Le génie génétique est lensemble des techniques permettant lisolation de gènes, leur étude, puis leur copie et/ou leur modification et leur transfert depuis leur organisme dorigine dans un autre. Le principe général est la recombinaison génétique : réarrangement in vitro entre fragments dADN différents ou non contigus, in vivo entre copies homologues dun même gène (remaniement chromosomique), ou par intégration dans le génome dun élément génétique. Le gène transféré est un transgène et lorganisme récepteur est dit transgénique. Le but est de modifier lactivité biochimique de lorganisme récepteur.
Potentiellement nimporte quel gène est copiable et manipulable, en vue de clonage stricto sensu ou de fabrication dorganismes pourvus de nouvelles propriétés biochimiques.
Le clonage " humain " est possible, comme lindique une série de retentissantes avancées en procréation dite assistée : " grand-mère " fécondée, mères porteuses, fécondation sans sperme, hormones de synthèse, animaux clonés, etc.
Les organismes ainsi manipulés portent le nom dorganismes génétiquement modifiés, ou O.G.M.
Lagitation mystico-médiatique autour du clonage d'humains masque lavancée de lindustrie transgénique dans son ensemble. Lingénierie génétique est la conséquence des besoins capitalistes de contrôler, dasservir puis de recycler afin d'étendre toujours plus le marché. La loi de fer du marché avait déjà forcé toutes les sociétés et les cultures dans leurs derniers retranchements.
Même si la pacification de toute la planète sous le signe du salariat et de la banque nest pas partout totalement achevée, la prochaine phase de reprise en main englobe désormais ouvertement toute la nature et ce quelle contient sur la planète, dont lespèce humaine. Des compagnies notoirement polluantes annoncent de nouveaux efforts dans les domaines de la nutrition, de lenfance, du médicament, de l'écologie, etc. (Giba Geygi et Sandoz, Total, Elf ). l'état nest pas en reste et couvre de son aile protectrice un grand nombre de programmes sans doute " dutilité publique " (comme Bactocéan, programme C.N.R.S./I.F.R.E.M.E.R. : étude complète biochimique et génétique de bactéries océaniques).
On peut gloser longtemps sur les tenants et aboutissants philosophiques des O.G.M. Il faut beaucoup moins de temps pour décider de faire ou non confiance à des industriels qui continuent à ravager la vie (pollution, génocides, spéculation ) en sefforçant de maintenir un modèle de société qui est loin de faire lunanimité.
Il ne sagit pas ici de déterminer si le transgénique peut être " bon " ou pas. On peut raisonnablement se demander si une telle technologie aurait été nécessaire sans lessor du capitalisme, mais la vraie question est ailleurs : comme pour le nucléaire, foin de nos états d'âme ! à supposer même que cela ait été lintention de certains promoteurs du transgénique dinformer " honnêtement ", quattendre dun public qui a déjà accepté la nucléarisation du pays ?
La raison du marché est souveraine : le principe de sélection des espèces rentables, y compris chez les humains, nest pas quun fantasme nazi. Ce qui choque, cest quon sattaquerait " soudain " à l'homme avec le transgénique, comme si la guerre, le stress du salariat, les génocides et autres irradiations ne mettaient pas constamment en péril cette fameuse créature intouchable. Ainsi le public " découvre " simultanément lindustrie transgénique et le dernier tabou totalement métaphysique dans ces conditions : le patrimoine génétique humain
Voire. On veut bien se faire soigner, ou procréer avec du transgénique, " après tout, si ça marche, pourquoi pas " ? Deux poids, deux mesures Sauf quand la réalité vient se rappeler froidement aux zélateurs de ce nouveau progrès : transmission sur plusieurs kilomètres dune résistance artificielle aux pesticides dun colza transgénique à des variétés sauvages et autres mauvaises herbes (Le Monde diplomatique, mai 1997), allergies et chocs métaboliques imprévisibles causés par lingestion de néo-aliments, sclérose en plaque et autres maux rédhibitoires pour les vaccinés contre l'hépatite B à la suite dune campagne de marketing particulièrement virulente de lInstitut Pasteur.
En mettant en avant le clonage d'humains et son cortège de fantasmes de science fiction - homosexuels ravis à lidée davoir leurs " vrais " enfants, armées de clones, adaptation à dautres planètes, etc. -, et en agitant une pseudo-réflexion de chercheurs se donnant lair indépendant du marché, les médias et autres conseilleurs en éthique font passer toute une industrie transgénique déjà bien implantée : lait de chèvre comportant un gène humain antithrombique (Genzyme Genetics) ; vaccin contre l'hépatite B dans des bananes (Cornell University) ; primeurs indéfiniment mûrs et résistants aux insectes, pesticides et autres, tout comme de nombreuses céréales et graines (Limagrain, General Seed) ; recherches sur le virus de la grippe espagnole réfrigéré depuis les années vingt dans des cadavres au Sptizberg (Windsor University) ; grossesse accomplie obtenue par injection sous-cutanée d'hormones transgéniques de fertilité (groupe pharmaceutique AresSerono) ; minichromosomes humains créés in vitro (Cleveland University) ; discrète mais efficace recherche militaire Ce ne sont que quelques exemples dans lombre de Dolly.
