Au cur de lagglomération lyonnaise, le site de Bally-Villeurbanne est occupé depuis plus de trois mois par une soixantaine des 207 salariés qui se relaient pour occuper les lieux vingt quatre heures sur vingt quatre et sept jours sur sept. Dès lannonce, en août 96, du dépôt de bilan de la filiale française du groupe suisse entraînant mille quatre cents suppressions demplois, les salariés et leurs syndicats, C.G.T. et F.O. organisent une riposte. A Villeurbanne les manifestations se multiplient, et la C.G.T., appuyée par les partis de gauche, recherche d'éventuels repreneurs. Dans le même temps un comité de soutien se constitue, avec des centaines de signatures de la population, dont le président est G. Chabroux, sénateur (P.S.), ancien maire de Villeurbanne. Les syndicats et les élus ont un discours de " défense de la chaussure française " qui passe par une dénonciation de Bally-International et dirigent des manifestations vers le consulat de Suisse. Le 26 juin 1997, à lannonce de la liquidation judiciaire, les salariés décident loccupation du site afin dempêcher le déménagement des machines et du stock de chaussures. En juillet, les salariés organisent une journée portes ouvertes avec visite des ateliers qui sachève par un meeting avec notamment Chabroux et Gérin, député P.C.F. du Rhône. Chabroux na quun discours nationaliste " le dossier navance pas car les patrons suisses sont plus durs que les patrons français ! ". Pour les salariés et la population solidaire, un seul discours est servi, il faut attendre septembre pour organiser une table-ronde avec les éventuels repreneurs sous la houlette des pouvoirs publics.
A la rentrée, le blocage est toujours là : les salariés envahissent les locaux de ladministrateur qui refuse de verser les salaires. Les syndicats et les élus cherchent absolument une solution. Les discussions avec deux repreneurs, Rhône-Alpes Formation et Birkel sont soi-disant très avancées, deux clients Missophe et Chupin se déclarent prêts à des commandes suffisantes pour un redémarrage. Le ministère du travail, sollicité, envisage un financement public à condition que le repreneur fournisse des garanties en matière demplois ! Dans le même temps, samedi 3 octobre, dans le centre-ville à Lyon, un magasin Bally est inauguré à grand renfort de publicité. Les salariés organisent une vente de 10 000 paires de chaussures, afin daccroître la pression sur les pouvoirs publics selon la C.G.T. Le succès est immédiat, mais pour les délégués syndicaux, il ne sagit en aucun cas de constituer " un trésor de guerre ". Ces sommes seront lapport du personnel au montage financier en cas de redémarrage et sont versées sur un compte bloqué. Quelques jours plus tard, Birkel, un repreneur éventuel, dans une lettre à Chabroux, explique quil se met en retrait tant que Bally-International ne sengage pas sur des contrats de sous-traitance pour les deux premières années.
Après quatre mois doccupation, la situation est confuse pour les salariés de Bally avec deux projets de reprise en suspend, mais sans garantie sur les emplois, dailleurs les employés de plus de quarante ans sinquiètent particulièrement. Quant aux syndicats et aux élus leur unique souci est dorganiser un montage financier pour sauver le site. Pourtant dans cette lutte des Bally les bases dune résistance existent face au patronat et à ses projets de délocalisation et de fausse faillite. Loccupation et la vente des chaussures montrent le chemin de la prise en main directe de la production et lappel à la solidarité inter-professionnelle de tous les travailleurs et de la population.