Le 15 novembre prochain à Paris, un rendez-vous est donné par le Collectif national pour les droits des femmes, sur le mot dordre " De vrais emplois pour toutes et tous, du temps pour vivre " pour une manifestation nationale.
Souvenons-nous de celle du 25 novembre 1995 où 40 000 femmes et hommes étaient descendus dans la rue, à linitiative alors de la C.A.D.A.C., pour défendre les droits des femmes. Cette dynamique unitaire de 150 organisations et associations féministes, syndicales et politiques sinscrivait en prélude au mouvement social de novembre-décembre 1995. Lun des thèmes forts était déjà le droit à lemploi.
Bien sûr, chacun sait quil ne suffit pas dune manifestation, aussi imposante soit-elle, pour obtenir gain de cause, dautant que pèse une longue tradition patriarcale et capitaliste sappuyant sur la discrimination et lexploitation. Aussi le thème fut retravaillé en atelier lors des Assises nationales qui se déroulèrent les 15 et 16 mars derniers à la Plaine-Saint-Denis. Il fut mis en relation avec tous les autres thèmes, tant le droit à un emploi, donc à un revenu, conditionne, avec le droit de disposer de son corps, la vie de toutes les femmes. Et il donna lieu à un argumentaire pour pouvoir mobiliser en profondeur. Et les Assises décidèrent dune campagne unitaire selon trois axes : de vrais emplois, une réduction du temps de travail, du temps pour vivre, pour les femmes comme pour les hommes.
Les femmes ont toujours travaillé, mais longtemps dans linvisibilité et le bénévolat. Les voilà à représenter 46,4 % de la population active (INSEE 1992), à sy maintenir même avec des enfants, alors quelles sont sous-payées (entre 25 et 30 % de moins que les hommes), sur-chômeuses (56 % des chômeurs sont des chômeuses, 14, 5 % de femmes et 11,1 % d'hommes - INSEE 1996), quelles occupent plus souvent des emplois précaires, flexibles, des emplois à temps partiel (imposé et non pas choisi comme on veut le faire croire, 85 % sont des femmes), quelles sont sur des postes à activités répétitives et contraignantes, quelles subissent violences et harcèlement sexuel. Mais les femmes sentêtent à résister aux sirènes dun retour idyllique à la maison entre marmites et marmots où elles s'épanouiraient.
Suite aux luttes engagées par les féministes dans les années soixante-dix, lidée selon laquelle les droits des femmes sont les droits de tous a avancé. Lutter pour une revalorisation salariale permettrait aussi de revaloriser les salaires des plus démunis, quils soient hommes ou femmes. De même revendiquer une réduction du temps de travail servirait à améliorer la vie de tous et pas seulement des femmes. Cest le développement du temps partiel contraint qui détériore les conditions de vie et de travail des femmes et de ceux qui les entourent : la plupart des emplois à temps partiel se crée dans le secteur des services, à des heures qui devraient concilier vie familiale et vie professionnelle, cest-à-dire à 6 heures du matin (entretien des lieux de travail, par exemple) ou à 21 heures (caisses de supermarchés), et le salaire partiel est souvent trop juste pour vivre !
Pourtant les organisations mixtes, syndicales et politiques, napparaissent pas motrices pour la bataille pour la réduction du temps de travail. Serait-ce la gauche au pouvoir qui les paralyse comme en 1981 ? Quont-elles fait autour de la Conférence nationale sur lemploi, les salaires et le temps de travail du 10 octobre pour établir un rapport de forces favorable ? Maintenant, elles peuvent se sentir " dépossédées " par la prise dinitiative du Collectif national pour les droits des femmes.
Quand au mouvement libertaire, qui prône labolition du salariat au profit de la gestion directe de la production, de la distribution et de la communication, il se doit darticuler ces revendications de rupture avec des revendications immédiates. En effet nous ne pouvons oublier que lautonomie financière dun emploi " décemment " rémunéré permet aux femmes de choisir leur vie, la réduction du temps de leur travail, de laméliorer même si cette sortie du travail invisible domestique et de loppression individuelle est une entrée dans le salariat et donc dans lexploitation capitaliste.
Cette volonté des femmes de travailler hors de la sphère privée, même au prix de jongleries demploi du temps, démontre que loppression domestique est insupportable parce quelle repose sur un travail invisible et dévalorisé : les soins aux enfants, au compagnon, aux personnes âgées, l'éducation, lentretien, le pourvoi au bien-être matériel et moral de tous, devraient pourtant être considérés comme la base de la vie sociale que chacun pourrait assumer. Dès lors, le salariat apparaît comme un vecteur d'émancipation possible : déjà, par lautonomie financière, plutôt que de demander " largent de poche pour faire tourner " la maison et pour vivre soi-même, mais aussi par le fait dintégrer un collectif de travail, donc rompre lisolement domestique, et pourquoi pas prendre une part active dans la vie sociale. Le droit à lemploi, c'était déjà la revendication des femmes au début du siècle alors quil y eu des grèves d'hommes pour empêcher le travail rétribué des femmes, dans les ateliers. Simone de Beauvoir et le mouvement des femmes lont reprise en y associant le partage des tâches domestiques.
Vouloir l'égalité dans laccès à lemploi et dans le travail, vouloir un emploi digne qui ouvre à une place sociale, vouloir travailler en se réalisant et en ayant du temps pour vivre, pourquoi seraient-ce des revendications légitimes pour les travailleurs salariés ou non et suspectes pour les femmes ? Des femmes anarchistes seront au rendez-vous dans la rue ce samedi 15 novembre à 14 h 30 place du Châtelet.