Les libertaires ont longtemps eut un rapport tout de désenchantement avec Freinet.
Au quotidien, sur lessentiel du quotidien, ça n'était jamais vraiment problème car limprimerie a l'école, la coopération, la vie comme objet et comme sujet d'étude, la construction de savoirs, lapprentissage dune certaine citoyenneté ça ne pouvait que faire consensus sur le fond, sur la volonté de Freinet de mettre en uvre les moyens politiques et pédagogiques dune authentique école prolétarienne ou du peuple, c'était du pareil au même.
Restait lentre deux, lengagement de Freinet dans le camp stalinien et dans la foulée du divorce, le missionariat techniciste.
Et ça, cest peu dire que ça posait problème tant il est vrai que le stalinisme comme mère du fascisme rouge et le technicisme comme porte ouverte au réformisme ne pouvaient qu'hypothéquer le fond et la forme dune école et dune éducation libertaire.
Tout cela c'était il y a encore quelques années.
Aujourd'hui, les uns et les autres nayant pas réussi à mordre sur le réel, le mouvement Freinet ayant amorcé un retour aux sources et au sens premier de son pourquoi (la fondation dune école prolétarienne ou du peuple), les différents mouvements pédagogiques issus de Freinet ayant aux trois quarts succombé au baiser de la mort réformiste ; les libertaires ayant endossé le bleu de chauffe de la confrontation au réel, le capitalisme ayant échoué dans sa prétention éducationiste le dialogue semble enfin possible.
Une école du peuple, prolétarienne, oui ! Des expérimentations de tous ordres (à lintérieur de linstitution dominante comme à lextérieur) où lon conjugue le temps rare de l'égalité des chances scolaires au temps au moins aussi rare du désir et du plaisir de lenfant oui ! La volonté daboutir à et aux moyens dun authentique service public, laïque et gratuit denseignement et d'éducation oui ! L'évidence de situer ce combat dans un combat plus large en termes de mouvements sociaux et de révolution sociale Oui ! Oui, oui, oui !
Aujourd'hui, l'école comme la société sont aux bord de la guerre civile. Le mouvement Freinet comme un certain nombre de mouvements pédagogiques qui en sont issus et comme les libertaires, sont en train de prendre conscience, et de la situation et de la similarité de leur démarche fondamentale, et de lopérance de leurs réponses.
Ce livre collectif en témoigne.
Il nous conte Célestin Freinet, la pédagogie de l'école moderne, son originalité, son actualité. Il confronte. Il interpelle. Il tend la main. Il lance des passerelles. Il est autant plein de certitudes que de doutes et ce faisant, il déborde despoirs.
Lisez ce livre. Lisez lintroduction dAhmed Lamihi, le texte de Raymond Fonvieille sur lorigine des contenus, celui de Lourau sur la culture technique, celui dencore Raymond Fonvieille sur Deligny (magnifique), celui de Jean Pierre Caro sur Freinet et Ferrer (fabuleux), celui de Lisez tous les textes de ce livre.
Ca vaut franchement le jus !
Jadis jai eu la dent dure avec les camarades de Freinet. Je ne renie rien de cela. Mais les temps et les gens changent. Freinet a changé. Les libertaires aussi et ce nest pas un hasard si l'école libertaire Bonaventure fait aujourd'hui partie du mouvement Freinet.
Cest bien connu, ceux qui ne sont pas libertaires a vingt ans sont des imbéciles. Et ceux qui le sont encore à quarante dérangeront toujours ceux qui nauront jamais vingt ans.
Sérieusement, lisez ce bouquin, il est top.
Et un grand merci à ce vieux bougre dYvan Davy de lavoir édité.
170 pages, 90 F, en vente à la librairie du Monde libertaire, 145, rue Amelot, 75011, Paris.