La liste est longue Il y a des oubliés, Haneke par exemple. ses " Funny games " sont une réflexion remarquable sur la violence. Deux gamins aux manières impeccables, gantés de blanc sintroduisent chez des gens très bien pour les torturer sans raison et les expédier dans lautre monde de la façon la plus atroce. Mais la violence reste hors champ. Nous ne voyons pas ce quils font, nous ne voyons que le résultat. Car pour Haneke, il sagit de faire réfléchir le spectateur sur sa propre manière de réagir à la violence et à sa représentation. Cest terrifiant, tellement cest intelligent.
Une violence sourde grogne également dans La Vie de Jésus. Là aussi, on voit plutôt leffet que les coups ou les violences faites à dautres. Pourquoi ce titre ? Parce que cette bande de jeunes, perd un copain, malade du sida au début du film. Et quil est très clair que tous aimeraient le ressusciter, tel Lazare. Et puis il y a la copine du personnage principal qui devient telle Marie-Madeleine un personnage contesté dès quelle manifeste ses goûts pour une autre personne. Ne devient pas Jésus qui veut. Le film est terrifiant de radicalité. Il montre sans pointer du doigt. Toute une jeunesse rurale, folle de mobs trafiquées est observée, filmée dans une intimité rarement vue au cinéma. Ce nest pas un film pour le prime time de nos chaînes frileuses, ni pour la séance familiale de ciné, le dimanche. Après de longues discussions - quon imagine animées - La Vie de Jésus, première réalisation de Bruno Dumont, a obtenu la " mention " du jury de la caméra dor. Le film a déjà obtenu le prix Jean Vigo pour lannée 1997.
Une rage violente anime aussi la brillante réalisation de Brigitte Roüan, qui travaille dans son deuxième long métrage - quelle interprète et quelle dirige - les douleurs intimes et variables que produit la fin dun grand amour. Film de clôture de la section " Un certain regard ", il a surpris par son dosage d'humour le plus cocasse et son désespoir profond. Elle perd les pédales et sombre corps et âme, mais sa personnalité renaîtra grâce à laffection profonde du réseau damitié, tissé auparavant. " Post coïtum, animal triste "
Brigitte Roüan est pied-noir dAlgérie, comme Dominique Cabrera qui réalise avec Lautre côté de la mer son premier long-métrage. Brigitte Roüan montre dans une petite scène la compassion fraternelle dun bistrotier arabe avec notre héroïne. Cest quelque chose de lordre du vécu quon ne peut oublier. Saviez-vous que les accords d'Évian ont permis aux Algériens douvrir des cafés ?
Dominique Cabrera travaille la mémoire douloureuse d'être quelque part et de ne point pouvoir y retourner. Brasseur incarne le pied-noir resté à Oran, alors que toute la famille est partie en 1962, avec lindépendance de lAlgérie. Avançant sur la pointe des pieds, cest un film tendre sur un désir complexe, un film violent quand les droits, les affaires, le commerce sont à négocier. A mille lieues du cinéma dun Arcady, faisant du pied-noir le parrain potentiel des colonies françaises de peuplement, le film raconte la rencontre probable entre un ophtalmo algérien, né en France (Roschdy Zem), ne parlant pas larabe et un pied noir, né en Algérie, parlant larabe ; leur amitié signifie rencontre et approche de lautre.
Pour les sans-papiers aussi une rencontre importante a eu lieu. Dautres réalisateurs, dautres pays prendront le relais. Pour commencer, le film des sans-papiers sera diffusé dans tous les pays dAfrique et du Maghreb.