Manifeste pour la création de parloirs libres
ou Appel pour le droit à la sexualité, dans la dignité
- " Au plus profond de son être, en ce point charnière où pulsions physiologiques
et épanouissement affectif se nourrissent mutuellement, le prisonnier est atteint.
Déstabilisé à la fois dans son organisme et dans son psychisme, il perd sa définition
de lui-même et se sent banni aussi bien de lunivers des hommes que de celui des
femmes. " (Albert Jacquard dans " Un monde sans prisons ? ") La prison
mutile lintégrité et affecte lidentité personnelle du détenu. Comment dans
ces conditions envisager avec sérieux les chances de réinsertion ?
- " Taux de récidive chez les " longues peines " pour les célibataires et
les divorcés : 39 et 38 % contre 24 % pour ceux qui sont mariés. On voit combien le
lien matrimonial est important à sauvegarder. " (tiré du rapport de la commission
Cartier sur la récidive). La possibilité davoir des enfants, et davoir un
minimum dintimité lors des rencontres entre le détenu et sa compagne ou épouse,
sont des facteurs favorisant le maintien des liens familiaux. Il est à souligner, par
ailleurs, que la situation actuelle en matière de sexualité pénalise lourdement les
compagnes ou épouses de détenus (privation de grossesse, daffection) ce qui, de
fait, est une exigence représente une condamnation déguisée.
- Les préservatifs sont aujourd'hui à la disposition des détenus, distribués par le
service médical. Façon pour la Pénitentiaire de reconnaître lexistence de
l'homosexualité, et dassurer la prévention face au VIH. Homosexualité acceptée,
mais hétérosexualité refusée, et durement réprimée lorsquun rapport furtif est
constaté par le regard impudique du surveillant (retrait du permis de visite,
mitard
). L'égalité de traitement face à la sexualité, pour tous les détenus,
est une exigence, cette discrimination doit cesser.
- Il est à remarquer que la majeur partie des pays européens ont accordé le droit à la
sexualité aux détenu(e)s (Espagne, Europe du nord, etc.). Des pays qui, eux, ne sont
jamais revendiqués " Patrie des droits de l'homme ". L'harmonisation en la
matière ne serait que pure logique à l'heure où lEurope se construit.
Mais, une minorité de blocage dans le personnel surveillant semble sopposer à
la mise ne place de " parloirs libres ". Prétextant quils " refusent
d'être des voyeurs ". Cette même minorité qui, il y a de cela quelques années
refusait lidée que les détenus aient la télé en prison (louée) avançant le
fait que les détenus pourraient en profiter pour tenter d'électrocuter le personnel
surveillant. Idem, lorsque les détenus ont quitté leur tenue pénale, le danger
dénoncé était celui de voir les détenus s'évader sous couvert du port de vêtements
civils. Ou encore, ce refus dabolir les parloirs hygiaphones, prétextant
quarmes et drogues entreraient massivement en détention. Mais le bon sens, là
comme ailleurs, a fini par lemporter.
Les faux semblants doivent cesser, tout comme les non-arguments avancés pour que
perdure cette monstruosité que représente la " castration " imposée aux
détenus de France. Le vide juridique concernant la sexualité en prison doit être
comblé sans délai, la dignité de dizaines de milliers d'hommes et de femmes en
dépends, mais aussi l'honneur dun pays. Pays dans lequel on refuse encore en cette
fin de vingtième siècle, à des humains incarcérés ce qui est, par ailleurs, accepté
aux animaux des zoos : la sexualité.
Les détenus des Maisons centrales de France prient les autorités politiques et
administratives françaises de prendre des dispositions pour que soient installés des
" parloirs libres ", ceci, conformément au respect du droit pour le détenu à
la dignité, à son intégrité physique et psychique, et au maintien des liens familiaux.
Ce manifeste pour la création de parloirs libres est une initiative des détenus
" longues peines " de la Maison centrale de Moulins-Yzeure. Manifeste auquel la
majeure partie des détenus ont adhéré à titre individuel.