La prison à domicile

Un projet de loi a été adopté le 25 mars à l’Assemblée nationale sur le bracelet électronique aussi appelé " prison à domicile ".

Il s’agit d’un bracelet connecté à un recepteur-émetteur placé chez le condamné et lui-même relié à un ordinateur, cela permettant à l’administration de surveiller un détenu qui aura le " loisir " de se déplacer dans un rayon de quarante-cinq mètres, chez lui, et pendant les heures assignées par le juge. Bien entendu, toute sortie du périmètre équivaut à une évasion.

Ce système est déjà appliqué aux États-Unis, au Canada (Colombie britannique), en Suède et depuis peu aux Pays-Bas. En réalité, on peut dire qu’en Europe, cette pratique est encore expérimentale ; elle ne concerne qu’un petit nombre de prévenus (Pays-Bas : 166, Suède : 55). Ces prévenus sont essentiellement des " petits délinquants ", en Suède, ce sont des coupables d’alcoolémie au volant. Le but de cette loi est de désengorger les prisons françaises surchargées à 120 %, soit 59 000 détenus pour 49 000 places.

Comme un changement radical de société n’est pas à l’ordre du jour dans les projets gouvernementaux, ou plus simplement une politique ambitieuse de prévention et d’assistance médicale pour la toxicomanie ou l’alcoolisme, les sphères du pouvoir prévoient de condamner différemment, mais toujours condamner, et peut-être plus.

Les auteurs du projet de loi ne se place donc pas dans une perspective de baisse de la criminalité. Ce qui les préoccupent, ultralibéralisme oblige, est d’obtenir une faible augmentation des coûts de la répression, voir une baisse. Or, cette nouvelle méthode reviendrait cinq fois moins cher que l’emprisonnement classique.

La presse a peu fait écho des débats sur ce sujet, et pour cause, peu de politiciens se sont prononcés contre ce projet, les rares critiques sont restées " molles ". Nos chers députés de la gauche, PC-PS, se sont abstenus lors du vote. Julien Dray (gauche socialiste) a cité les déclarations du patron Loïc le Floch Prigent traumatisé par son séjour en prison. En même temps qu’il dénonçait le peu d'humanité dans le système carcéral, il s’inquiétait que ce système ne s’applique qu’aux délits financiers.

Seul Hage, député communiste, a fait un rapprochement avec le boulet du forçat. Pour la droite parlementaire, le bracelet électronique est un moyen de " sauvegarder la dignité de l’individu ", pour Toubon, c’est " une peine de l’an 2000 " !

Un progrès ?

On le voit bien, et le contraire eut été étonnant, la philanthropie n’est pas à l’origine de ce projet de loi, c’est encore et toujours l'économie libérale. Pour les libertaires, il convient de s’interroger si c’est un moindre mal, un faible progrès et par ailleurs, l’un n’empêche pas l’autre, s’il n’y a pas de graves risques de dérives (sur ce plan simplement technologique, le Canard enchaîné du 9 avril 1997 nous révèle qu’aux États-Unis sont utilisés pour les prisonniers des ceintures électroniques avec décharges électriques).

D’après Picotin, rapporteur de la loi, " la personne placée sous surveillance électronique n’est en aucun cas maîtresse de son emploi du temps, préfixé par le juge avec le souci d’occuper au maximum le condamné ".

Néanmoins le danger le plus important vient du fait que tous les délits jusqu'à présent non condamnés ou alors avec sursis, le soient désormais en prison ferme sous la forme du bracelet. L'hésitation de certains juges à " donner " du ferme, notamment pour la possession de substances illicites risque de disparaître.

La science et l’image de progrès qu’elle véhicule nous fait souvent passer ces innovations, dans l’imaginaire collectif, comme un mieux.

D’un côté le bracelet électronique (" prison à la maison "), de l’autre, le terminal ordinateur (" travail chez soi "). La motivation de l'État et les patrons reste à la baisse des coûts, pas plus de prison, moins de bureau… La logique ultralibérale veut que les prisonniers soient un moindre coût pour l'État, d’où des dérives certaines du système carcéral, déjà présentes dans beaucoup de pays. Le bracelet électronique, outre son caractère économique, procède de la volonté du contrôle des individus.

Cyrille Gallion