Élisabeth Guigou, alertée par une lettre ouverte dun aumônier de prison a décidé de passer quelques jours de son mois daoût dans la visite de plusieurs établissements pénitentiaires. Pourquoi a-t-elle attendu que ce soit un aumônier qui linterpelle ? Tous ses collaborateurs ont sûrement des dizaines de courriers de détenus dans leurs tiroirs pour dénoncer leur condition de détention : les cellules surpeuplées entraînant un grave dysfonctionnement dans l'hygiène, lintimité et la dignité du prisonnier, le manque de soins (spécialistes, dentistes), le manque dencadrement de " réinsertion " (un éducateur pour détenus, etc.) la misère de dehors amplifiée à lintérieur pour ceux qui la subissent, la misère sexuelle et psychologique, les brimades, les arbitraires, les détenus atteints de pathologie graves qui meurent en prison. Navait-elle pas eu le temps de consulter les chiffres des suicides pour lannée 1996 (138) : proportionnellement dix fois supérieurs à la population normale.
Quand la parole des détenus sera-t-elle prise en compte ? Quand les prendra-t-on pour des citoyens à part entière, responsables et à même de savoir quels sont leurs problèmes ?
Elle naurait pas eu le besoin de se déplacer tout est écrit dans ses courriers. La seule différence cest quelle a touché l'horreur de près. Que va-t-elle ? Rien de plus que les autres. Elle a déclaré : " quil fallait utiliser tous les moyens pour faire baisser la population carcérale ", elle a parlé aussi " dalternatives à la prison ".
Il ny a pas besoin dalternatives. Si les étrangers en situation irrégulière qui nont commis aucun délit n'étaient plus enfermés, si on légalisait la drogue, les prisons se videraient à peu près à 80 % de leur population.
Après, on pourrait alors parler sérieusement de politique de réinsertion. on peut attendre que ces décisions soient prises mais elles ne le seront pas demain : on parle mais on ne fait rien. La prison na jamais été une priorité daucun gouvernement, de droite ou de gauche. La volonté politique nentend que la " voix de lopinion publique ", celles des sondages et des " luttes à mener en priorité " Mais les détenus ne sont pas prioritaires.
La promenade de Madame Guigou dans les prisons napportera donc rien de nouveau : des femmes et des hommes continueront à y perdre leur vie.
Peut-être y aura-t-il quelques réformettes : sur le droit à lintimité par exemple puisque lO.I.P. (Observatoire international des prisons) va être reçu par la ministre. Vont-ils avoir le courage de mettre en place les parloirs intimes ? Peut-être dans les Centres de détention où les peines sont de dix ans et dans les Centrales où elles sont supérieures à dix ans afin d'éviter les éventuelles mutineries et " apaiser langoisse des matons " devant la longueur des peines ? Alors, quils faudrait mettre en place les sorties conditionnelles (sortie à mi-peine) et surtout autoriser davantage de permissions de sortie à un plus grand nombre de détenus.