Il est des sondages qui, rapidement considérés, réconcilieraient presque avec les Français. Quatre-vingt pour cent dentre eux, en âge de voter, estiment en effet que la récente dissolution de lAssemblée et les élections qui suivront ne sont en réalité que grossière manuvre politique de la part dun gouvernement essouflé.
Senthousiasmer pour ce qui apparaît ici comme un solide bon sens retrouvé serait toutefois déplacé, dans la mesure où une confortable majorité de ces mêmes sondés, quelques jours avant cette dissolution, sy montraient favorable, approuvant par avance une décision quelle sempressait aussitôt de déconsidérer.
Faut-il en vérité s'étonner quune mesure soit ainsi qualifiée d'évidente combine par ceux-là même qui prétendent la souhaiter, et dénoncer à travers cette apparente contradiction une formidable manipulation de lopinion ?
Rien nest moins sûr ! Car l'électeur, individu dépossédé, est ainsi fait que, même réveillé par une lueur soudaine de lucidité, momentanément lassé de jouer sans discontinuer le rôle peu reluisant de l'éternelle dupe, soudain conscient d'être le jouet dérisoire des isoloirs au profit dune coterie occupée à assurer sa pérennité, jamais ne renoncera à ce quil sait parfois être sa dérisoire et inutile " liberté " ; choisir, à travers son élu, celui qui demain le fera cocu.
Comme la prière, étouffoir de la raison, cette attitude relève de lirrationnel et de lincantation, préférant le dous ronron des urnes et la douce prison des élections, cercueils de médiocres illusions, à laventure de la liberté dindividus enfin responsabilisés.