Dès les origines, dans un monde de pénurie, le capitalisme sest construit sur lexploitation effrénée du travail humain, avec pour justification idéologique la sanctification chrétienne - y compris chez les exploités en révolte - de la valeur du travail : " tu gagneras ton pain à la sueur de ton front ".
Sil est vrai que la plupart dentre nous sont obligés de vendre leur force de travail pour survivre et faire vivre leurs enfants, il nen est pas moins vrai que pour beaucoup - et particulièrement pour les ouvriers qui bossent dans la sidérurgie ou sur une chaîne de montage automobile - le travail est dabord, et avant tout, un espace dexploitation économique.
Sil est vrai que dans une société dominée par le spectacle et latomisation des individus, le travail est lun des derniers lieux de création de lien social, il nen est pas moins vrai que lentreprise, avec son fonctionnement hiérarchique et autoritaire est dabord, et avant tout, un espace daliénation et doppression.
A l'heure de la révolution informatique, cest une évidence que le travail humain - et particulièrement celui qui est peu qualifié - est de moins en moins nécessaire à la production industrielle. Aujourd'hui, ce sont les robots qui, de plus en plus produisent la richesse, de plus en plus de richesses.
Face à ces évidences, le problème nest donc pas de gérer la pénurie, de répartir la misère, mais dinventer de nouvelles formes de répartition de toujours plus de richesses.
Il est donc indispensable de découpler aujourd'hui lactivité " travail " des revenus nécessaires à l'épanouissement de la vie de chacun. Que ce soit par lallocation universelle ou par tout autre moyen à inventer, cest moins par impossibilité comptable que cette nouvelle redistribution des richesses se mettra en place que par la formidable révolution culturelle quelle implique. Combien parmi les salariés nexistent socialement que grâce à leurs " activités professionnelles " ?
Question subsidiaire. La vacance actuelle du pouvoir patronal dans des usines en liquidation nouvre-t-elle pas des possibilités aux travailleurs de démontrer in vivo, à la société tout entière, leur capacité à auto-organiser la production. Dans les années 70, les travailleurs de lusine Lip de Besançon, licenciés en bloc, avaient occupé leur entreprise avant de la redémarrer collectivement, sans patron. Leur mot dordre était : " on produit, on vend, on paie. " Piaget (1) reviens ! Ils sont devenus fous, ils ne cessent dexiger un nouveau patron
Question subsidiaire. Quel silence assourdissant dans les luttes de Clabecq et Renault autour de la question de lutilité sociale de la production. Se bagarrer pour pouvoir continuer à produire des bagnoles, toujours plus de bagnoles, est-ce bien notre combat ?
(1) Piaget, délégué CFDT de lusine Lip était la figure emblématique de cette aspiration autogestionnaire