A en croire les médias, il semblerait que cela bouge dans les prisons. Détrompez-vous, braves gens ; il nen est rien. Pourtant, il nest question que dUnités de visites familiales. Sagirait-il enfin de parloirs intimes ? Oui, bien sûr, mais cela nest pas pour demain. Cest un projet qui doit être soumis à Élisabeth Guigou, garde des Sceaux. Il lui faut déjà le temps de prendre sa décision.
Les surveillants de gauche (15 % des gardiens) sont daccord avec le projet. Tous les autres sont contre. Le discours syndical, surtout celui de lU.F.A.P., parle de " maisons closes " et du rôle dentremetteur des matons dans une telle hypothèse. Il va donc falloir prendre en compte les résistances de ce lobby pénitentiaire.
Comment sen sortira le ministère de la Justice ? Les surveillants de base des Maisons centrales et des Centres de détention ont parfaitement compris lenjeu du parloir intime. Il permet le maintien des liens familiaux, abaisse le niveau des prisonniers.
Mais cest sans compter avec la logique syndicale et les enjeux politicards de cette catégorie professionnelle. Le plus important, pour les leaders syndicaux, cest de freiner au maximum l'évolution des idées progressistes en prison. Cela permet alors la stabilité du carcan répressif, la toute puissance du maton dans la coursive et la pérennité de la punition avec souffrance à la clef.
Imaginons quau bout de quelques mois Élisabeth Guigou ait surmonté ces obstacles. Il va rester à construire ces quartiers spéciaux. Qui en seront les architectes ? Quelles entreprise va emporter le marché ? Et combien de temps faudra-t-il aux ouvriers pour construire ces nouveaux espaces ?
De toute façon, le Centre pénitentiaire de Casabianda, en Corse, existe depuis longtemps et permet ces visites conjugales. Il en a été de même quelques temps à Mauriac et à Val-de-Reuil. Ces deux expériences ont aujourd'hui été stoppées. Ailleurs, il ne se passe rien. La sexualité est interdite en prison. Ladministration pénitentiaire autorise la distribution de préservatifs en détention
Au parloir, les détenus et leurs compagnes sont soumis à larbitraire du personnel. Pour un surveillant qui ferme les yeux, il en est un autre qui, pour quelques caresses, vous colle un " rapport dincident " et vous envoie à la commission de discipline. Certains prisonniers ont même été condamnés pour ce motif à des peines de plusieurs jours de quartier disciplinaire.
Le 10 décembre 1997 a été déclaré Journée des Droits de l'Homme. Sous l'égide de lObservatoire international des prisons (O.I.P.), plus de quarante personnalités, par groupe de trois ou quatre, ont remis à des détenus des prisons parisiennes (Fleury-Mérogis, Poissy, Bois dArcy, Fresnes, Versailles, Villepinte, Nanterre, la Santé, Osny Pontoise, Meaux et Melun) 200 exemplaires du Guide du prisonnier pour les bibliothèques. Le directeur de la pénitentiaire avait initialement autorisé les journalistes à suivre les délégations à lintérieur des divers établissements. Au dernier moment, il est revenu sur sa décision. Sur lintervention de quels groupes de pression ? Les médias sont restés aux portes des prisons. Lopinion publique naura pas été informée de cette opération.
Les prisonniers continuent à passer au prétoire. Certains vont au mitard. Il en est même qui se font tabasser, en particulier à Fresnes. Nous entendons régulièrement parler de morts suspectes. La cantine est toujours plus chère que le coût de la vie à lextérieur. Les détenus, au bout de plusieurs années, ont payé plus de dix fois leur télévision.
La moitié de la population carcérale est sans travail. Parmi ceux qui ont la chance davoir un emploi, la plupart sont exploités et touchent des salaires de misère. Les permissions sont distribuées au compte-gouttes. Les libérations conditionnelles ont presque complètement disparu.
Les peines sont de plus en plus longues et les prisonniers de plus en plus nombreux. Il existe de moins en moins despoir d'être libéré un jour. En dépit de lagitation médiatique, simple reflet de lillusion humanitaire et de leffet dannonce gouvernemental, rien ne bouge dans les prisons. Le milieu carcéral est un enfer : celui de la misère.