Politique sécuritaire dans les banlieues et l'éducation

Halte à la société policière !

Ce mercredi 19 novembre, Jospin a présidé la première réunion du Conseil de sécurité intérieure (C.S.I.) qui se réunissait à Matignon. A cette occasion, le tout neuf conseil prenait la décision de… créer un autre conseil. Formidable ! Ainsi est né le Conseil supérieur de la déontologie de la sécurité (C.S.D.S.), autorité administrative indépendante chargée de " veiller au respect des règles déontologiques des forces de sécurité " (police, gendarmerie, douane, polices municipales, entreprises de surveillance et de gardiennage, gardes champêtres et gardes-chasses).

L’objectif de ce machin intitulé C.S.D.S. est de permettre à n’importe quel " citoyen " d’enclencher une procédure administrative à propos de tout abus qui pourrait être commis par un ou des représentants de la force dite publique.

Nos joyeux républicains se félicitent de cette avancée significative de la démocratie puisque qu’auparavant le " citoyen " n’avait aucune structure institutionnelle pour l’appuyer dans ces requêtes.

Et il est vrai que les nombreux abus commis par la flicaille (du contrôle d’identité à la bavure meurtrière) trouvent rarement une issue puisque se sont des flics qui contrôlent d’autres flics. Mais foi de socialo, ça va changer.

Sauf que l’expérience nous a appris qu’en règle générale le pouvoir invente une commission quelconque lorsqu’il a fait ou prépare un mauvais coup.

D’ailleurs l’indépendance de cette commission est " garantie " puisque ses cinq membres sont nommés par l’appareil étatique et judiciaire (chef de l'État, Parlement, Sénat, etc. qui sont, chacun le sait, autant d’institutions indépendantes…. de notre volonté !). Exit toute association de défense des droits de l'Homme ou présence directe de " citoyens ".

Plus grave encore, et révélateur de l’approche qu’ont les démocrates de la notion de citoyen dont ils se gargarisent tant : il est prévu que le " citoyen " exprime ses récriminations auprès du député du coin qui lui sait être responsable et pourra, s’il le juge nécessaire, engager une procédure. Déjà on respire mieux du côté de la police, et cela contribue à la revalorisation de la profession de député de plus en plus discréditée.

Pour la gauche plurielle le " citoyen " est citoyen… mais jusqu'à un certain point… pour les choses sérieuses, il lui faut un tuteur. Impressionnant aussi le fait que l’institution pénitentiaire échappe au contrôle de la C.S.D.S. La Garde des Sceaux, Élisabeth Guigou, l’a exigé, sous le fallacieux prétexte que le fonctionnement des prisons est déjà sous le contrôle du ministère de la Justice et qu’il n’est pas recevable de pouvoir remettre en cause la Justice ! Élémentaire non, la Justice est forcement juste…

Étrange aussi l’absence de l’institution militaire des possibilités de contrôle attribuées à la C.S.D.S.

Et pourtant chacun peut voir les militaires tout de treillis de combat vêtus, déambuler l’arme en bandoulière dans les rues, les métros, les gares, etc

Ils participent officiellement à des missions dites " d’ordre public " dans le cadre de cette saloperie de plan Vigipirate, instituant une situation d'état d’urgence permanente.

Qui nous garantit qu'à un moment ou un autre ces militaires ne seront pas en situation d'être à l’origine de dérapages ? Assurément nous ne pouvons qu'être sceptiques sur les réels pouvoirs de cette nouvelle commission à protéger les " citoyens ".

Contrôler la jeunesse et les classes dangereuses

Par contre nous pouvons aisément relier cette initiative étatique au climat politique développé depuis peu par la gauche plurielle vaillamment " drivée " par le Parti socialiste.

Le plus officiellement du monde, le P.S. affirme avoir " perdu ses complexes face aux problèmes de sécurité ".

