Les films les plus intéressants venaient de la Chine, de Hong Kong, de Taiwan, donc dune seule et immense « cité de la douleur », comme le film du même nom. Que ce soit Sweet generation de Lin Cheng-Sheng ou Hold me tight de Stanley Kwan, des jeunes cherchent une place, font lamour, se trompent de sexe, toujours en quête désespérée dun autre, de sexe, davenir ou dune passion éphémère, lambiguité des liens entre frère et sur traduisent autant la dissolution de la famille ancienne que limpossibilité de fuite ou dapproche de désirs nouveaux et inexpérimentés des films questions, sollicitant notre curiosité et notre compassion.
De cette extase assez confinée à la puberté se détachent des uvres de maturité comme Eighteen springs de Ann Hui, mélodrame classique sur une méprise amoureuse entre deux surs et deux amis, où apparaît toute lambiguité du rôle de la famille qui orchestre sacrifice, rupture, trahison dans une tradition racinienne ou shakespearienne. Une autre uvre réalisée par un débutant sur la Chine post-maoïste raconte sans pathos lhistoire dun petit voleur qui finit par se faire pincer par une belle chanteuse de karaoké et par le zèle post-révolutionnaire de policiers peu libertaires et très vieux jeu ; un briquet joue lair de la Lettre à Elise et le tatoo ne fonctionne jamais au bon moment. On verra sûrement Xiao Wu de Jia Zhang Ke dans nos cinémas. Tristesse de jeunesses hors la loi et hors normes. Une drague dans les ruelles entre un garçon et une fille, filmée à distance, rendant la dimension de la cité et confondante de naturel et doriginalité. Jia Zhang Ke a tourné avec des non-professionnels et un budget dérisoire. Grande réussite dun film primé (forum du jeune cinéma).
Berlin est toujours en chantier et le déménagement-aménagement de lancienne-nouvelle capitale Berlin ne sera achevé que vers lan 2000. Le festival continue donc un an au moins dans ses lieux anciens, mais se déplace avec toutes les projections à la partie Est de la ville, et double le nombre des spectateurs. Les succès du cinéma français comme par exemple On connait la chanson nétaient donc pas surprenants. Alain Resnais récoltait ainsi un prix pour lapport de son cinéma à lart cinématographique. Lours dor était attribué à un film venu du Brésil, dune cinématographie moribonde. Central do Brasil de Walter Salles, qui filme cette gare centrale comme un documentariste ; la gare où sinstallent les protagonistes dune vraie histoire romanesque. Une femme, écrivain public, et un petit garçon qui veut retrouver son père. La traversée du pays et du Sertao donne lieu à un voyage fait de hasards, de rencontres, de surprises qui ont enchanté le public et les jurés.
Le public de Berlin, un des plus généreux et des plus curieux, sest laissé charmer par Jeanne et le garçon formidable, une comédie musicale, hommage à Jacques Demy. Mathieu Demy et Virginie Ledoyen, formidables, transportent un sujet grave, le sida, et les tourments des sentiments en dansant et en chantant. Les auteurs, Olivier Ducastel et Jacques Martineau, ont repris et actualisé lunivers enchanté de Jacques Demy. Ils ont su créer leur propre musique, et cest très souvent très réussi.
Comme tous les ans, les films les plus audacieux figuraient au forum, consacré au jeune cinéma du monde entier. Un magnifique Tokyo Lullaby de Jun Jchikawa jouait sa mélodie nostalgique, et des films venus de lex-U.R.S.S. racontaient la solitude et la ferveur de gens attachés à leur terre et leurs villages malgré Tchernobyl et léconomie en déroute qui caractérisent cette région du monde sinistrée.
Le cinéma, cest le monde ; la grande rétrospective consacrée à luvre de Curt et Robert Siodmak rappelait cette vérité fondamentale. Leur uvre éclot à Berlin et sachève à Hollywood en transportant les brûlots de notre histoire dans lautre monde.