Linterview dAbabacar Diop nous donne loccasion de revenir sur les projets législatifs du gouvernement dans le domaine de limmigration (1). Malheureusement, la future loi Guigou sur la nationalité ne propose pas de rétablir pleinement le droit du sol. Jusqu'à l'âge de dix-huit ans (ou de seize ans sil en fait la demande), lenfant né en France de parents étrangers conservera une nationalité " indéfinie ". Pratiquement, cela signifie que lui et ses parents ne seront pas protégés contre une expulsion : le droit de vivre en famille est inscrit dans la constitution mais ce droit continuera à être respecté, selon la jurisprudence, si parents et enfants sont expulsés dans le même charter
Sur ce sujet, le gouvernement refuse de parvenir à la situation antérieure à la loi Méhaignerie de 1993 (2). Dans son rapport, Patrick Weil justifie ainsi cette décision : " il ne faut pas que lon puisse devenir français sans avoir voulu ". Ce monsieur fait preuve ici dune grande hypocrisie. Si un seul dentre vous a souhaité à sa naissance une nationalité quelconque, quil le signale à Patrick Weil.
Un caractère élitiste imprègne la politique de limmigration du gouvernement. Dans une interview récente, Weil affirme quil faut manifester " une ouverture à l'égard de certaines populations dont le pays a besoin, comme les étudiants, les chercheurs, les cadres qualifiés et les entrepreneurs ". Derrière lexpression " le pays en a besoin ", il faut évidement entendre les intérêts bien compris de la bourgeoisie française.
Lavant-projet de loi Chevènement propose de créer une nouvelle catégorie de titre de séjour temporaire, portant la mention " scientifique " et réservée aux chercheurs et aux étudiants de haut niveau. Pendant ce temps, le nombre d'étudiants étrangers " ordinaires ", considérés comme indésirables, continuera à diminuer chaque année. Ceux-ci, " fraudeurs potentiels ", resteront soumis à larbitraire des préfectures, habilitées à juger seules du " caractère réel et sérieux " des études suivies (3). Pour ceux-ci, majoritairement pauvres, le droit au travail demeurera restreint, ainsi que laccès aux logements sociaux pour étudiants, les résidences universitaires (4).
Pour les riches, et eux seuls, ce monde na pas de frontières !
(1) cf. Monde libertaire. n° 1090
(2) Avant 1993, le code de la nationalité prévoyait que lenfant né en France de parents étrangers qui y résidaient régulièrement, ou qui avaient résidé en France au moins cinq ans, pouvait acquérir par anticipation la nationalité française durant sa minorité. Avant ses seize ans, ses parents pouvaient effectuer cette démarche en son nom
(3) Avant la circulaire Sauvé-Marchand de 1991, cette responsabilité incombait aux présidents duniversité
(4) Le programme européen Erasmus permet aux CROUS dappliquer la préférence européenne dans les cité U