Toutes les déclarations ministérielles stigmatisent les actes de révolte les plus signifiants et les plus révélateurs de la politique économique et sociale rétrograde que le gouvernement Jospin perpétue. Ce sont les quartiers, les banlieues, les cités, les écoles et les lycées qui sont dans la ligne de mire.

Normal, c’est là que survivent et se désespèrent ces dizaines de milliers de jeunes qui comprennent de plus en plus tôt que l’avenir qu’on leur phagocyte est une impasse.

Ce qui doit nous révolter, ce n’est pas tant les actes de violence dite irrationnelle commis au quotidien, ou la délinquance de plus en plus précoce (+ 40 % de jeunes délinquants de moins de 14 ans de 1996 à 1997, alors que le nombre de délits global a baissé de 2,29 %). Ce qui doit nous révolter, ce ne sont pas les émeutes qui régulièrement enflamment La Seyne-sur-Mer ou Lille ou n’importe quelle zone de parcage territorial. Ce qui est inadmissible, c’est le développement de la misère sociale.

Les statistiques disent que 2 800 000 personnes vivent avec moins de 5 000 F par mois, c’est à dire qu’elles ont moins de revenus que les smicards, qui sont eux 2 200 000. Et ce ne sont que des chiffres officiels. La réalité sociale est bien pire et va en s’aggravant d’année en année.

Vers la dictature démocratique ?

Sans vouloir faire injure au Parti socialiste, il est nécessaire de lui rappeler que tous les systèmes totalitaires ont en commun de vouloir contrôler en priorité la jeunesse parce que c’est de là que peut survenir en premier la contestation de l’ordre établi.

Six ministères et sept ministres (dont deux pour l'Éducation nationale) sont impliqués dans une stratégie de contrôle social global qui se met en place très rapidement : Éducation, Justice, Jeunesse et sports, Culture, Intérieur et Défense.

Les plans anti-violence à l'école comme dans la cité sont à l’ordre du jour. Chevènement et Guigou viennent de mettre en place une commission interministérielle sur la délinquance de le jeunesse. Les emplois-jeunes d’adjoints à la sécurité, d’aide éducateurs et autres fonctions d’encadrement répressif prévus sont plus de 50 000 !

Chevènement réclame le regroupement des mineurs délinquants dans des structures closes. Pour lutter contre la violence à l'école, sept zones d’expérimentation ont été décrétées par le gouvernement (à Paris, Lyon, Aix-Marseille, Lille, Beauvais). La morale civique va être introduite à l'école. Les colloques sur la sécurité se multiplient, et chacun y va de sa proposition constructive : contrats de cohérence locale, contrats locaux de sécurité, conventions de partenariat, conseils locaux de la prévention.

En décembre 1998 il est prévu de faire le point entre tous les ministères concernés avant de procéder à la deuxième phase du plan. Quel plan est donc prévu ? Qu’est-ce que veut dire la deuxième phase ?

Nous assistons à une dérive inquiétante de la classe politique, qui fonctionne comme une seule entité où s’opère seulement une répartition des tâches entre droite et gauche. Est-ce le prélude à un gouvernement d’union nationale, au dessus des partis, thème cher à l’extrême droite ? La création d’un Conseil supérieur de la déontologie de la sécurité apparaît donc pour ce qu’il est, à savoir le dernier endroit où se réfugient les petits scrupules moraux d’une gauche politiquement détruite.

En s’appropriant le thème sécuritaire, la gauche plurielle a sans doute répondu à une partie des classes moyennes apeurées par les " classes dangereuses ", mais elle a simultanément abdiqué sur toute velléité de modifier la répartition des richesses.

Inévitablement, cette spirale sécuritaire est une impasse et prépare des situations sociales encore plus explosives. Les anarchistes, qui petits à petits développent leur influence et leurs capacité d’intervention sociale, sont conscients de ces enjeux et savent qu’ils peuvent être amenés à être une alternative à cette barbarie qui s’avance.

Bernard - groupe Déjacque (Lyon)