A la suite dune note de lecture de Jean-Marc Raynaud publiée dans le Monde libertaire n° 1095 et consacré au dernier livre de Claude Guillon, celui-ci nous a fait parvenir ce texte en guise de droit de réponse.
Que J.-M. Raynaud me déteste et le dise, je men moque. Que sous couvert de critiquer mon livre A la vie à la mort, il recoure au mensonge et à linsinuation pour me déconsidérer, cest indigne.
Curieuse critique, qui nindiquait pas les références du livre traité, mais celles de Suicide, mode demploi, épuisé depuis sept ans (et interdit !). Il est vrai que Raynaud avait publié dans le Monde libertaire (oct. 1982, sous un pseudo) une critique assassine de Suicide , dont il jugeait les auteurs " analphabètes de lintelligence ". Quinze plus tard, ni l'élégance de la plume ni celle de lesprit ne lui sont venues.
Passons sur les plaisanteries salaces (" Guillon na jamais été violé "), sur la métaphore ouvriériste du " bleu de chauffe de la lutte ", et regrettons que personne nait soufflé à lauteur quil était obscène de me présenter comme préférant à la lutte sociale " le confort du bavardage ", quand jattendais le jugement rendu sur la plainte des flics qui mont tabassé après une manifestation. Fallait-il attribuer mon hémorragie au foie à une chute dans lescalier de ma tour divoire ?
Quant au contenu de mon livre, J.M.R. n'évoque que la question de lavortement.
Il écrit, points de suspension compris : " Sans tout à fait remettre en cause
le droit des femmes à avorter, [Guillon] nest pas loin de penser que
"
Ce que je pense, je le dis, je l'écris tout à fait, quels que soient les risques
encourus. Adhérent du Planning familial, militant au M.L.A.C., les droits des femmes et
des jeunes sont le sujet à propos duquel jai le plus milité et écrit dans la
décennie 70-80. C'était même lobjet du premier article que jai publié dans
le M.L. en novembre 1972 !
Dans A la vie à la mort j'écris : " Confrontés comme nous le sommes,
dune part à des attaques toujours plus vives des adversaires de lautorisation
légale davorter, et dautre part à un relatif progrès des mentalités
vis-à-vis du petit enfant, il me paraît plus indispensable que jamais dappeler les
choses par leur nom, et dobtenir (de revendiquer) des droits pour ce quils
sont. Le risque de régression juridique est là, et les lamentations ny changeront
rien. " Ma thèse est que lattention nouvelle portée aux nourrissons et aux
ftus nest pas contradictoire avec le droit des femmes, à condition que
lavortement soit considéré et pratiqué (dautant plus sil est tardif)
comme une euthanasie prénatale. Cest à mes yeux un moyen de contrer les
adversaires de lavortement.
Mon engagement anarchiste date de limmédiat après 68. Raynaud feint de lignorer et déforme mes positions pour mieux les opposer à celles " des anarchistes ", tandis quil me renvoie à un " pseudo ultragauchisme ". Puis vient le coup de pied de l'âne : une citation sur les chambres à gaz, assortie dune métaphore confuse me dépeignant comme un Saint-Thomas mâtiné de Faurisson. Étrange, Raynaud navait rien trouvé à dire sur ce sujet dans son article de 1982 Bref ! Je re-situe le passage cité. Il répondait à une déclaration d'historiens qui, voulant contrer les négationnistes, affirmaient quil ne pouvait y avoir ni débat ni recherche sur le fonctionnement des chambres à gaz. Jestimais au contraire que ce débat était inévitable.
En 1990, Vidal-Naquet écrit dans la préface à La solution finale dans l'histoire (Arno Mayer) : " Une archéologie était-elle nécessaire ? Certainement pas dans l'évidence aveuglante de 1945. Certainement aujourd'hui devant la campagne des négateurs. Mais non moins certainement sur le plan proprement historique, parce que tout doit être soumis à la mesure et au calcul [ ]. " Cest la position inverse de celle exprimée par la déclaration des historiens ; elle rejoint celle que javais énoncée contre eux.
Une autre fois, pourquoi ne pas organiser un véritable débat ?