Ce lundi 20 octobre, France Telecom faisait son entrée en Bourse. 21 % des actions de lexploitant téléphonique français sont passées aux mains de particuliers et des investisseurs institutionnels.
A en croire les nouvelles, on savait déjà la semaine dernière que cette opération - ultra-médiatisée - de capitalisation se déroulait à merveille (près de 3,8 millions dacheteurs). Il faut dire que les petits plats avaient été mis, très tôt, dans les grands : pour la peine Bouygues et Pernod Ricard avaient du laisser la place au " Champion " français dans le hit parade boursier du C.A.C. 40. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes ! Et nos voisins à la surface de cette belle planète ne font-ils dailleurs pas tous la même chose ?
Ce lundi 20, débutait également de lautre côté des Alpes la campagne officielle de vente des actions de Telecom Italia (dont l'État italien ne détient plus que 44,7 % ).
Deutsche Telekom est déjà introduit en Bourse depuis novembre 1996.
British Telecom est passé à la casserole libérale il y a belle lurette, depuis 1984 pour être précis, avec, pour résultat, la division par deux de ses effectifs ! En septembre, l'État portugais enclenchait la vente dune deuxième tranche de 26 % de son organisme public, faisant passer sa participation à 21 %. Outre-Atlantique, on peut également constater que l'heure est aux grandes manuvres financières avec la fusion entre lexploitant téléphonique américain M.C.I. et son concurrent WorldCom, créant ainsi un nouveau géant mondial combinant réseau traditionnel et Internet
Au Japon, le président de N.T.T. se prononçait récemment pour une privatisation rapide de lentreprise nationale. Et la liste est encore longue
Louverture totale du marché des télécommunications à la concurrence aura lieu début 1998. Le moment fatidique, censé justifier tous les efforts et les sacrifices sur l'hôtel de la compétitivité, est donc tout proche.
Le journal le Monde nous lannonçait gravement : " le choc sannonce frontal " et la " bataille du téléphone ne fait que commencer ". Pour ces pauvres agents publics " habitués à tirer des lignes " (dixit larticle en question), il sagit de se mettre au marketing offensif !
On doit donc aiguiser nos armes, sattendre à subir des pertes, à tuer ou à être tué ! Dans ce contexte, la phrase de Gandois (démissionnant en déclarant quil nest pas un tueur) tombe à pic ! Michel Bon, interviewé il y a quelques semaines sur L.C.I. ne laissait planer aucun doute sur l'évolution des effectifs de lex-service public des télécommunications : les embauches et les licenciements dépendront des résultats de la grande bagarre ! Soyez prévenus, braves gens, soit vos dents rayent le parquet et vous avez une chance de vous en sortir, soit vous pouvez déjà aller visiter votre ANPE (dailleurs Michel Bon, qui en est lancien directeur général pourra vous fournir tous les renseignements utiles sur les services offerts par cette performante institution !).
Décidément le bon peuple est dur doreille et ne veut pas se laisser bercer par les douces paroles de la ritournelle ultralibérale Ils étaient encore entre 16 et 20 % à faire grève, le 30 septembre, ces résistants du service public (sûrement des " archaïques ", voire même des conservateurs comme laurait dit notre actuel et fantomatique Président de la République).
Les rangs étaient clairsemés, cest vrai. Mais comment sen étonner ? Les salariés, dans leur grande majorité, navaient guère envie de perdre des journées de travail pour rien, de se brûler dans un affrontement perdu davance, conscients quils ne pouvaient sopposer seuls à la privatisation. Mais la grève générale interprofessionnelle n'était malheureusement pas à ce rendez-vous de l'histoire A cela se rajoute la " trahison " du gouvernement Jospin sur laquelle tout a déjà été dit ou presque
Il nen reste pas moins que, premièrement, lensemble des salariés rejette sur le fond la restructuration " imposée " par la concurrence capitaliste mondiale et que deuxièmement, les luttes sociales sont loin d'être définitivement enterrées !
Le combat pour la défense dun service public, garantissant une réelle égalité à tous et à toutes, ne peut se développer que dans une dynamique générale, brassant lensemble des usagers. Car que va-t-il se passer ?
Dès demain, lopérateur privé ne sera plus obligé de proposer le téléphone à tous les demandeurs. Ce que lon peut appeler une segmentation du marché, déjà commencée, va saccélérer.
Si on reprend lexemple anglais, on constate que le téléphone local est plus cher, tout en affichant pour les entreprises le meilleur tarif. Aux États-Unis la déréglementation des télécommunications sest accompagnée dun sensible recul du taux de raccordement au téléphone, au détriment des plus pauvres évidemment. Ici, un virage totalement identique est pris, puisque France Telecom a toiletté ses tarifs, en baissant ses prix internationaux, nationaux et dentreprises pour augmenter celui des communications locales.
La recherche dun engagement du maximum dusagers dans les luttes à venir, pour Telecom ou pour les autres services publics (Éducation, hôpitaux, protection sociale ) devrait être une évidence !
La seconde urgence nous semble être de reprendre pied, sur le plan idéologique.
Dabord, il doit être admis que la résignation devant les règles des marchés mondiaux ne peut que nous mener au pire ; il doit être admis que la prétendue rationalité de ce système nest quune absurdité totalitaire. Puisquil suffit de regarder ce qui se passe autour de nous, faire comprendre ce message nest pas réellement difficile.
Ce qui manque, et ce qui peut faire la différence, ce sont les objectifs proposés. Depuis des décennies la gauche veut nous présenter l'étatisation comme le meilleur des remèdes, tout en privatisant dès quelle arrive au pouvoir !
Mais chacun sait que la gestion par l'État des services publics na pas mis frein aux centaines de milliers de suppressions demplois et au développement des emplois précaires L'État na jamais été une garantie pour lemploi, ou une protection contre la loi du profit !
Nous nen appellerons donc pas à lui pour jouer les arbitres sociaux ou le sauveur des services publics.
La seule revendication réaliste aujourd'hui est celle qui vise la destruction pure et simple de l'économie capitaliste : lautogestion généralisée de la société.
Alors, pourquoi ne pas revendiquer, dès maintenant et pour chaque service public, leur gestion directe par les travailleurs et les usagers ?
Pourquoi ne pas revendiquer immédiatement la gratuité des services publics, en opposition radicale avec la logique marchande ?
Quavons-nous à perdre ?