En sus de la rétrospective consacrée au réalisateur du Kerala, Adoor Gopakrishnan, dun panorama sud-africain et de la section sur " la nouvelle vague " sud-coréenne, la 11ème édition, du 2 au 9 mars derniers, offrit aux quelque 13 200 privilégiés lopportunité quasi unique de porter leurs regards " au delà de l'horizon " (1), si loin, si proche
Né en 1962 dans le camp de réfugiés de Shati (Gaza), Rashid Masharawi restitue fidèlement lexistence de ses frères palestiniens dans leur enclave de non-droits et de confinement. Haifa emprunte son titre au personnage principal qui a adopté comme sobriquet le nom de la cité portuaire doù il est originaire. Bien que considéré comme " lidiot du village ", Haifa (Mohammad Bakri), vêtu dun treillis militaire mais armé dun fusil en bois, apparaît, nonobstant ses imprécations, comme lange protecteur, toujours prêt à rendre service à ses concitoyens. Lintrigue de 75 minutes se déroule au moment des accords entre Yasser Arafat et Itzhak Rabin, le 28 septembre 1995 à Washington, quant à lextension de lautonomie de la Cisjordanie. Siad (Fadi el-Ghoul) estime que " rien ne changera ". Au regard de la situation actuelle marquée notamment par la poursuite des scandaleuses implantations de colons, le jeune homme sceptique et partisan de lIntifada na malheureusement pas tort.
Du haut de son phare, Mai Qiang règle la circulation sur le Yang-Tsé-Kiang. Lintrusion de son pote Ma Bin, accompagné de la passablement délurée Lili, ne parvient ni à le distraire de son ennui, ni à le dérider. Il rêve de Chen Qing, employée dans un hôtel à Wushan, bourgade en contrebas vouée à lengloutissement, édification du gigantesque barrage des " Trois Gorges " oblige (2). Zhang Ming a conçu Nuages de pluie sur Wushan : lattente comme " une histoire damour dans laquelle des événements étranges se profilent sous la surface des éléments ordinaires ". Le jury international décerna son Grand Prix à ce long-métrage de 96 minutes, également récompensé par les ciné-clubs.
Gir-Gir (Tumulte) évoque un pan méconnu de l'histoire éthiopienne (3), à savoir une tentative de coup dEtat perpétrée contre la monarchie, le 16 décembre 1960, lorsque lempereur Hailé Selassié s'était rendu en visite officielle au Brésil. Après l'échec du putsch, Yoseph Zelicka (Jima Assefa), un aristocrate aux idées révolutionnaires se voit contraint à la fuite. Labri que lui fournit provisoirement Dejen (Eskinder Berhane), le compagnon de ses jeux denfance, aujourd'hui serviteur dans une famille patricienne, semble plus quincertaine ; pour la première fois, Dejen se trouve en position de peser sur le sort dun noble. Yemane I. Demissie, domicilié à Los Angeles, propose une fin ouverte à toutes les conjectures. Il tourna dans le sud de la Californie où certains décors naturels ressemblent aux paysages éthiopiens ; il mit sept ans pour achever son premier long-métrage, produit " à coup de cartes de crédit ".
Laction de Friends se situe en 1989, alors que les premières mesures formelles dassouplissement de lapartheid nont rien modifié des structures de la société sud-africaine. Sophie, une bourgeoise blanche, Aninka, une Afrikaner, et Thokho, une noire, se partagent la même demeure à Johannesburg. Elles napprécient pas la situation intérieure de manière identique. Sophie, interprétée par Kerry Fox (An Angel at my table de Jane Campion et Saigon Baby de David Attwood), appartient à un mouvement activiste. Elle dépose une bombe à la Willbrow Tower, puis à laéroport Jan Smuts ; le second attentat entraîne le décès de deux personnes. Elle refuse de fuir au Botswana et se livre à la police. Inculpée de meurtre, elle est incarcérée. Relaxée suite à lamnistie accordée à des prisonniers politiques, elle rejoint ses amies, désormais installées dans le township aux abords de la métropole. Elaine Proctor dépeint avec autant de justesse le contexte socio-politique que le cheminement individuel des trois femmes. Friends avait obtenu une mention spéciale à la Caméra dor, lors du Festival de Cannes en mai 1993.
L'éveil de la sensualité chez Nham (17 ans), la tristesse muette de Ngu, sa belle-soeur, le retour provisoire dans son village de la sophistiquée Quyen, installée aux States, lespièglerie de Ming, qui mourra écrasée comme sa camarade d'école My sous les roues dun camion conduit par un chauffard ivre La beauté mélancolique de Nostalgie pour le pays du Vietnamien Dang Nhat Minh a captivé un public disponible pour ses irrigantes vibrations.
(1) Martial Knaebel, le directeur de la manifestation
(2) Cf. " Septième art et écologie " : Monde libertaire du 14 novembre 1996
(3) Aucune des encyclopédies consultées ne le mentionne