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Durban-sur-Arize (Ariège)

Le village écologique Ecotopia, une expérience positive

Le jeudi 11 novembre 1993.

Durant tout le mois d’aout, trois cent cinquante passionnés d’écologie se sont retrouvés sur le site du château de Saint-Barthélemy à Durban-sur-Arize, situé sur le triangle Foix-Saint-Girons-Le Mas d’Azil (Ariège).

Des ateliers de réflexion aux réalisations concrètes, l’autogestion était au rendez-vous, et la démocratie directe a battu son plein.

Cette manifestation, sous le nom d’Ecotopia, était co-organisée par European Youth Forest Action (EYFA) et le Mille-Pattes, association loi 1901 à but socioculturel (Milles-Pattes, BP 96, 09200 Saint-Girons). Il est intéressant de noter que le dynamique groupe d’individus qui la compose est tout entier animé du désir de sortir « carrément » de la routine. Preuve en est le fonctionnement adopté reposant sur des bases anti-autoritaires, refusant le pouvoir et la hiérarchie, d’où qu’ils viennent (élus ou partis politiques), sans pour autant écarter telle ou telle collaboration, comme c’est le cas avec la liaison FA de l’Ariège, qui a participé à la préparation d’Ecotopia. Preuve encore le souci de mettre sans cesse en avant des idées d’alternatives économiques et écologiques. De là à faire le pas vers l’organisation d’un réel mouvement contestataire organisé, il n’y a pas loin, et nous leur souhaitons un grand bond !

Nous avons donc rencontré Fred, militant du Milles-Pattes, ayant vécu le village écologique Ecotopia.

Infos et Analyses libertaires : Ecotopia ressemble fort à un rassemblement politique.

Fred : Politique au sens large du terme. Il ne faut pas rentrer dans le piège des mots. Le rassemblement était politique dans le sens où l’on a parlé de la vie des gens, on s’est occupé de notre vie, donc c’est forcé-ment politique.

Infos : Concrètement, que s’est-il passé, que s’est-il fait ?

Fred : Avant Ecotopia, il y a eu l’installation d’un four à pain, de douches à décantation, d’un abri nourriture, d’un système sanitaire de huit WC sur des fûts de deux cents litres, la DDASS ayant refusé notre système d’évacuation-épandage. Pendant Ecotopia, des panneaux solaires ont été installés pour l’électricité et le chauffe-eau, La nourriture provenait des producteurs bio locaux (lait et légumes frais), et de Hollande (c’est moins cher), le tout charrié par deux mules et un plateau (plus de trente cinq tonnes pour le séjour). Elle était végétarienne. Un « écobar » a fonctionné, avec de la bière bio. Les déchets étaient triés et gérés en fûts (verre/fer/plastique/divers).
Sur ce qui s’est fait, on peut retenir le chantier de restauration du château, où trois à cinq personnes ont participé chaque jour ; la remise en état d’un sentier pédestre à Alos, sur l’idée de notre copain Gérard Lorne, Cela, c’est plus l’aspect viabilisation du site.
Pour le côté « loisirs », il y eut toute une série de spectacles : théâtre devant le château, chansons européennes, percussions, musique tzigane, l’orgue de barbarie de Gérard… Des sorties aussi : aux concerts des copains de La Barthe, gratos, où il y avait mille personnes ; à la vallée d’Aspe le jour de sortie de Pétetin. Enfin des journées portes ouvertes qui furent très bien perçues par les « autochtones » fort nombreux à se déplacer.

Infos : L’organisation de la vie collective, le partage des tâches, comment s’effectuaient-ils ?

Fred : L’objectif était de faire vivre un village écologique. Nous avons voulu éviter tout ce qui se retrouve dans la vie courante, cadrée, minutée, prévue. Donc, nous étions le moins possible organisés, de manière à ce que chacun redécouvre par lui-même des règles de vie. C’est vrai que ce n’est pas évident.
Les activités étaient affichées tous les matins et les gens allaient ou n’allaient pas : taille de pierre, musique classique, ateliers clowns, constructions de huttes, coupe de bois… Il y avait un meeting après le repas. Les tâches matérielles se répartissaient de manière spontanée, les volontaires s’auto-désignant, avec parfois bien sûr quelques moments de latence. Il faut dire que l’aspect « vacances » était de la partie. Pour la bouffe, c’était Rantanplan, une équipe d’EYFA, qui s’en occupait. Infos : Donc pas trop de problèmes relationnels…

Fred : Non, les rapports entre les gens étaient normaux, parfois vifs, mais toujours mesurés. Mais tu sais, l’après-midi, le village était déserté pour des balades, des randonnées, des baignades…

Infos : Ecotopia a-t-il été un coup de pouce au Mille-Pattes ?

Fred : Oui. Cela a permis la réelle création d’un espace socioculturel, qui a fonctionné. Pratiquement l’adduction d’eau pour le site ne se serait jamais faite sans Ecotopia. C’est devenu un lieu de rencontres où tous les week-ends, une dizaine de personnes continuent de se retrouver pour bosser au château, mais aussi à échanger des idées, à discuter. La rencontre et l’échange d’idées entre Européens, c’est le premier objectif Ecotopia, nous le poursuivons ici. Un bon nombre des Européens présents a prolongé son séjour dans la région.

Infos : Des projets pour Ecotopia, pour le Milles-Pattes ?

Fred : Ecotopia sera l’an prochain dans un autre pays, c’est le bureau d’EYFA qui s’en occupe. Pour nous, c’est la poursuite de l’étincelle. Ecotopia a été le déclencheur par rapport à l’endroit (le site). La restauration du château continue, avec d’ici deux ans l’installation d’un « espace concert » devant la façade. D’un autre côté, les bâtiments « en dur » construits sont là utilisables. Le site doit rester une possibilité de lieu de séjour pour EYFA, mais pour d’autres également. La porte est ouverte !

Propos recueillis par Alain Feliu de la liaison FA de l’Ariège (extrait d’Infos et analyses libertaires, nº 35, octobre 1993)