On sinterroge doctement sur d'éventuels bienfaits, de possibles dérapages ; les associations cogitent sur les éternels projets dinterdiction et de contrôle. à ce propos, la contamination transgénique de lenvironnement est déjà observée et fait lobjet de publications scientifiques ; et l'étiquetage des aliments transgéniques apparaît demblée comme un " leurre " scientifique et administratif (La Recherche, juin 1997). De fait, cest tout le transgénique qui est le dérapage le plus totalitaire du capitalisme car aucun A.D.N., humain ou non, nest désormais à labri dune intrusion transgénique, volontaire ou non.
Il ne sagit pas de crier à la catastrophe par principe, même si on na jamais vu que les brillantes innovations de nos maîtres et de leurs serviteurs soient inoffensives. Mais, ici encore, la vraie catastrophe est ailleurs : une industrie aussi jeune (découverte du rôle de lADN en 1944 par Avery, de sa structure par Watson et Crick en 1953) est appelée à un avenir de perfectionnements incessants grâce aux ordinateurs. Selon une même logique productiviste, les programmations informatique et génétique vont dans le sens dune unification conceptuelle et méthodologique du monde. Celle-ci déjà bien lancée, la transgénisation de toute vie existante est tout à fait envisageable, que ce soit pour refaire une planète propre et plus résistante aux dégâts capitalistes ou pour rendre lespèce plus compatible avec un environnement de plus en plus dégradé.
La question de la nourriture pour tous serait réglée. Flore et faune résisteraient à la pollution. On serait nécessairement toujours en bonne santé : bref, demain on rase gratis Catastrophe absolue que cette transgénisation généralisée qui se ferait sans désastre écologique ou médical : non seulement le capitalisme ferait ainsi la preuve sans réplique de son omnipotence, mais le contrôle de tout lenvironnement, y compris la société humaine, serait enfin total : un marché infiniment captif, dans lequel tout ce qui est vivant est breveté et reproductible en série. Lutopie réalisée
Nous connaissons bien la saveur des projets mégalomaniaques des industriels, experts et autres bureaucrates pour en être régulièrement les cobayes. Jusquici le contrat social tient - un peu de confort contre beaucoup daliénation - tant que la menace de destruction paraît ingérable par la communauté (radioactivité) ou quelle reste physiquement éloignée (guerre, famine). Les nouvelles technologies, marchandises pilotes du nouvel ordre mondial, se sont en peu de décennies considérablement rapprochées du corps déjà dédié à lexploitation salariée : armes " intelligentes ", minitéléphone, microcaméra, badge de surveillance, bracelet électronique, carte de crédit et autres médicaments Avec les O.G.M., un double seuil est franchi : la technologie marchande pénètre au sein même des gènes humains, mais aussi de nimporte quel gène, renversant ainsi une nouvelle muraille de Chine Le contrat social change de nature : lappropriation achevée du monde est en marche.
Ceux qui sont directement concernés par toutes ces merveilles sont maintenus à l'écart des décisions, à moins de sen référer aux différents " éthiqueteurs " et autres salariés de la défense du progrès à tout prix.
Car les raisons de sinquiéter ne sont pas les mêmes pour tous. De bons esprits se demandent si au fond le transgénique na pas du bon, puisque l'Église est contre le clonage humain (Le Monde libertaire du 10 avril). Ce pseudo-débat est demblée caduc puisque le clonage est déjà en route, et il est douteux que le Vatican ou qui ce soit à l'heure actuelle puisse lempêcher ! Le rapport du comité d'éthique de la Commission européenne du 29 février 1997 juge le clonage d'humain " éthiquement inacceptable " mais tolérable à des fins de recherche Celui des animaux est " acceptable ". Être athée ou anticlérical ne suffit pas pour comprendre le nouvel ordre mondial (" éclairé " ou " néo-libéral ") et la stratégie des industriels : médicaliser les embryons, asservir les fermiers, faire muter des espèces pour augmenter la rentabilité ou tenter de réparer des dégâts écologiques trop visibles, programmer des Tchernobyl biologiques Quelle que soit la stratégie, il sagit de renforcer pouvoir et profit.
Certaines femmes dans lincapacité de procréer semblent même enthousiastes puisquelles sont prêtes à tout pour porter ou faire porter leur enfant " à elles ", confiant ainsi aux nouveaux ingénieurs non seulement leur corps - qui, pour les féministes, était censé nappartenir qu'à soi -, mais aussi, peut-être, à travers elles, le destin de lespèce. Il semble bien plus motivant de se livrer à ces expériences que dadopter un orphelin Et comment résister à ces médications et semences miraculeuses quon nous promet ? Une compagnie ne nous déclare-t-elle pas quelle " aide la nature à redevenir naturelle " ?
Tous ces rêveurs, au nom de la démocratie et des droits individuels, favorisent la banalisation du transgénique, dont ils escomptent quelques bienfaits en échange de leur servitude.
Pour tenter den finir avec les nuisances tristement célèbres du développement capitaliste, lesquelles pourraient finalement amener une révolte à la mesure des dégâts, les vaillants dirigeants et leurs valets ne sont donc capables que dune nouvelle version du même air : " en avant pour le progrès " ! Il sagit désormais de gérer la totalité du vivant dont ils simaginent responsables.
Cette logique monstrueuse est au cur du déploiement sans fin du marché. à ce titre, lindustrie transgénique, toutes catégories confondues, est de même nature que le nucléaire ou la science moderne du travail : créer des situations qui rendent impossible tout retour en arrière. Déchets, réfugiés et irradiés sont bien là, cest la même logique qui fabrique les victimes et qui les gère. Une biosphère médicalisée en permanence est le seul destin que les décideurs envisagent pour l'humanité Le XXIe siècle sera transgénique ?