Lors du récent mouvement de grève des routiers, nous avons pu rencontrer sur les barrages de Lyon, notamment à la raffinerie de Feyzin et à Villefranche, des militants syndicaux. Il sagissait de recueillir des informations, sur le terrain. La CFDT restant le syndicat majoritaire, J. Che a été reçut, suite à ces rencontres, dans l'émissions des groupes lyonnais de la Fédération anarchiste, " Idées noires ", mercredi 12 novembre, sur la station lyonnaise Radio Canut. Cest cette interview que nous livrons aujourd'hui au Monde libertaire.
Le Monde libertaire : Lan dernier, un accord avait institué la retraite à 55 ans, et la réduction des jours de carence de 10 jours à 5 jours. Mais il ny avait rien eu sur la question salariale, hormis la fameuse prime de 3 000 F. Cela a rejailli cette année, mais la grève a laissé un goût " dinachevé ". Peux-tu nous exposer ton sentiment à ce sujet ?
J. Che : Pour les acquis de cette année, il est vrai que, sur le fond, et malheureusement, il y a certaines choses qui nont pas été faites. On peut citer la prime de 3 000 F. On a un gros problème là-dessus. Mais cela devrait se régler. Depuis lan dernier, on a résolu beaucoup de problèmes autour de cette prime, soit par des grèves ou soit devant les tribunaux. On espère donc que les patrons auront compris Par ailleurs, pour cette année, il faut quand même noter quil y aura 22 % daugmentation sur trois ans. Ça, cest positif.
M.L. : les 10 000 F pour 200 heures en lan 2000, cest pour une petite minorité de chauffeurs, pour les 10 à 15 % de chauffeurs longue distance uniquement.
J. Che : Il est vrai que ce nest pas pour toutes les catégories, mais ça, il fallait sen douter Ceci dit, Il y a 6 % daugmentation tout de suite pour les conducteurs (au niveau marchandises), rétroactifs au 1er octobre. Les voyageurs et les ambulanciers, les déménageurs et les sédentaires ont aussi obtenu des choses : ils auront 4 % à partir du 1er novembre.
Autre point : avant on faisait des contrats à 200 heures et point final. Maintenant, le coefficient pour les grands routiers est de 8 700 F pour 200 heures mais cela va être déclenché comme limpose le Code du travail. Il y aura donc un taux horaire de 41,82 F pour 169 heures. Ensuite, pour arriver à 200 heures, vous aurez 31 heures comptées en heures supplémentaires à 25 %. Enfin, celui qui bosse 220 heures aura 169 heures à 41,82 F, 31 heures à 25 % (à 52,27 F) et 20 heures à 50 % (62,80 F).
M.L. : Nous voudrions savoir ce qui a changé entre le premier accord " avorté ", juste avant le mouvement, et cet accord là.
J. Che : Depuis des années, c'était lembrouille avec la R.G.G. (Revenu global garanti). Il sy glissait toute sorte de primes, y compris le treizième mois, histoire de dire quon nous payait au niveau de la Convention collective. Pour être plus précis, voilà ce qui a changé : sur le haut du bulletin de salaire, on devra voir, au minimum, le S.M.P.G. (Salaire mensuel professionnel garanti). Les diverses primes (mensuelles, annuelles) devront sajouter à ce salaire mensuel. Pour être plus clair, nous allons prendre un exemple. Le salaire de base dun conducteur livreur sera de 7 231 F pour 169 heures, au 1er janvier 1998. Avant la nouvelle définition, on aurait pu voir 6 664 F sur le haut du bulletin de salaire (le S.M.I.C. actuel) ; et le patron aurait pu dire : vous avez une prime de fin dannée de 7 200 F (cest-à-dire 12 x 600 F), jajoute ces 600 F au 6 664 F et le résultat de laddition est 7 264 F, vous êtes donc au-dessus de la R.G.G. et des 7 231 F. Maintenant, cette " bidouille " nest plus possible. Il doit y avoir 7 231 F pour 169 heures, point !
M.L. : Remarquons que Lecoq, le secrétaire national de la C.F.D.T. route, était pour surseoir à la grève et signer le premier accord.
J. Che : Le Cocq, pour apposer sa signature, avait besoin de laccord de la base. Nous avons répondu par la négative. Il est vrai quil y a eu cette proposition de reporter laction au 12 novembre. Nous navons pas été daccord, dune part parce quon avait déjà tout préparé, et dautre part, parce que lon savait depuis près dun mois que lon allait au conflit de toute façon Ensuite, le vendredi, le fax avec le texte de laccord est tombé dans tous les syndicats. Sur Lyon, il y a eu un petit oui à 55 % contre 45 %. Il est vrai aussi que nous commencions à être fatigués
M.L. : Lan dernier, il y avait eu des gros barrages daxes routiers, cette année, il y a plutôt eu des actions plus ponctuelles sur des lieux stratégiques.
J. Che : Sur le barrage de lA6, on a dû lâcher parce que les espagnols ont forcé le barrage. Il faut dire que le contexte n'était pas favorable : sur 700 camions environ, 680 étaient espagnols, 15 allemands, polonais ou venaient des pays de lEst, et puis seulement trois ou quatre étaient français. Comme la grève était bien annoncée, le patronat a laissé les camions dans leurs entrepôts. Les employeurs ont dit aux chauffeurs : " soit vous êtes en repos compensateur, soit vous ne travaillez pas " En fait il ny a eu que très peu de camions français sur la route ! Sur lA6, si on avait 15 camions à tout casser, c'était le grand maximum !
M.L. : Mise à part lattitude de lU.F.T., ce syndicat patronal connu pour être quand même assez virulent, on a vu, à Vitrolles, une milice patronale faire des exactions contre les routiers. Quelle a été votre réaction ?
J. Che : Le conflit sest terminé le vendredi vers six, sept heures du matin. Laprès-midi, on est allé faire une action chez T.F.E. (Transport frigorifique européen) à Saint Genis-Laval, en solidarité avec les copains de Vitrolles qui ont été attaqués par cette milice " patronale ", pour ne pas citer et faire de la publicité gratuite au parti politique qui est derrière On a bloqué T.F.E. pendant tout laprès-midi.
M.L. : Le mot de la fin ?
J. Che : Il reste beaucoup de problèmes à résoudre et nous avons du pain sur la planche Il se pourrait bien quen novembre 1998 on retourne camper sur la route. Je préfererai au mois de juillet, il fait meilleur !