Le centième anniversaire du " Jaccuse " de Zola a complexé nos " intellectuels " médiatiques. Soucieux de ne pas rater loccasion de passer eux aussi à la postérité, ils guettent un juste combat à la mesure de leurs prétentions.
Le plus médiatique dentre eux a déniché son créneau. Bernard-Henri Lévy la décidé : la junte militaire algérienne sera son Dreyfus. Victime, selon lui, dune ignoble campagne de désinformation, larmée algérienne doit retrouver son honneur. B.H.L. sy emploie.
Pour cela, il sest décrété journaliste. Quatre pages dans " le " quotidien du soir, ce " grand reporter " a pu amplement livrer sa vérité. Elle est nette et sans bavures. B.H.L. trouve " irresponsable " de considérer " le pouvoir dAlger comme un bloc, uniformément tortionnaire et corrompu ". Lunique solution serait dappuyer " les démocrates algériens dans le seul combat qui compte : mettre larmée en demeure de faire son métier ". " Il ny a pas dautre choix dans le combat contre les Khmers verts ".
B.H.L. se déclare partisan du moindre mal. Idolâtre repenti du Grand Timonier, il demeure persuadé que la fin justifie les moyens. Rien ne peut l'ébranler. Ni lavocat Abdenour Ali Yahia, président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme, qui affirme que le pouvoir algérien détiendrait 35 000 prisonniers politiques et serait responsable de plusieurs milliers de disparitions, ni la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (F.l.D.H.) qui dénonce lutilisation systématique de la torture (électricité, chalumeau) par les services de sécurité et lemprisonnement de suspects, pour des périodes indéterminées, dans des centres de détention (quinze pour la seule ville dAlger) dont l'État persiste à nier lexistence.
Alliés objectifs dun régime discrédité qui a besoin de la guerre pour se maintenir, les démocrates éradicateurs que soutient B.H.L. se sont enfoncés dans une impasse. Ils demandent à larmée d'éradiquer par tous les moyens lislamisme puis dorganiser pour eux des élections " propres ".
Lidéologisation (laïcité versus islamisme) à outrance rend aveugle sur les racines sociales du drame algérien. Depuis six ans, la misère et le despotisme, les deux terreaux de lislamisme, nont fait que croître. Le prix de la baguette a décuplé, passant de 1 à 10 dinars, soit 1 franc français. Le kilo de viande est à 54 francs, un dixième du S.M.I.C. local.
Les enjeux de société fondamentaux comme les droits des femmes, la liberté dexpression et dorganisation, les droits politiques et culturels ne pourront jamais sortir des ghettos sociaux, essentiellement la classe moyenne francophone, où ils sont maintenus, si l'écrasante majorité de la population les vit comme lapanage dune minorité insensible à son sort. En Algérie aujourd'hui, les démocrates qui sidentifient au combat de la junte militaire discréditent pour longtemps lidée de laïcité.