La semaine qui vient de s'écouler aura été marquée par les débats parlementaires sur la loi de réduction du temps de travail (R.T.T.). Pourtant, la guérilla procédurière mise en uvre par lopposition peut surprendre puisque le projet socialiste a été inspiré par une loi de la droite, dite " Robien " (député U.D.F.), votée en 1996. En matière de lutte contre le chômage, la droite sobstine à réclamer des abaissements de charges sociales pour les entreprises : cest aussi ce que prévoit le projet Aubry avec ses aides dégressives de 5 ans pouvant aller jusqu'à 14 000 francs par salarié la première année. Enfin, la droite demande toujours plus de flexibilité, annualisation du temps de travail, baisse des salaires Et cest ce que propose la gauche comme contrepartie au patronat pour quil applique la R.T.T. (cf M.L. n° 1105 et 1109) ! En fait, ce qui poserait problème à la droite et aux patrons, cest la date butoir des ler janvier 2000 et 2002. Voilà toute la " différence " avec une gauche de plus en plus gauche, et de moins en moins plurielle quand il faut défendre la loi sur les 35 heures.
Le patronat aussi continue à montrer son opposition au projet : ces pantalonnades ne doivent pas nous leurrer. Le patronat aime les R.T.T. de droite ou de gauche. La preuve ? Le pôle Eau de la Générale des eaux a proposé une réduction du temps de travail avec un gel des augmentations et des primes pendant deux ans, un réaménagement des horaires sur six jours au lieu de cinq : 700 emplois sont promis. Or ces embauches proviennent des départs naturels (environ 600) : il ny a donc pas création de poste. De plus, les 100 autres emplois promis seraient, selon des syndicats ayant dénoncé larnaque, des titularisations demplois précaires existants ! De leur côté, les patrons de lAssociation française des banques veulent négocier les 35 heures en remettant en cause la convention collective : " Dans lesprit du gouvernement, les 35 heures saccompagnent bel et bien dun gel du pouvoir dachat [ ] pendant plusieurs années " affirme un patron de banque. Le ministère de l'Économie renforce loption des banquiers en renchérissant : " Lancienne convention doit évoluer ". Amen ! Dans les grands magasins, linquiétude est grande aussi de voir les salariés travailler avec des horaires peu conventionnels, et six jours par semaine une fois les 35 heures négociées. à son tour, la fédération des exploitants de salles de cinéma vient de signer un accord avec les syndicats représentant (mal, très mal !) les salariés. Cet accord prévoit 35 heures hebdomadaires avec embauche à hauteur de 10 % des heures effectuées. Certaines contreparties sont délirantes : réduction de charges sociales pendant sept ans, gel des salaires pendant deux ans dans la limite de 3 %, gel définitif de la prime dancienneté, annualisation du temps de travail
On voit bien que la pression sur les salariés est intolérable et que lon doit parler de partage des salaires dans le partage du travail tel quil est conçu par la gauche. Nous navons cessé de le dire depuis le début : cette baisse du temps de travail est un nouvel aménagement du capitalisme. La résistance du C.N.P.F. est factice. Aidés par les politiques au pouvoir et sous couvert de justice sociale, les patrons organisent la précarité pour tous sans résorber le chômage. Nous ne cessons de partager nos ressources, de diviser nos revenus, d'hypothéquer lavenir de l'écrasante majorité de la population alors que dans le même temps, on ne touche pas aux privilèges, aux capitaux, aux bénéfices et à la logique de loppression économique et sociale organisée par une infime minorité. Jusquau jour où Jusquau jour où nous tirerons les bilans de ce qui sest passé en novembre-décembre 1995, puis lors du blocus des routiers, du formidable mouvement des sans-papiers enfin de celui des chômeurs et précaires. Il faudra bien se dire qu'à chaque fois nous ne sommes pas allés assez loin pour obtenir pleine et entière satisfaction. Il faudra alors se souvenir de ceux et celles qui ont promis et à chaque fois menti, quils soient politiques ou leaders syndicaux. Nous devrons alors en tirer les conséquences pour les prochaines luttes qui risquent de se déclencher dans le cadre des conséquences de la R.T.T. Mais déjà, puisque les mouvements sociaux saccélèrent et balaient en profondeur la société française et les consciences sociales, puisque les pratiques à caractère libertaire tendent à se généraliser (action directe, démocratie directe, multiplication de collectifs de lutte autonomes), et que les thèmes de résistance sociale, de libre circulation de tous, de partage des richesses surgissent enfin de lombre il nous appartient plus que jamais de poser des jalons pour une révolution sociale et libertaire faite d'égalité, dentraide et dautogestion.
Pour finir là : cette semaine aura été marquée par les réactions des principaux leaders syndicaux à lannonce de la création dun " revenu minimum mensuel ", sorte de S.M.I.C. bis et à la nouvelle mesure annoncée par Aubry de travailler 39 heures hebdomadaires et de récupérer avec des jours de repos. Les pyramides syndicales s'éveillent. Pourtant, elles signent certains des accords évoqués plus haut. Par chance, certains syndicalistes sont plus méfiants et moins consensuels. Cest sûr, ceux là au moins lisent le Monde libertaire.