Demblée il est utile de préciser que les luttes passées et actuelles et celles futures des chômeurs sont légitimées par leurs dimensions humaine, sociale et économique.
En effet l'Homme a un droit imprescriptible à la vie en société tant du point de vue des subsistances matérielles nécessaires, que du point de vue du droit à la culture ainsi que des droits sociaux et politiques (au sens original) afférents.
Au plan social et au plan économique, ces luttes représentent une revendication profonde tendant à restituer à celles et ceux qui les mènent la dignité des êtres qui se lèvent contre les injustices et qui le font au moyen de la solidarité avec comme but l'égalité entre les individus.
Les anarchistes qui luttent pour une société fondée sur l'égalité sociale et économique, la solidarité entre les individus et les groupes, et la participation active et directe des producteurs à la gestion de la société future, débarrassée de lexploitation et de laliénation politicienne, ne peuvent que militer en faveur de ces luttes. Ils y sont totalement impliqués, soit en tant que chômeurs, soit en soutenant ces derniers de manière militante et solidaire. Ceci étant, il est nécessaire daborder quelques questions qui méritent que nous nous y arrêtions.
Le conflit des chômeurs initié par ces derniers depuis maintenant un peu plus de trois semaines tourne autour de loccupation de 15 à 30 sites A.S.S.E.D.I.C. dans l'hexagone. Quelques centaines de personnes tiennent en haleine lopinion publique. Le fait que le problème posé concerne des situations de précarité, de grande pauvreté et de déclassement le rend légitime auprès dune grande majorité de personnes. 63 % des personnes interrogées, si nous nous en référons aux sondages, sont favorables au mouvement. Une médiatisation évidente favorise cet état de fait. La télé encourage, donne la parole, met en scène Nous aurions pu être enclins à considérer cette mise en scène des pauvres sous les sunlights des chaînes comme un Noël chrétien de fin de millénaire.
Le premier paradoxe consiste à considérer que les conséquences des dysfonctionnements sociaux et économiques et le mal-vivre quelles entraînent sont inacceptables pour deux tiers des Français et, dans le même temps, seule une minorité dentre eux se proposent de sattaquer aux causes véritables du chômage (lexploitation, la défense des intérêt capitalistes, les hiérarchies et les inégalités économiques et sociales) et donc aux conséquences qui en découlent
La lutte des chômeurs, cest une réalité objective, est partie de la base dans certaines régions (Marseille, Arras ). Assez rapidement pourtant, le leadership du mouvement a donné loccasion à la C.G.T. et à A.C ! (ainsi qu'à lA.P.E.I.S., au M.N.C.P. etc.) de se disputer, ici ou là, le rôle de porte-parole. Il est certain que la multiplication des occupations (jusqu'à une trentaine de sites A.S.S.E.D.I.C.) milite en faveur dune organisation et dune coordination du mouvement.
Le second paradoxe consiste à développer suffisamment un mouvement afin quil ait un impact médiatique, y compris (et surtout) pour les porte-parole, sans pour autant le développer dans tous les sites A.S.S.E.D.I.C. possibles, à savoir 630 à travers l'hexagone. Il est vrai quune trentaine doccupations cela se contrôle beaucoup plus facilement.
Dans lIndépendant de Perpignan du 7 janvier, Jean-Pierre, un chômeur (militant F.A.) déclarait : " Cest à la base, cest-à-dire à toutes les personnes en situation de précarité, de déterminer aujourd'hui la nature des actions à envisager. Ce ne sont pas les syndicats qui ont impulsé le mouvement doccupation des A.S.S.E.D.I.C. à travers la France. Alors Ceci étant, il faut lutter ensemble ! "
Dans cette lutte une question affleure. Elle concerne le revenu dexistence/lallocation universelle/le revenu de base/le revenu inconditionnel/le revenu de citoyenneté Autant de réalités qui recouvrent des contenus différents dun point de vue économique mais qui se retrouvent toutes quant à leur dimension dintégration.
Le revenu est versé parce quune personne existe et non pour exister.
Il est ici question dallocation universelle, et la gestion souple du marché du travail quelle propose devrait, selon ses promoteurs, permettre la réduction de la durée du travail sans baisse de revenu
Le troisième paradoxe réside dans le fait que toutes ces approches tendent à vouloir simplifier et/ou améliorer le système actuel. Au plus permettraient-elles aux pauvres qui refusent une prétendue intégration de ne plus être menacés par la suppression des minima sociaux (et encore!).
Ces approches ont toutes en commun de situer des limites au possible. Aucun remède miracle nest proposé pour en finir avec le chômage et la pauvreté. " Supprimer la pauvreté " nest pas à lordre du jour. Cette idée est même considérée comme irréaliste.
Ceci est une évidence dès lors que ces différentes approches se situent toutes (à des degrés divers) dans le champ du marché capitaliste du travail et de la logique marchande.
En tant quanarchistes nous avons souvent écrit que la revendication la plus intéressante idéologiquement est sans aucun doute celle de la gratuité des biens et des services puisquelle se place directement (et symboliquement) en opposition à la logique marchande
Gratuité et autogestion généralisée dans les sociétés dabondance sont des revendications et des modes daction quil nous faut généraliser afin de satisfaire les besoins de tous avec la participations de tous.
Charles Thoreau, responsable de Comité C.G.T. de Marseille à récusé le fait que les chômeurs soient des " exclus ". " On en a marre d'être traités dexclus " a-t-il déclaré en substance. Il a déclaré à juste titre que " les chômeurs sont dans le système, quils sont utilisés par le système et que le système a besoin des chômeurs ".
Le système, cest évident, doit être changé en profondeur. Les causes du chômage (profits/exploitation/pouvoir ) sont bien connues. Tous ensemble unifions nos forces et gagnons du temps en nous attaquant au système dexploitation et daliénation plutôt qu'à ses conséquences.