Prison

Suicide mode d’emploi à Bois d’Arcy

Le 13 mai 1997, vers 15h45, un " détenu arrivant ", à la cellule C105, a mis le feu à son matelas pour se suicider.

Ce fut le branle-bas de combat chez les cols de Schmitt (les matons) qui extirpent le détenu plus ou moins vite. Heureusement, c’est en pleine journée, donc l’intervention des matons a été assez rapide. La nuit, c’est autre chose… et une autre histoire…

Pour faire évacuer la fumée, l’odeur très forte et prégnante du matelas brûlé, les matons ont ouvert les portes de toutes les cellules. Ils hurlaient aux détenus de se mettre aux fenêtre pour s’aérer les poumons, en respirant quoi ? Je vous le donne en mille : de la fumée acre qui s’insinue dans la gorge et les poumons, car il est impossible d’obtenir une réelle aération. Bien des heures après, la fumée était toujours présente, l’odeur toujours prégnante dans les cellules du bâtiment.

Pour continuer dans les horreurs ordinaires, le 20 mai 1997, vers 23 heures, un détenu de la cellule 117, qui était arrivé le dimanche 18 mai, vers, 20 heures, tente de se suicider, en se coupant au niveau du cou. Il y a du sang partout, le type s’est bien coupé. Son codétenu hurle et appelle à l’aide de la fenêtre. Il n’a rien pu faire pour l’empêcher, cela s’est passé trop vite.

Les gars des cellules font bloc pour alerter le maton de service. Ce n’est pas les plombs de la télé qui ont sauté, mais bien un arrivant. Tous les détenus hurlent pour que le maton se magne. Que ce n’est pas une blague, que c’est sérieux, que c’est grave.

Il ne viendra qu'à 23 h 22. Et, sans se presser, il regarde à l'œilleton et s’en va quérir un autre maton qui, lui aussi, après avoir constaté la gravité de l’incident, se décide à aller chercher le " gradé ".

Pourquoi ? Parce que maintenant ça urge pour l’arrivant, ça urge pour la pénitentiaire et les matons. Ils vont se retrouver avec un cadavre sur les bras. Et c’est à 23h30 que l’arrivant sera évacué. Pendant plus de vingt minutes, les gars de quinze cellules ont gueulé ! Le pire fut évité.

L’année dernière, un détenu est mort, au bâtiment des jeunes détenus, après avoir mis le feu à son matelas. Ses deux codétenus furent gravement intoxiqués. Le directeur s’est permis de déclarer à la presse : " l’intervention prend généralement six minutes ". Il a été demandé à l’administration pénitentiaire que les matelas soient changés. Nous voyons qu’un an après rien n’a été fait.

Personnellement, je crois que les " détenus arrivants " sont à considérer comme des personnes sensibles pendant les deux ou trois premiers jours d’incarcération. Tout le monde sait que c’est dans cet espace de temps que les détenus se suicident le plus. Là aussi, rien n’est fait.

Qu’est-ce que cela leur coûterait de mettre en place un service spécial pour la nuit, avec un maton qui ferait une ronde très régulière et qui resterait en permanence à l'étage des " cellules arrivants " ? Ou alors, que l’on me dise à combien l’administration estime le prix d’une vie humaine ?

Les syndicats considèrent que ce n’est pas leur boulot et qu’ils ne sont ni médecins, ni psychologues. La seule chose qu’ils peuvent faire, c’est de signaler les détenus, qui leur semblent fragiles au SMPR.

Le jour, nous sommes gardés avec un nombre suffisant de matons. La nuit, deux matons tournent pour seize étages de cinquante cellules dans quatre bâtiments différents. Cela fait beaucoup d'œilletons à lever pour vérifier si tout va bien dans les cellules.

Il faut dire aussi que l'équipe de nuit, c’est du boulot " à tranches " : deux matons aux étages et six au greffe à bavarder, boire de l’alcool ou de la bière ou à pioncer à tour de rôle…

Les " détenus arrivants ", à Bois d’Arcy, ont de beaux jours devant eux pour continuer leurs tentatives de suicide !

Kniam - Bois d’Arcy.