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Dominique Lestrat

La Mobilisation continue

Le jeudi 9 juillet 1987.

Nous aurions aimé pour ce dernier numéro du Monde libertaire avant les « grandes vacances » annoncer que Dominique Lestrat, ce militant anarchiste qui lutte depuis quatre ans contre l’autoritarisme d’un ancien militaire, devenu directeur d’hôpital psychiatrique, avait cessé sa grève de la faim. Il n’en est rien. La lutte continue.

L’administration est une machine lente à comprendre et la vieille « démocrateuse » qu’est devenue la France n’en finit pas de faire attendre son monde. En 1984, lors de la première grève de la faim de notre camarade, qui avait déjà pour but de dénoncer le comportement pour le moins particulier de M. Imbert, l’administration n’avait cédé qu’au bout de 43 jours.

Pour cette deuxième action, il fallait bien sûr lui faire payer un tribut plus élevé. Au jour de rédaction de cet article, les 43 jours y sont. Il ne sera pas dit qu’il n’en coûte rien d’obtenir justice en France, mais c’est mal connaître la détermination de Dominique Lestrat… et le préfet commence à s’en rendre compte. Après l’avoir fait hospitaliser dans un service de l’hôpital de Laon au 35e jour de grève de la faim, il a tous les moyens de constater que Dominique ne lâchera pas. Les médecins réquisitionnés lui annoncent chaque jour que Dominique refuse toute alimentation et tous soins, et que son état se détériore. Il a perdu à ce jour 16 kg.

Le directeur de Prémontré refusant de revenir sur le licenciement du 13 mai 1987 et exigeant qu’on choisisse entre le « directeur de l’hôpital » et ce « marginal anarchiste », les autorités de tutelle ne peuvent donner raison à notre camarade sans désavouer ce haut dignitaire. Il leur faudra pourtant bien le faire si elles ne veulent pas avoir à justifier devant l’opinion publique la mort d’un gréviste de la faim dans ce pays de liberté et des droits de l’homme.

Ces derniers jours, une tentative pour faire arrêter cette grève eut lieu. Dominique vit débarquer dans sa chambre le directeur de l’hôpital de Laon, où il est actuellement hospitalisé, secondé par l’infirmier général et se vit proposer en échange de l’arrêt de son action un emploi dans cet établissement. Cette proposition était appuyée par le maire de Laon et par le préfet de l’Aisne. Inutile de dire que ce « poste de brancardier » fut refusé par notre camarade, qui continue d’exiger le respect de ses droits au travail et l’arrêt de l’acharnement de M. Imbert à son égard.

La mobilisation continue de plus belle, les télégrammes de soutien tombent de plus en plus nombreux sur le bureau du préfet. Les sections syndicales (surtout CGT) interviennent aussi dans ce sens, les unes après les autres. Une action a eu lieu lors de la séance de travail départemental pour les états généraux de la Sécurité sociale. Tout cela sème le trouble dans la région.

Coincés entre le risque d’être attaqués pour «  atteinte à l’intégrité d’un individu contre son gré » et celui de « non-assistance de personne en danger », les médecins souhaitent un dénouement rapide car plus les jours passent et plus ils risquent d’être confrontés à cette question épineuse. Le ministère de la Justice a été saisi de l’affaire.

Bref l’administration ne peut plus se dérober. Le scandale de Prémontré revient à la une de l’actualité. Il lui faudra maintenant prendre des mesures énergiques et elles ne peuvent plus être autres qu’une condamnation des pratiques de M. Imbert. Conscient que Dominique ira jusqu’au bout, nous ne pouvons espérer que les autorités de tutelle (DASS, préfet et ministère) sauront prendre leurs responsabilités. Dominique aura 36 ans le jour de parution de ce Monde libertaire, ce n’est pas un âge pour mourir !

Gr. Anizy-le-Château


Pour se tenir informé : comité de soutien à Dominique Lestrat, Moulin de Paris, Merlieux, 02000 Laon (téL : 23.80.17.09).