12 avril 1997, aux quatre coins de lEurope, des chômeurs se mettent en marche, depuis le cercle polaire ou depuis Sarajevo, du Maroc ou dIrlande, ils se sont donné rendez-vous à Amsterdam le 14 juin. Ce jour là, devant la conférence intergouvernementale européenne, ils signifieront leur colère, leur révolte, leur désir dune autre société.
Ces marches sont un défi au capitalisme, à sa toute puissance politique, économique et idéologique. Si ces marcheurs peuvent sembler dissemblables dans leurs revendications, certains en appelant au droit au travail, dautres ayant pour mot dordre labolition du salariat, tous demandent la redistribution massive des richesses.
Le 1er mai verra labolition symbolique des frontières : hélas ! il ne sagira que des frontières européennes ; hélas ! ce ne sera que symbolique, mais pour nous qui refusons toutes les frontières, ce 1er mai sera une négation de tous ces nationalismes qui prétendent à nouveau coloniser limaginaire.
Ces marcheurs qui traverseront des villes dont les fascistes se croient les seigneurs, accueillis par ceux qui mènent le combat contre la peste auront à montrer que les luttes sociales ont à combattre toutes les formes de délire du capitalisme.
Ces marches, si elles signifient un refus de lEurope de Maastricht et de Shengen, sont aussi un pied de nez aux récupérateurs sociaux-démocrates qui, jouant la carte dune Europe sociale, sont prêts dans chaque pays à gérer lexploitation, et visent, comme les libéraux, la construction dun État européen, superbe outil dun capitalisme sans frontières.
Solidaires des Indiens du Chiapas, des luttes des salariés de Corée du Sud et dailleurs, les marcheurs signifient que linternationalisme a resurgi, et quil est temps de dépasser la conscience morcelée de cette pseudo-identité européenne.
Coup de pied au cul au racisme, à la misère, ces hommes et ces femmes au long de leur parcours vont traverser villes et campagnes où la solidarité déjà se réinvente, et où simaginent dautres liens sociaux.
Par delà les corporatismes, par delà les nouveaux leurres que proposent syndicats ou partis sociaux démocrates, dautres syndicats, des associations et des individus libres de toute attache, affirmant haut et clair la nécessité den finir avec le capital. Par delà les clivages politiques, les dogmes, vont se croiser des questionnements multiples.
Ceux dont nul nanti ne veut entendre la voix, ceux quon prend et quon jette, exploités avec ou sans papiers, ceux dont la conscience est la cible de toutes les crétinisations mercantiles, idéologiques ou religieuses, sapprêtent à se reconnaître plus nombreux encore, et plus déterminés quil y a trois ans.
Si certains ricanent en évoquant les anciens chemins de Saint Jacques de Compostelle, cest quils ne voient pas quici ou là sinventent de nouvelles formes du mythe libertaire, cest quils nont jamais su voir que l'horizon fermé de leur doctrine. Utopistes impatients d'éprouver que la vraie vie est ailleurs que dans lidolâtrie du travail, de la marchandise ou de la patrie, les marcheurs tracent de nouveaux chemins initiatiques. Nous saluons ce mouvement, et nous en serons.