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Extrême droite

Il aura fallu un mort…

Le jeudi 13 octobre 1988.

À Lille, en plein centre ville, un jeune de 27 ans, sans domicile fixe, dort sur un banc public. Ce jeune sans domicile fixe, endormi, a été frappé à coups de « Doc’Martens » en pleine tête à 20 h 15, le samedi 1er octobre, à 50 mètres de la préfecture, dans un petit square.

Le groupe de skinheads continua tranquillement sa virée après ce bref tabassage qui entraîna la mort de Patrick Le Mauff, pourtant secouru rapidement par les habitués du square, les autres laissés-pour-compte de notre société.

La liste est longue

Cette même bande de skins avait déjà, l’après-midi même du meurtre, attaqué le gardien du bus des sans-abris. Une autre bande, le 29 septembre, avait attaqué des lycéennes, à la sortie du lycée de Lambersart. Le 30 septembre, c’est une autre agression, par des skins, à la sortie d’un LEP. La liste est longue, trop longue, à Lille et dans ses environs, des agressions, rackets et tabassages perpétrés par les skins. Ceux-ci sont regroupés autour d’organisations politiques comme Troisième voie (qui présentait un candidat aux cantonales de Tourcoing-sud : Philippe Carton), et également du GUD, dont le représentant au conseil d’administration à la fac de Lille III, A. Patin (tête de liste du mouvement), a été condamné et relâché à la suite des « expéditions » de Rouen et de Brest il y a 5 mois. Les autres groupes, comme les JNR (Jeunesse nationaliste révolutionnaire) (sic), recrutent et dirigent également les skins de Lille, ainsi que le groupe Léon-Degrelle (du nom d’un ancien collabo flamand [wallon] qui défendait le national-socialisme).

Nous ne nous tairons pas non plus face au « laxisme » (?) des flics et de la justice, puisque les flics municipaux sont des modèles pour les skins : le 10 septembre, quatre flics emmènent de force un jeune de dix-sept ans dans leur véhicule, le tabassent au poste et ailleurs, l’enferment dans le coffre de leur voiture pour aller le balancer deux fois de suite dans le canal de Wattrelos… Un de ces flics avait déjà été viré de deux mairies auparavant pour son zêle (ils seront défendus par Me Garaud, bien connu après les multiples procès pour Minute, Le Chardon et les tueurs d’Ouvéa…).

Ces skins, nouveaux SA, sont produits par la crise nous disent les médias ! Ceux-ci ne sont certes pas à une contradiction près. En effet, les skins justifient leurs actes en exprimant (en bavant) leur haine et leur violence contre les immigrés, les sans domiciles fixes, les punks… contre tous les « inutiles ». Les skins, eux, ne sont pas victimes de la crise mais en profitent pour installer leurs idées nauséabondes.

Huit de ces skins ont été arrêtés suite au meurtre du 1er octobre et sont inculpés de non-assistance à personne en danger (et non pas de complicité de meurtre), l’auteur présumé du coup de pied mortel a été arrêté. Les autres, très bavards, s’expriment sur TF1 et quelques radios avides de sensationnel.

Un « cahier noir »

La réaction ne s’est pas faite attendre à Lille : un « cahier noir » des actions des skins recueille les multiples infos sur les skins et autres nationalistes, et une manifestation de protestation s’est déroulée à Lille le 5 octobre, rassemblant plus de 600 personnes. La police nous a interdit d’ailleurs l’accès au square Richebet, lieu de l’agression.

Cette manif faisait suite d’ailleurs à celle du 4 octobre (rassemblement national) contre le projet de loi relatif au RMI (revenu minimum d’insertion). Car l’antifascisme ne doit pas, à notre avis, se borner à dénoncer les idées. Il doit aussi permettre de reconquérir le terrain social délaissé, où l’extrême droite, sous toutes les formes, tente d’infiltrer les diverses associations d’aide aux chômeurs (pour les Blancs et les Français comme à Roubaix) leur présentant ainsi leurs vues fascisantes expliquant la crise.

Bernard (Gr. « Humeurs noires »)