Décidément, cette conférence du 10 octobre aura été loccasion dune intox remarquable !
Annoncée avant l'été et présentée par le gouvernement Jospin comme une grande initiative en faveur du progrès social, elle se transforme (comme de bien entendu) en vaste fumisterie pour les salariés ; les valeureux " socialistes " se couchant devant les premiers aboiements de la bourgeoisie et du CNPF
Lorganisation patronale, qui nen a jamais assez, faisait récemment mine de ne plus vouloir se rendre à la conférence. Une belle mise en scène qui permettait de " cadrer " encore mieux la rencontre et de tirer définitivement un trait sur la question dune réduction du temps de travail généralisée et uniforme.
Sur le fond, le pouvoir entérine aujourd'hui le principe de la flexibilité tous azimuts, achève le démantèlement de la sécurité sociale. Bref, répond positivement, point par point, à toutes les exigences de la classe dominante
La conférence est quasiment bouclée à lavance. Histoire de limiter au maximum la marge de manuvre et de négociation des confédérations syndicales, le pouvoir sert en apéro les emplois-jeunes.
Tout comme avec les T.U.C., les C.E.S. et lallocation R.M.I., l'État continue la politique traditionnelle de " gestion de la misère " si chère au libéraux " socialistes " et cest un nouveau statut, précaire et misérable, qui est créé.
A noter que " lemploi-jeune " va pouvoir inspirer directement les patrons dans leurs attaques contre le Droit du travail. En effet, l'État innove en " inventant " le C.D.D. de plusieurs années reconductible à terme avec, au bout, la promesse dune embauche - le CDD de cinq ans ayant servi de période dessai ! Le CNPF ne ratera pas loccasion de souligner cet aspect des choses, lui qui rêve depuis des décennies des contrats à la carte, de labolition pure et simple de la traditionnelle embauche sous CDI et qui peste contre les limitations auxquelles sont encore soumis les Contrats à durée déterminée.
Mais il y a sans aucun doute plus grave que les emplois-jeunes !
Avec le basculement des cotisations sociales maladie sur la C.S.G., le pouvoir donne en fait un véritable coup de grâce au régime général de la Sécurité sociale. Contrairement à une cotisation sociale, qui est affectée à une dépense précise (il sagit, pour la cotisation maladie, de la CNAM), les recettes dun impôt vont là où l'État le désire ! Avec lextension de la C.S.G., et le fait que le parlement vote dorénavant chaque année le volet des dépenses, la Sécurité sociale na donc plus beaucoup dannées (ou de mois ?) à vivre Privée de ses cotisations, mise sous perfusion par l'État, elle pourra être " débranchée " dès le moment opportun.
Pour le patronat, cest la plus grande des victoires. Pour lui, lobjectif, dans lidéal, est bien de faire disparaître tout le système des prestations sociales, ou autrement dit les " revenus de transfert " ou " salaires différés ". Pourquoi ? parce quil y a un formidable magot à la clé : les quelques 1000 milliards de francs de charges que les patrons versent encore à lU.R.S.S.A.F
Dans ce schéma " d'évolution " du système de protection sociale, l'État conserverait un rôle minimal " dassistance publique ", les associations caritatives et humanitaires soccuperaient des cas les plus désespérés (en nombre croissant !) et les citoyens des classes moyennes iraient engraisser les assurances privées et souscrire au nouveau système des fonds de pension pour leur retraite.
Leffet dannonce au sujet dune plus grande taxation de l'épargne (20 milliards de francs pris sur les contrats dassurance vie, les plans d'épargne logement et les plans d'épargne populaire) fera ricaner la bourgeoisie qui, pour preuve, na pas protesté une seconde contre ces mesures. Les capitalistes ont bien dautres ficelles pour protéger leurs profits des foudres du fisc.
Par contre, le patronat pouvait être satisfait dès le début du mois de septembre, puisque Martine Aubry annonçait très clairement que des incitations financières seraient mises en place en faveur des patrons qui " sauront moderniser leurs méthodes de production, et annualiser le temps de travail ". Elle était toute aussi généreuse concernant lensemble du dispositif des aides à lemploi : celui-ci devant être intégralement reconduit en 1998. Au total, les crédits de lemploi, autrement dit les aides directes au patronat, devraient se monter à la coquette somme de 156 milliards de francs.
La réduction du temps de travail est résolument placée sous le signe de la flexibilité, de la rentabilité et de lannualisation ! Jospin, victime dune crise damnésie brutale, nous la affirmé : il na jamais promis les 35 heures payées 39 h. Les salariés seront donc forcément mis à contribution et cette conférence doit confirmer " quaucune mesure généralisée sur le temps de travail " ne sera prise.
La CGT tente bien de monter au créneau avec un projet de loi tout ficelé (excluant des surcroîts de flexibilité) mais en sachant pertinemment que ses propositions seront inacceptables, à la fois par le CNPF, le gouvernement, et la CFDT de Nicole Notat. La CGT - qui sur le terrain signe déjà des accords dannualisation ! - risque donc fort de remballer le dossier dans son carton sans autre forme de procès - mais limportant pour les leaders cégétistes, n'était-il pas surtout de montrer une attitude " radicale ", en vue des élections prud'homales à la fin de lannée, et non dentamer un réel travail de mobilisation ?
Par ailleurs, et depuis des semaines, les médias nous ressortent quelques exemples de cas quasiment " idylliques " de réduction du temps de travail (semaine de quatre jours, adoptée " démocratiquement " par le personnel - traduisez par des cadres sup ou des ouvriers que lon menace de virer !).
Toujours en échange de louverture des négociations branche par branche, entreprise par entreprise, et des incitations en faveur de lannualisation du temps de travail sur le schéma de la loi de Robien, on nous annonce (grâce à lopération sur la C.S.G.) un gain de pouvoir dachat de 1 % Quelques miettes ridicules qui seront vite compensées, entre autre, par laugmentation des carburants, des cigarettes etc. !).
Au bout du compte, seul un véritable mouvement social pourrait permettre de créer un rapport de force et une négociation à lavantage des salariés (pour une véritable réduction du temps de travail, massive, uniforme et avec augmentation de salaire ) et sans compter un seul instant sur ces encravatés de gauche qui osent encore sappeler des socialistes.