruhr). Il était âgé de 73 ans : le décès de sa compagne l’avait beaucoup affecté et depuis plusieurs mois il était gravement malade. Avec lui disparais un militant ouvrier exemplaire et son nom reste étroitement lié à la reconstruction difficile du mouvement anarchiste allemand durant ces trente dernières années. Willy était communiste-anarchiste, mais il avait aussi foi dans l’action individuelle, prêt à donner l’exemple — même seul ! — accordant sa vie avec ses idées sans faiblesse et sans ostentation. Il combattait toute forme d’autorité et d’obéissance et ne faisait aucune concession au socialisme autoritaire marxiste-léniniste, même camouflé en anarcho-marxisme.

Avant l’avènement de l’hitlérisme, en 1933, il n’appartenait à aucune organisation anarchiste et sa méfiance à l’égard de toute autorité ne l’incitait pas à adhérer à un syndicat, même si ce syndicat était anarcho-syndicaliste comme la FAUD qui comptait à Mülheim plus de 5000 membres. Il était plutôt attiré par le cercle des lecteurs du journal anarchiste Proletarischer Zeitgeist. Dès la prise du pouvoir par Hitler il fut arrêté, longuement interrogé, puis relâché après plusieurs semaines. Mais en septembre 44, il fut de nouveau arrêté, puis transféré dans le camp de concentration d’Oranienburg. Là, il refusa de se plier et on réduisit sa ration alimentaire. Plusieurs de ses camarades anarchistes moururent à Oranienburg, Willy survécut davantage à cause de sa force morale que de sa résistance physique.

Rentré à Mülheim, il ne retrouva que bien peu de camarades. Un tout petit groupe qui se mit en relations avec des anarchistes épars dans la Ruhr, avec d’autres dans la zone d’occupation russe. Ces derniers envoyèrent à Willy de l’argent pour acheter un duplicateur et lui fournirent une machine à écrire. Et Willy se lança dans une aventure qui semblait folle : faire paraitre un journal anarchiste, le premier journal anarchiste allemand d’après-guerre ! Le nº 1 sortit en mars 48 et durant 25 ans Willy à peu près seul assura chaque mois la rédaction, le tirage et l’expédition de la petite revue Befreiung. On devine au prix de quels sacrifices ! Puis un groupe de camarades de Cologne prit la relève et Befreiung entre maintenant dans sa 31 année.

Willy aurait pu avoir une vie matérielle plus douce : en 45 on lui avait offert à Mülheim un poste de « fonctionnaire » dans l’organisation syndicale en reconstruction. Mais son caractère, sa conception de l’anarchisme lui interdisaient de devenir un « bonze » : il refusa.

Dans la dernière lettre reçue de lui et écrite peu de jours avant sa mort, Willy faisait allusion à la foire électorale qui battait son plein en France et concluait en ces termes : « Cela nous montre bien que ce sont toujours ces deux vieilles pestes : l’Autorité et l’Obéissance, qui mènent la danse. C’est pourquoi nous nous opposons d la religion et au marxisme et nous avons raison de dire que ce sont les individus eux-mêmes qui sont responsables de leurs conditions d’existence ».

Autorité des chefs, obéissance des sujets : voilà ce que notre camarade disparu a combattu toute sa vie.

Secrétariat aux relations internationales